Vanté à grand renfort de superlatifs par Enedis (ex-ERDF, filiale d’EDF en charge de la gestion du réseau de distribution d’électricité en France), le compteur électrique Linky est de ceux que l’on nomme "communicants". Traduction : il transmet, une fois par jour, la consommation de chaque foyer au fournisseur d’électricité.
Le système est double : les données sont d’abord envoyées par courants porteurs en ligne (CPL), c’est-à-dire par le réseau électrique, jusqu’à un concentrateur qui les regroupe. Elles sont ensuite transmises au fournisseur par GPRS, autrement dit par les réseaux de la téléphonie mobile. Entre 2015 et 2021, ce sont 35 millions de ces compteurs qui devraient remplacer les actuels compteurs électromécaniques. Mais ce programme ne fait pas l’unanimité.
254 municipalités, dont celle du militant écologiste Stéphane Lhomme (Saint-Macaire), ont jusqu’ici voté contre l’installation de Linky – décisions à la valeur juridique toute relative. Des associations (Robin des toits, Next-up…) et groupes citoyens se mobilisent pour sensibiliser sur la question.
Un gadget coûteux… et à risque ?
Les raisons de la fronde sont multiples. Le prix économique de ce dispositif faramineux, d’abord, fruit d’un investissement de 5 à 8 milliards d’euros selon les sources. Si Enedis met en avant la gratuité de l’installation des boîtiers, le prix risque d’être répercuté, à terme, dans la facture des ménages. Existe aussi un coût social : la diminution drastique du nombre d’emplois de techniciens EDF. L’incohérence environnementale paraît, elle, évidente : même s’ils seront recyclés, les compteurs actuels sont encore en état de marche. Pourquoi s’en débarrasser ? Les détracteurs de Linky dénoncent, de plus, sa durée de vie hautement inférieure à celle des compteurs classiques.
Il est également question de risques sanitaires. Le réseau électrique des habitations n’est pas adapté à la puissance des CPL, et n’isole donc pas suffisamment de ces radiofréquences, classées comme potentiellement cancérigène par le CIRC (agence de l’OMS) depuis 2011. La transmission par GPRS ajouterait, de son côté, des ondes téléphoniques à un réseau déjà dense.
Enfin, le stockage de données très précises sur les pratiques de consommation, et donc sur les modes de vie, laisse craindre des violations de la vie privée : piratages, reventes à des entreprises avides d’offres commerciales calibrées aux pratiques individuelles, voire utilisations policières. La CNIL se dit « vigilante » et affirme que l’utilisation des données par des tiers – soit leur vente par Enedis – nécessitera l’accord préalable des personnes concernées.
À qui profite Linky ?
Au-delà de tous ces risques, plus ou moins aigus selon les études et les réquisitoires, c’est l’utilité en soi du nouveau compteur qui se voit questionnée. Selon Enedis, le déploiement de Linky vise à favoriser concrètement les consommateurs : rendre consultable en direct la consommation et donc pouvoir plus aisément la réduire, accélérer les démarches par des procédures à distance, et diminuer les coûts. Des affirmations contestables. Le suivi de la consommation se fera par Internet, alors qu’il aurait pu, comme le réclamaient certaines associations de consommateurs, apparaître directement sur le boîtier. L’accès à une telle option deviendrait alors payant, en parallèle d’une multiplication des offres.
Au lieu d’inciter les gens à surveiller leur courbe de consommation pour se chauffer moins, il semblerait par ailleurs plus pertinent de commencer par mieux isoler les logements. Linky est, enfin, présenté comme un moyen indispensable d’intégration au réseau des énergies renouvelables. Là aussi, les avis divergent. Les principaux bénéficiaires semblent donc se trouver ailleurs : constructeurs du boîtier Linky (Itron, Landis+Gyr, Sagemcom, Ziv, Ester) se partageant un juteux marché ; fournisseurs d’électricité qui réduisent leurs coûts en main d’œuvre ; entreprises en quête d’informations sur les modes de vie individuels…
Alors que l’installation de compteurs communicants a été officiellement remise en cause dans de nombreux pays, dont l’Allemagne, le processus fait en France l’objet de soutiens en haut lieu. Des communes récalcitrantes se sont vues attaquées en justice par la préfecture, et condamnées. Avec la généralisation des compteurs communicants aux secteurs du gaz (compteur Gazpar) et de l’eau, la dynamique semble globale.
Aux inconvénients listés dans ce texte à propos de Linky, j’ai l’impression qu’il faut y ajouter celui-ci : ce compteur pourra, à l’avenir, devenir le maître chez vous, par exemple en commandant la marche ou l’arrêt de vos appareils électroménagers, notamment de votre lave-vaisselle, selon les bons vouloirs du fournisseurs d’électricité...et non pas vos besoins ou désirs. J’en ai trouvé une preuve à l’occasion d’un renouvellement récent de mon lave-vaisselle (marque allemande, évidemment !). Il n’a plus la fonction "lavage d’attente" qui permettait de rincer quelques verres en attendant la "grosse vaisselle" à venir. Bizarre ! En revanche il vous offre des programmes interminables (3 heures !), à basse puissance. Ce ne sera plus vous qui choisirez - à terme - de faire vite ou non la vaisselle ! Mais Linky, c’est à dire le fournisseur d’électricité... si cela l’arrange.
J’avance une explication : l’Allemagne a abandonné le nucléaire ; elle n’a plus assez de puissance électrique disponible, ou à bas coût à certains moments. Mais elle a des kWh en excès (lorsqu’il y a du vent ou du soleil). Il faut alors les vendre à tout prix au consommateurs : le fournisseur d’électricité fait tourner les lave-vaisselles interminablement, pour consommer du kWh à très basse puissance, que le consommateur paye néanmoins. Les lave-vaisselles (allemands)sont conçus désormais en conséquence...et Linky viendra à votre insu compléter le travail...pour maintenir la "compétitivité" du fournisseur d’électricité...à vos dépens. Où est la-dedans la protection de l’environnement ? Mais je me trompe sûrement : qu’on me corrige, je suis prêt à réviser mon "parti-pris"... ou ma propension à la "théorie du complot" !
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