Ce samedi 24 juin, célébrant "40 ans de marche, 40 ans de luttes", la Marche des fiertés parisienne accueillera parmi ses chars, un cortège inédit et révélateur d’une "politisation" problématique depuis quelques années, celui des jeunes LGBT de la République en Marche. Indice d’une lune de miel à venir ou mise-en-scène d’une entente de façade ?
Cinquante nuances de rose
À en croire le risible photomontage en couverture du magazine gay Garçon , représentant le futur président torse nu, et un sondage Cevipof de mars dernier, une histoire d’amour se dessinerait entre l’électorat gay et lesbien et Emmanuel Macron. Favorable à la PMA pour toutes les femmes, ce dernier paraissait suivre le chemin emprunté, à quelques faux-pas près par l’adepte des prides canadiennes et des chemises pastels, son alter ego néolibéral Justin Trudeau.
Deux mois plus tard, le "devenir LGBT-friendly" du président et de sa troupe fait plus que jamais question. Le ministre Gérard Darmanin, opposé au mariage pour tous en 2012, Olivier Serva, député guadeloupéen investi par En Marche dont les récentes sorties sur l’homosexualité n’avaient rien à envier à celles de Christine Boutin, ou encore Vincent Bru – également opposé au mariage en 2013 et signataire d’un "manifeste pour l’enfance" –, peuvent difficilement cacher leur homophobie derrière le seul député LRM ouvertement gay, Pacôme Rupin, ancien adjoint PS à la mairie du 4e arrondissement, fraîchement converti à la marche rapide vers l’Assemblée.
Celui-ci ne s’est par ailleurs pas prononcé publiquement sur les revendications LGBT. La marge de manœuvre politique inhérente à chaque début de mandat sur les questions de société est pourtant essentielle pour leurs droits. Alors que s’évanouissent dans les paroles des élus [1], d’autres revendications essentielles aux luttes LGBTI [2], les LGBTI ont-ils des raisons de rester confiants ?
Urgence tchétchène
La persécution des homosexuels en Tchétchénie aura quant à elle bénéficié d’un traitement particulier de la part du président. L’empressement avec lequel il avait réaffirmé l’importance du respect des droits de l’homme lors de sa rencontre avec Vladimir Poutine à Versailles, ainsi que l’engagement du gouvernement de permettre l’accueil de réfugiés tchétchènes fut salué par différentes associations. Un empressement de même ordre que celui de la police pour évacuer, ce jour-là, des militantes de l’association féministe Fières qui souhaitaient simplement dérouler une banderole devant le château de Versailles…
Derrière le rose de surface, que reste-t-il ? Les belles déclarations d’Emmanuel Macron ne semblent pas plus contraignantes que la récente condamnation de la Cour européenne des droits de l’homme à l’encontre de la loi contre la propagande homosexuelle en Russie. Est-il alors sérieusement possible d’envisager autre chose que l’instrumentalisation de la crise tchétchène ?
Associations (Urgence Tchétchénie, SOS homophobie) et bénévoles qui travaillent actuellement avec le quai d’Orsay à la délivrance de visas humanitaires pour les réfugiés homosexuels exfiltrés de Russie se disent plutôt optimistes. Alors que ce lundi, un grand concert parrainé par une flopée de stars [3] était organisé afin de lever des fonds pour les réfugiés, le président de SOS homophobie Joël Deumier rappelle « la position ferme des associations » sur le sujet ainsi que leur souhait d’être informées de l’avancée du dossier et de la situation des réfugiés.
Les amnésies de Gérard Collomb
Une situation qui reste cependant pour le moment très floue. Car si le nombre de réfugiés tchétchènes arrivés en France n’est pas communiqué publiquement pour des raisons dites "de sécurité", il y a fort à parier qu’ils se comptent sur les doigts d’une demi-main. La disproportion momentanée entre ce contingent et l’ampleur de la campagne de communication médiatico-politique et des fonds recueillis pourrait réjouir si elle contrastait brutalement avec la situation française des autres réfugiés précaires [4], selon une conception à deux vitesses de la solidarité.
Attitudes ambigües, donc, que celles qui invisibilisent des minorités et opposent des groupes persécutés ou discriminés. Une instrumentalisation politique que le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb [5] semble avoir du mal à manier. Celui qui n’a de gay friendly que le nom pouvait encore récemment s’affirmer ardent défenseur des causes LGBTI tout en refusant, pour des raisons de sécurité, le passage de la Marche des fiertés lyonnaise par la vieille ville – un "Bronx" d’extrême droite selon ses dires.
Apostrophé le 14 juin sur Mediapart par Nathalie Perron-Gilbert, maire du 1er arrondissement, elle lui rappelait son « amnésie passagère » sur l’autorisation en 2012 d’une manifestation anti-GPA de la Manif pour tous ou son aisance à déployer les forces de polices pour expulser des familles précaires de Lyon.
Conseils en pinkwashing
Il n’est en effet pas difficile de saisir l’aspect discriminant à l’encontre de la communauté LGBTI de cette soudaine priorité sécuritaire. Une logique qui résonne évidemment avec les violences infligées aux plus précaires ou encore le déploiement de nouvelles forces policières dans la région calaisienne où s’intensifie actuellement une persécution à l’encontre des migrants (mineurs, femmes et enfants compris) particulièrement cruelle.
Sans doute, les conseils en pinkwashing de la mairie de Paris pourront être utiles au ministre de l’Intérieur. Cette dernière, lorsque se pressent et s’entassent les migrants devant le centre bondé de la Chapelle, sous les ponts ou dans des recoins de fortune, présentait il y a peu son ambition de faire de Paris la ville du tourisme gay. Vif contraste alors qu’à trois jours de la pride parisienne, différentes associations faisaient état de nouvelles violences policières devant le centre "humanitaire".
La tactique de la main de fer dans un gant de velours rose n’abuse heureusement pas celles et ceux qui se retrouveront ce vendredi soir, pour la troisième année consécutive, à la Pride de nuit parisienne, marche alternative à celle des Fiertés du lendemain. Sans cortège gouvernemental en son sein, réclamant notamment des avancées pour les personnes trans et intersexes et dénonçant logiques sécuritaires et instrumentalisation de leurs luttes, cette "coalition de non-conformes" dont le succès est chaque année grandissant dissipera momentanément le mirage arc-en-ciel vendu par ce pinkwashing en marche accélérée.
Le jeu de mots sur G. Collomb est franchement douteux. On se demande ce que ça vient faire dans un article par ailleurs intéressant et nécessaire. A supprimer, non ?
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