Avec un score de 55,17%, pour un taux de participation de 51%, les habitants de Loire-Atlantique, conviés aux urnes dimanche 26 juin pour un référendum consultatif, se sont prononcés en faveur de la construction d’un nouvel aéroport sur la commune de Notre-Dame-des-Landes. Pour les promoteurs locaux du projet comme pour le gouvernement, qui traîne le dossier tel un boulet depuis le début du quinquennat, la cause est désormais entendue : les travaux auront lieu, et les occupants du site devront partir avant l’automne.
Ce résultat augmente les marges de manœuvre de l’exécutif pour conduire une expulsion du site. Mais les occupants ne reconnaissent pas la légitimité du référendum, et annoncent vouloir continuer « d’habiter, cultiver et protéger le bocage ».
Défendre la ZAD au nom d’un choix de société
Ces occupants ont été piégés par une consultation taillée sur mesure pour une victoire du "oui". En consultant les habitants du département de la Loire-Atlantique, le gouvernement n’a pas seulement choisi un territoire réputé favorable au nouvel aéroport. Il s’est aussi assuré que le débat resterait plus facilement cantonné à des enjeux locaux et de nature essentiellement technique – qui sont un aspect de la contestation du nouvel aéroport mais ne constituent pas son terrain de lutte privilégié. En mettant l’accent sur le développement et l’emploi, les nuisances sonores ou la croissance du trafic aérien, les promoteurs du projet ont dépolitisé un dossier dont les enjeux réels dépassaient ce cadre restreint.
Si Notre-Dame-des-Landes a tant mobilisé, suscité une vague de soutien à travers le pays, si les "zadistes" ont tenu bon il y a quatre ans face à l’opération d’évacuation César, ce n’est pas seulement contre des choix d’aménagement du territoire qui entraînent une raréfaction des zones humides et la disparition des bocages. C’est aussi parce que la défense de la ZAD englobe ces questions dans celle, plus large, d’un choix de société qu’il devient pour beaucoup – et notamment pour les jeunes générations – urgent d’opérer. En confinant, avec un peu de réussite, Notre-Dame-des-Landes au débat local, le gouvernement a su désamorcer le potentiel symbolique qui fonde la contestation. Et empêché l’imaginaire de la ZAD de gagner d’autres espaces.
Ce potentiel, les opposants n’ont pas été en mesure de le réactiver. Ils n’ont pas été aidés par une actualité nationale qui a largement recouvert le débat ces derniers mois, ni par les difficultés d’EELV, relais traditionnel du combat contre l’aéroport dans le débat politique national. Ils ont également pâti d’une gauche traditionnelle qui reste encore souvent dans la difficulté lorsqu’il s’agit de prendre la mesure de la question climatique et des perspectives de transformation sociale que sa résolution nécessite.
L’ancien monde veut durer par la force
La transformation des rapports de production et de consommation est au cœur des questions posées par la contestation à l’aéroport, mais la stratégie "d’endiguement" du débat n’a pas facilité une jonction qui aurait pu s’opérer dans un contexte différent. C’est peut-être ici qu’est la victoire la plus importante du gouvernement. Non seulement dans le fait d’avoir obtenu l’aval des électeurs pour la construction des pistes et de l’aérogare, mais aussi d’avoir esquivé la mise en cause plus large d’un modèle social qui constitue une gigantesque impasse collective.
Alors que le développement exponentiel des échanges internationaux se traduit par une accélération des émissions de CO2 et du réchauffement climatique, c’est pour relier le "grand Ouest" aux capitales européennes que le projet d’aéroport a, selon les arguments de ses promoteurs, été conçu. L’aéroport est ancré dans l’imaginaire de la mondialisation, celui d’une richesse qui tendrait à s’accumuler et se diffuser à mesure que s’accroît la circulation des marchandises, des capitaux et des "hommes d’affaires".
Autour de Notre-Dame-des-Landes s’affrontent ainsi l’ancien monde, celui qui tente de perdurer contre toute évidence en s’imposant par la force, et la galaxie des possibles dessinée par les alternatives qui fleurissent un peu partout et ne demandent qu’à s’incarner dans un imaginaire commun, pour alimenter la perspective d’un changement de société plus profond. De ce point de vue, l’aéroport est une ligne de fracture symbolique, et l’on comprend pourquoi les forces conservatrices, gouvernement en tête, n’entendent pas laisser la contestation "s’enkyster". Quelle qu’ait été l’issue de la consultation, Manuel Valls avait prévenu : le site devra être évacué. Mais le fait est qu’aujourd’hui, l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes n’est pas encore sorti de terre.
"Ils ont également pâti d’une gauche traditionnelle qui reste encore souvent dans la difficulté lorsqu’il s’agit de prendre la mesure de la question climatique et des perspectives de transformation sociale que sa résolution nécessite."
On se demande pourquoi les écosocialistes du programme -l’Humain d’Abord- et maintenant de -la France Insoumise- se décarcassent pour ne même pas être évoqués ici...
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