Ce mercredi 20 avril (51 mars si l’on suit le calendrier martien du mouvement), François Ruffin du journal Fakir et la commission Convergence des luttes de Nuit debout organisaient à la Bourse du travail à Paris une soirée-débat sur "L’étape d’après. Il s’agissait de se demander : « Où va-t-on avec Nuit debout ? » Avec qui, et pour dessiner quel avenir au-delà de l’occupation des places ?
François Ruffin est le premier à prendre la parole, dans une salle électrisée par l’attente et l’air entraînant joué en ouverture par un orchestre. Il commence par relater son émotion, chaque soir, lorsqu’il voit Nuit debout renaître de ses cendres – la place étant vidée tous les matins par les forces de l’ordre. Il confie que le succès du 31 mars est pour lui de l’ordre du miracle car à gauche, « on est plutôt habitué à l’échec ». Mais ce succès ne doit pas éteindre notre sens critique ni escamoter les impératifs stratégiques, ajoute-t-il en substance.

Il y avait beaucoup de monde à la Bourse du travail, tellement qu’il fallait venir une bonne heure à l’avance pour espérer entrer. Avant d’y renoncer, les organisateurs avaient bien pensé délocaliser l’événement sur la place de la République, où il a tout de même été retransmis en direct. Tout ce monde était là pour réfléchir à la stratégie de l’après-Nuit debout, qui viendra tôt ou tard.
L’idéalisme et le pragmatisme
Ce que redoute Ruffin (et bien d’autres personnes qui participent à Nuit debout), c’est que ce mouvement populaire s’essouffle. Aussi le réalisateur de Merci patron ! lance-t-il : « J’ai un coup à vous proposer : un gros 1er mai qui finit en meeting commun avec les syndicats à République ». Selon lui, il revient à Nuit debout de tendre la main aux syndicats, afin de « revenir sur la fracture de mai 68 entre la jeunesse et les syndicats ».
Comme pour appuyer la proposition, plusieurs syndicalistes prennent ensuite la parole, comme Fabrice de la CGT métallurgie Isère. De son point de vue, Nuit debout remet en cause les modes de mobilisation classiques et l’organisation pyramidale et fermée des syndicats. Mais le mouvement resterait dans une approche insuffisamment revendicative. Il propose alors d’unir sa fraîcheur organisationnelle à l’expérience des luttes des syndicats, et demande à Nuit debout de venir dans les entreprises pour pousser à la grève générale.
Parmi les intervenants, Serge Halimi et Renaud Lambert, du Monde diplomatique exposent les erreurs d’Occupy Wall Street et du 15-M espagnol (plus connu sous le nom de mouvement des Indignés). Selon eux, il faut que Nuit debout « adjoigne du pragmatisme à l’idéalisme » et pense rapidement à s’organiser pour mieux se défendre face à ses adversaires, en mettant en place des porte-parole (lire aussi "Nuit debout : comment dépasser l’expérience citoyenne dans un projet politique ?". Unissant leurs voix à celle de Frédéric Lordon, tous trois insistent pour que Nuit debout définisse quelques luttes prioritaires sur lesquelles converger, comme par exemple la loi El Khomri ou le Traité transatlantique (TAFTA).
Détour en banlieue, retour à République
Mais un autre son de cloche se fait entendre. Tout d’abord Marie, de Droit au logement (DAL), qui avoue sentir qu’il y a « quelque chose à jouer entre Nuit debout et les banlieues ». Arrive ensuite Almamy Kanouté, militant associatif et éducateur, qui connaît un franc succès. Dans un style bien plus direct, celui qui se dit « haut-parleur de la banlieue » appelle à une fusion entre Paris et les banlieues. Mais il est clair : « C’est à Paris de venir en banlieue. On ne va pas venir sur Paris pour écouter des débats. Ce qui nous intéresse, c’est l’action ». Il insiste sur la violence quotidienne que font subir « les col-blancs » aux banlieusards et sur la nécessité de « se débarrasser d’eux une bonne fois pour toute ». Ce soir, l’homme d’action, c’était lui.

Après plus de deux heures d’interventions, Ruffin demande à la salle : « On fait quoi ? » et donne la parole au public, attendant des propositions d’actions pour les deux ou trois semaines à venir. La soirée devient alors beaucoup plus tendue. De grands principes, déjà entendus, sont encore exposés, mais rien de concret ou de nature à définir un dépassement de Nuit debout.
En désespoir de cause, Ruffin sort une feuille de papier intitulée "Pour un 1er mai commun", que chacun n’avait plus qu’à signer. La soirée ne débouche ainsi que sur la proposition initiale : "L’étape d’après" entend offrir à Nuit debout un défilé du 1er mai et un meeting avec les syndicats, en priant pour que ceux-ci entament une grève reconductible. En guise de consolation, Ruffin a fait prêter serment à l’assemblée de ne plus jamais voter PS. On rit, sans se départir d’une pointe de déception sur l’issue des débats.
Pour ceux qui n’y étaient pas, un compte-rendu utile. En fait, des propositions utiles et qui se confortent.
Et on avance chaque jour. Patience. Voir notamment ce fil d’infos continu : "Toutes et Tous Debout"
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