Naturellement, rien n’est réglé. Bien sûr, les classes dominantes d’Europe n’ont pas dit leur dernier mot : elles ne renonceront jamais à faire échouer le gouvernement grec et à imposer leur dogme austéritaire. Oui, sans doute, y a-t-il des faiblesses et des contradictions dans le camp populaire. Mais… quand même : 61,3% ! On me pardonnera sans doute de savourer le moment présent et de remettre à (un peu) plus tard analyses et projections.
On se souviendra longtemps du dernier rassemblement de campagne, tenu vendredi sur la place Syntagma à Athènes et du discours d’Alexis Tsipras : « Aujourd’hui est un jour de fête. Ce jour est une fête de la démocratie. » Et c’est là la première chose à retenir de la semaine historique que l’on vient de vivre : confronté au chantage des "institutions", alors même que sa légitimité (acquise lors des élections législatives de janvier dernier) était intacte, le gouvernement dirigé par Syriza a fait le choix courageux de demander au peuple grec la confirmation de son mandat.
Rien que cela était déjà, indépendamment même du résultat, une leçon et un défi adressés à l’oligarchie européenne tellement habituée à se passer de l’avis des peuples… quand elle ne s’assoit pas franchement dessus. Comme le disait si bien une pancarte aperçue lors d’une des manifestations parisiennes : « À Paris, le 49-3. A Athènes, la parole au peuple. » Ce sont effectivement deux conceptions de la politique qui s’affrontent…
L’oligarchie et ses supporters
Le second élément à souligner est évidemment la remarquable leçon de courage politique donnée aux autres peuples européens par le peuple grec. Parce que le moins que l’on puisse dire est que les partisans grecs et européens du "oui" n’ont reculé devant aucune désinformation, aucun mensonge, aucune insulte, aucun chantage. À commencer par le véritable coup d’État financier et politique opéré par la BCE : lorsqu’elle a coupé les liquidités aux banques grecques après l’annonce de la tenue d’un référendum, elle espérait sans doute faire plier le gouvernement grec. Ou, à défaut, créer un certain désordre économique dont les Grecs auraient, pensait-elle, rejeté la responsabilité sur Tsipras.
Plus généralement, l’oligarchie et ses supporters, notamment dans les médias, ont spéculé sans vergogne sur la crainte du chaos. Une intense campagne de la peur s’est développée tout au long de la semaine, avec de nombreux relais à l’étranger.
Au final, tout cela a été vain. Malgré des inquiétudes bien compréhensibles quant à l’avenir de la Grèce et à leur propre avenir, plus de 61% des électeurs ont exprimé sans ambiguïté leur rejet de l’austérité. Un choix salutaire, d’abord pour la société grecque qui a déjà tellement souffert ces dernières années. Ensuite, pour les peuples du Sud de l’Europe, tout autant vilipendés que les Grecs par la bourgeoisie européenne et ses mercenaires. Et, plus généralement, pour les classes populaires d’Europe.
La haine des Grecs
Enfin, on n’est pas près d’oublier les écrits et les déclarations d’un certain nombre de personnalités politiques dont les masques sont tombés, en Europe et en France. Le matin même du référendum, à la télévision, Xavier Bertrand insultait encore à nouveau Alexis Tsipras. Mais il n’était alors que le dernier de la longue liste de celles et ceux qui se sont illustrés dans le registre de la violence et de la haine des Grecs : Nicolas Sarkozy, Wolfgang Schäuble, Christine Lagarde, Pierre Moscovici. Et bien d’autres…
Cette violence et cette haine n’ont pas désarmé, même après le résultat du scrutin. Sitôt le "non" connu, c’est un "social-démocrate", Sigmar Gabriel, ministre allemand de l’Économie, qui a manifesté la volonté de chasser la Grèce de l’Europe. On a là une nouvelle illustration de la complicité profonde qui unit dirigeants des entreprises multinationales, hauts fonctionnaires de l’Union européenne, politiciens de droite, mais aussi responsables sociaux-libéraux.
Cette alliance vient de connaître un échec cinglant. Comme le présentait Alexis Tsipras vendredi dernier, « le peuple grec a maintes fois démontré au cours de son histoire qu’il savait retourner un ultimatum à son expéditeur ». C’est exactement ce qui s’est passé hier. Maintenant, son choix doit être respecté !
Mais pourquoi ce referendum, puisque le gouvernement grec a déjà été clairement élu contre l’austérité imposé par la Troïka ?
S’agit-il de préparer un retour à la table des négociations en vue d’obtenir un accord pour des mesures d’austérité légèrement modifiées et de crier Victoire ?
" Syriza n’en apparaît pas moins comme un parti profondément divisé sur des points stratégiques essentiels, qui sont au centre du débat national et européen. Il est évident que la confrontation entre les partisans d’une approche « réaliste », soucieux d’accéder au pouvoir " à froid ", de ne pas rompre avec le cadre européen et de ménager les secteurs stratégiques des forces dominantes, et ceux qui prônent l’affrontement ouvert et la rupture avec le cadre actuel de l’UE touche au cœur des questions qui se posent aujourd’hui à la gauche radicale du Vieux Continent." Stathis Kouvélakis
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