Grisis
OK ! Voilà qui est devenu réalité : les banques grecques fermées, les contrôles de capitaux imposés. Grexit n’est plus si loin – la mère redoutée de tous les paniques bancaires est presque là, ce qui signifie, maintenant, que l’analyse coût-bénéfice de la sortie de l’euro est beaucoup plus favorable à celle-ci qu’elle ne l’a jamais été auparavant.
Il est clair, cependant, que certaines décisions doivent maintenant attendre le référendum. Je voterais "non" pour deux raisons.
Tout d’abord, même si la perspective de sortie de l’euro effraie tout le monde – moi y compris – la Troïka exige maintenant effectivement que la politique des cinq dernières années se poursuive indéfiniment. Où est l’espoir dans tout cela ?
Peut-être, et seulement peut-être, l’affirmation de la volonté que cela cesse va inspirer une refonte. Mais probablement pas. Auquel cas, la dévaluation ne pourrait pas entraîner beaucoup plus de chaos que celui qui existe déjà, et elle pourrait ouvrir la voie à un rétablissement ultérieur, tout comme elle l’a fait dans de nombreux autres temps et autres lieux. La Grèce n’est pas si différente.
En second lieu, les implications politiques d’un vote Oui seraient profondément inquiétantes. De toute évidence, la Troïka a fait une Corleone à l’envers [1].Elle a fait à Tsipras une offre qu’il ne pouvait pas accepter, et elle l’a, sans doute, fait en connaissance de cause. L’ultimatum était donc une manœuvre pour remplacer le gouvernement grec. Et même si l’on n’aime pas Syriza, cela a de quoi inquiéter tous ceux qui croient dans les idéaux européens...
28 juin 2015 – traduction Bernard Marx
Le moment de vérité pour l’Europe
Jusqu’à présent, chacune des alertes concernant une rupture imminente de l’euro s’est révélée fausse. Les gouvernants, quoi qu’ils aient promis lors d’élections, ont cédé aux exigences de la Troïka ; en même temps, la BCE agissait pour calmer les marchés. Ce processus a maintenu la monnaie, mais a perpétué une austérité profondément destructrice. Il ne s’agit pas de quelques trimestres de croissance modestes pour certains débiteurs, mais de l’immense coût de cinq ans de chômage de masse.
Sur le plan politique, les grands perdants de ce processus ont été les partis de centre-gauche, pour lesquels le consentement à une sévère austérité et donc l’abandon de tout ce qu’ils sont censés défendre a fait beaucoup plus de dégâts que des politiques similaires pour le centre-droit.
Il me semble que la Troïka (je pense qu’il est temps d’arrêter de prétendre que quelque chose a changé, et qu’il faut revenir à l’ancien nom) s’attendait, ou du moins espérait que la Grèce serait une copie conforme de cette histoire. Soit Tsipras ferait comme les autres, abandonnant une grande partie de sa coalition et étant probablement contraint à une alliance avec le centre-droit, soit le gouvernement Syriza chuterait. Et cela peut encore se produire.
Mais, du moins jusqu’à aujourd’hui, Tsipras ne semble pas disposé à se faire hara-kiri. Au lieu de cela, face à l’ultimatum de la Troïka, il organise un référendum pour décider de l’accepter ou non. En réalité, il fait ce qu’il faut faire. Et ce pour deux raisons.
Tout d’abord, s’il gagne le référendum, le gouvernement grec sera renforcé par la légitimité démocratique qui, je pense, compte encore en Europe. Et s’il ne le gagne pas, nous avons besoin, aussi, de le savoir.
Deuxièmement, jusqu’à présent Syriza a été dans une position politique délicate. Ses électeurs sont à la fois furieux des exigences pour accroître l’austérité et en même temps, ils ne veulent pas quitter l’euro. Il a toujours été difficile de voir comment ces souhaits pouvaient se concilier. C’est encore plus difficile maintenant. Le référendum permettra aux électeurs de choisir leur priorité, et de donner à Tsipras le mandat de faire ce qu’il doit, si la Troïka va jusqu’au bout.
Pour dire ce que je pense, cela a été un acte de folie monstrueuse de la part des gouvernements créanciers et des institutions de pousser les choses là où elles en sont. Mais ils l’ont fait, et je ne peux certainement pas blâmer Tsipras de se tourner vers les électeurs, au lieu de se tourner vers eux.
27 juin 2015 – traduction Bernard Marx
De Paul Krugman, lire aussi : "Casser la Grèce"
Merci pour cette traduction.
Juste une remarque : "eventual" signifie non pas "éventuel", mais "final" (ici en contexte "ultérieur"). Le texte de Krugman en est d’autant plus fort.
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