Podemos n’a pas deux ans d’existence. Jusqu’à présent, les alliances au cas par cas ont fait office de règle absolue. Petite "absorption" d’associations militantes par-ci, petite salade d’étiquettes politiques par-là, etc. À chaque fois, Iglesias a tenté de mettre la gauche radicale en ordre de bataille derrière sa bannière violette, imposant sa vision de l’échiquier politique à Izquierda unida (IU) – fût-il parfois désorienté par plus radical que lui, comme ce fut le cas avec la maire de Barcelone, Ada Colau.
Mais, en général, Podemos est parvenu à fédérer, avec cette idée que l’axe gauche / droite était un élément fondamental de la "caste", et qu’il fallait désormais regarder le monde à travers un prisme haut / bas, caste / peuple. Le concept a plu, mais la magie s’essouffle peut-être.
Un centralisme stérile (voire perdant)
Si le bipartisme est en voie d’extinction en Espagne, il sera très certainement remplacé en décembre par une partie à quatre : PP, Ciudadanos, PSOE et Podemos. Un tableau qui penche sérieusement à droite, attirant presque malgré lui Pablo Iglesias. Sauf qu’à ce jeu-là, la gauche radicale perd et perdra toujours. Dernier sondage : le PP et le PSOE joue à armes égales autour des 23%. Troisième, Ciudadanos, dépasse les 20%. Enfin, Podemos peine à passer la barre des 15%. [1].
Quoi qu’il en soit, Podemos ne va pas bien, et un coup de volant à gauche est plus que jamais nécessaire. Car la chute dans les sondages de Podemos résulte principalement de sa centralisation. Si le pari de l’abandon du discours de la gauche classique a entrainé un regain d’intérêt politique auprès d’une population désabusée, ce discours n’en était pas moins révolutionnaire en ce qu’il rejetait les codes d’une société inégalitaire. Mais à vouloir ratisser toujours plus large, Podemos en a perdu son essence.
La composition et le nom de Podemos pour les élections générales ont été l’objet de débats houleux, certains craignant que l’esprit du 15-M (révolte des Indignés) ne se dissipe dans la forme d’un parti trop institutionnel. Finalement, les cadres de Podemos ont dit "Non à la soupe de sigles". Si Podemos est parvenu à rallier sous son nom quelques mouvements de gauche, principalement de petits partis régionaux, reste tout de même à s’accorder avec deux forces majeures : Izquierda unida et la Catalogne.
Appel d’air à gauche
Alberto Garzon, le candidat d’IU, entend bien profiter du contexte pour sortir son parti de la tombe (IU avait obtenu 6,92% des voix aux Générales de 2011), en partant lui aussi à la chasse aux soutiens. Seulement, contrairement à Iglesias, il n’a pas hésité à radicaliser son discours. Exemple significatif, Garzon a critiqué les renoncements d’Alexis Tsipras. D’ailleurs, IU se présentera aux Générales sous le nom de… Unité populaire.
Pourtant, le leader d’IU répète à l’envi que son parti n’est pas contre une alliance avec Podemos. Mais hors de question pour lui d’abandonner son logo, son nom, ses couleurs. Si Iglesias et Garzon partagent une même vision du monde, rien ne semble pouvoir empêcher que les deux forces majeures de la gauche radicale luttent chacune dans son coin.
La surprise pourrait bien venir de Barcelone, où la maire, Ada Colau, avait mis Podemos derrière elle pour arriver au pouvoir. Elle vient d’annoncer que sa liste politique, Barcelona en Comú, se présentait aux élections générales. Colau, qui s’était mise en retrait lors des régionales catalanes (au grand dam de Podemos), est une des figures les plus populaires de sa région. Son influence est telle qu’elle pourrait éviter à Pablo Iglesias un nouveau désastre en Catalogne, non seulement en lui ouvrant cet espace régional de premier plan, mais aussi en le poussant à décentraliser ses propositions. Une force considérable, d’autant plus que Colau espère unir Podemos et IU sous son aile. Modèle à suivre ?
De l’urgence de se (re)radicaliser
Ciudadanos a beau être plus ancien que Podemos, il lui a fallu attendre l’essor du "parti des Indignés" pour sortir de sa Catalogne natale. Surfant sur le rejet des élites et de la corruption qui gangrène l’Espagne, Ciudadanos s’est fait une belle place à la gauche du PP, captant un électorat que même la centralisation de Podemos n’a pas suffi à convaincre. Comme Pablo Iglesias, leur leader, Albert Rivera, est jeune, il tranche avec la vieillissante caste politique, il crie à qui veut l’entendre que le changement, c’est maintenant. Sauf que dans les faits, Ciudadanos ne promet aucun changement concret de politique sociale et économique. Le slogan pourrait être : "Rien ne change. Tout se transforme". Mais Rivera est clair, il se positionne à droite, libéral, sans tabou. Ce qui tend à le crédibiliser face à un Podemos clair-obscur, ni de droite, ni de gauche, bien au contraire ! Et le PP aura besoin des voix de Ciudadanos (peut-être même de celles du PSOE), s’il entend gouverner à nouveau.
Il aura fallu attendre que Podemos esquisse un programme électoral pour que la radicalité resurgisse. Augmentation des aides sociales, augmentation des impôts pour les plus fortunés, droit à décider pour l’indépendance de la Catalogne, audit et restructuration de la dette, ouverture d’enquêtes sur le franquisme. Un programme dont Ciudadanos est l’antithèse.
Mais comment porter ce programme au plus haut ? Il était question un temps "d’ouvrir Podemos", mais de quelle façon ? En passant par les "candidatures d’unité populaire" qui ont fait les succès de Madrid et Barcelone. Mais ce modèle est-il extensible au niveau national ? IU y a déjà répondu non. Reste alors à Iglesias de revenir à ses fondamentaux pour peser au maximum à gauche du PSOE, et ce sera aux autres formations de choisir si elles votent avec Podemos, ou à côté. Car la partie sera serrée, et la droite prête à tous les coups bas pour conserver le peu du pouvoir qu’il lui reste.
Malheureusement, Loïc le Clerc est bien informé. Ici pour prolonger l’analyse : http://www.anti-k.org/2015/11/04/les-dessous-de-podemos-entre-democratie-interne-et-dissensions-politiques/
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