Le 25 septembre, Le Monde publiait un "Manifeste pour un nouveau média citoyen". Signé par des personnalités diverses dans leurs opinions et leurs univers professionnels, il soulignait l’appauvrissement de l’information en France et, en réponse, annonçait le lancement de Le Média.
Nous sommes nombreux à partager cette envie de ne pas subir une situation qui nous afflige et donc de l’affronter en la dénonçant et en la subvertissant. Nous nous battons d’ailleurs comme des damnés – et ça ne date pas d’aujourd’hui – pour faire vivre un pluralisme d’idées et de culture à côté des médias mainstream.
Le commun plutôt que l’unique
Le Monde diplomatique, Politis, Ballast, L’Humanité, Bastamag, Reporterre, Regards et bien d’autres encore, s’attachent déjà à faire dialoguer et se rencontrer l’ensemble des sensibilités de la gauche critique, qu’elle soit intellectuelle, artistique, politique, citoyenne, associative ou syndicale. À donner de la voix aux luttes et à interroger les combats. Nous nous réjouissons que ce cercle s’élargisse. Le Média est ainsi (presque) né. Bienvenue au club.
Une de nos forces est notre diversité, l’étendue de nos réseaux de lecteurs et de contributeurs. Une de nos grandes faiblesses est notre éclatement, qui contribue à l’étiolement économique de chacun d’entre nous. Cela pèse lourdement dans notre capacité à influer et à faire vivre le débat démocratique.
Le Média entend créer « un espace commun et visible, influent et fraternel, un espace qui agrège et rassemble des initiatives citoyennes ». Ce désir est le nôtre. Alors que l’argent concentre et uniformise, notre pari est de faire de notre diversité une force maîtrisée. Ce n’est pas de l’unique que nous avons besoin, mais du commun. Faisons-le vivre, ensemble. Les formes de mutualisation et de convergence peuvent être diverses et variables. Si nous leur tournons le dos, nous craignons les effets d’une nouvelle hécatombe qui affecterait en premier lieu les plus fragiles, les médias indépendants, humanistes, progressistes.
Notre pluralisme est un atout, s’il ne se contente pas de juxtaposer nos efforts. Car nous avons des combats à mener collectivement. Nous ne pouvons plus accepter que les lois anti concentration soient à ce point anéanties. La stricte séparation des médias de la grande industrie et des finances doit redevenir la règle. Il faut soutenir les journalistes, les syndicats et les associations qui, dans les grands médias, luttent pour garder la fonction démocratique.
L’ambition de voir plus grand
Les bouleversements de l’espace médiatique, imposent de remettre en route une réflexion politique globale sur ces enjeux. Et dans ce cadre, il faut repenser l’aide à la presse qui reste massivement inspirée d’un temps où Internet n’existait pas. Mediapart a porté sur la place publique le combat pour une TVA commune de la presse papier et de la presse en ligne. Il faut aller plus loin. L’État doit aider les différents supports qui concourent à la formation de l’opinion.
Nous sommes certains que l’appel initié dans les colonnes du Monde en faveur d’un nouveau média citoyen résonne profondément dans notre pays malade d’un conformisme et qui bouche l’avenir. Ayons ensemble l’ambition de voir grand. Plus grand encore qu’une seule chaine de télévision sur le web. Nous avons chacun nos savoir-faire, nos supports, nos traditions, nos héritages, nos sensibilités.
De même qu’aucun des mouvements de gauche et écologiste ne saura gagner seul à l’avenir, la presse alternative ne saura rencontrer l’écho qui lui revient – et donc tenir dans la durée, si l’on ne se rassemble pas. Il ne s’agit pas d’intimer aux uns de se ranger derrière les autres, mais plutôt de rassembler nos forces, diverses et nécessaires, pour que demain et chaque jour, les citoyen-nes reprennent toujours plus nombreux, le goût d’ouvrir un journal, d’écouter la radio ou de regarder la télévision.
Parce que, oui, nous pouvons faire naître ce média global, cette galaxie médiatique porteuse d’alternative. Ensemble, comme L’Humanité et Libération ont su le faire en leur temps, nous pouvons construire une nouvelle histoire de la presse de gauche.
Vive Le Média, vive nos médias indépendants.
Pierre Jacquemain, rédacteur en chef de Regards.
Oui bon , c’est entendu depuis au moins le programme du Conseil national de la Résistance ( mars 1944) : la démocratie exige une presse plurielle et libre de l’influence des puissances d’argent.
Sauf que ce n’a jamais été le cas, à l’exception d’une parenthèse de quelques mois après la Libération...Aujourd’hui est-ce possible dans le cadre d’une société capitaliste néolibérale où l’argent continue de tout diriger, les esprits y compris , en réduisant au silence ou à la confidentialité ceux qui n’en ont pas ?
le "média global" est un beau concept, mais de quoi parle-t-on vraiment ? Faudra-t-il en passer par la disparition pure et simple des quelques médias de gauche actuels survivant difficilement ?
En réalité, à cette heure, la perspective d’un" front commun des médias de gauche" est peu réaliste aussi longtemps qu’il n’y aura pas de front commun syndical et politique et que persistera la division et la dispersion à gauche.
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