Vin rouge pour Vanessa, Cyril et Sarah – l’hôte de la soirée, vin blanc pour Caroline. Eau pétillante pour Antoine. Quelques tapas et autres cacahuètes et le débat pouvait commencer.
Cyril, vingt-et-un ans, étudiant en droit à la Sorbonne est un sympathisant de gauche, encore hésitant sur son vote au premier tour : « Ça se joue entre Hamon et Mélenchon ». Tout comme Caroline, quarante-cinq ans, photographe qui avoue toutefois « avoir été très émue et touchée par le portrait de Mélenchon réalisé par le psychanalyste Gérard Miler » et se montre « tentée » par le bulletin de la France insoumise. Sarah, quarante—et-un ans et militante socialiste, est ouvreuse de théâtre. Pour elle, a priori, le débat ne devrait pas infléchir sa position – « le vote Hamon s’impose », concède-t-elle. Pour Antoine, trente-trois ans et en recherche d’emploi, aucun doute : « Seul Mélenchon est crédible à gauche aujourd’hui ». Il espère « qu’il va les ridiculiser tous ». Quant à Vanessa, cinquante ans et assistante de direction, elle « optera pour la première fois pour le vote blanc (…) même si son cœur balance toujours à gauche ».
Premier tour des candidats
« Ils ont l’air tendus », lance Cyril. « Fillon semble avoir le souffle coupé », perçoit Sarah. Mais Mélenchon fait déjà rire la petite assemblée dès sa première intervention : « Je serai le dernier président de la Ve République », lance-t-il. « Excellent, bien envoyé. Pas mal du tout », juge la seule hamoniste de la bande, même si elle ne peut s’empêcher d’ajouter : « Mais il a un problème de cravate. Il ne faudrait pas qu’il se hollandise ».
Puis vient le tour de la prise de parole d’Emmanuel Macron. Hilarité générale. Son propos est incompris. « Il brasse de l’air », tacle Antoine. « Il est insupportable, il a les mêmes tocs que Sarkozy », poursuit Vanessa. Enfin, après avoir dénoncé le recul des droits des femmes en France, Marine Le Pen suscite la colère et l’indignation. Quant à l’intervention de Benoît Hamon qui se termine par l’appel à « un avenir désirable », elle est largement moquée par Sarah, la socialiste de la soirée : « Un peu cul-cul tout de même, toute cette rhétorique ».
21h30 – premier bilan
Pour Sarah (hamoniste, pour rappel), il n’y a pas de doute : « Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen sont les plus clairs. Ils assument ce qu’ils sont et ils ont raison parce qu’en politique, ça se joue à droite ou à gauche, pas au centre ». Vanessa considère quant à elle « que le débat manque de dynamique, ils ont l’air de s’emmerder tous, ils s’écoutent, se laissent parler mais ne débattent pas ». L’assistance montre déjà des signes de fatigue. Fillon parle et plus personne n’écoute vraiment le débat. Ou seulement d’une oreille faiblement attentive.
Puis Hamon reprend la parole. Silence. Il est question du récépissé lors des contrôles d’identité. Hamon défend la mise en place de cet outil lors des contrôles de police. Antoine s’agace : « C’était déjà un engagement de François Hollande en 2012, pourquoi ne l’ont-il pas fait ? ». Tout le monde acquiesce. Pour Caroline, lorsque Jean-Luc Mélenchon reprend la parole : « Pas de doute, il est vraiment au-dessus de tous. Il nous rend intelligent. D’ailleurs, c’est aussi ce que doivent se dire ses concurrents ». Rires. Quant à Macron, elle considère « qu’il est toujours à voile et à vapeur sur tous les sujets ». Le propos est limite, juge Cyril, même s’il fait rire les participants.
Immigration et laïcité
Ils pensent à l’unanimité que ça sera, à n’en pas douter, le moment le plus « chaud » de la soirée. Que les divergences sont beaucoup trop importantes et que ça va « fighter ». De l’avis de tous, Benoît Hamon « a été excellent sur le sujet », même s’ils regrettent le « manque de clarté sur cette question du visa ». Jean-Luc Mélenchon parle des « 60% de gens » qui sont non croyants et considère qu’ « on parle un peu trop de religion dans le débat public ». « Ah, enfin, merci de dire les choses ainsi », s’emballe Sarah, taclant au passage « le regard niais » du candidat En Marche. Elle reconnaît toutefois qu’il a été très bon face à Marine Le Pen.
22h23 – l’heure de la moralisation
Cyril et Sarah sont agacés de voir que personne n’interpelle ces candidats « hors la loi ». La militante socialiste, finira par lancer – non sans ironie : « Des pleutres ! De toute façon, je vais finir par voter Mélenchon. Je ne supporte pas le personnage, mais j’adhère à son discours ». Vanessa juge que « Mélenchon et Hamon manquent une occasion en or de se démarquer en pointant du doigt la folie de la présence de trois possibles hors-la-loi ». Et estime « que le public n’attendait que ça pour ne pas voter blanc ».
Réclame
Le temps de la pause de publicité, les amis échangent leurs points de vue. Cyril considère « qu’il faut être militant sacrément aguerri pour ne pas s’ennuyer devant le débat ». Et Sarah, militante de le rassurer : « Non mais je t’assure, je suis militante, et ce débat m’ennuie profondément ». Mais toujours cette quasi fascination pour le tribun Mélenchon : « Il élève le débat », affirme Cyril. « Il fait de la politique noble, lui », ajoute Sarah.
23h – Le débat lasse
Finalement, ça n’est pas tant sur les questions d’immigration et de laïcité que les débats sont les plus vifs. Quand les candidats échangent leurs opinions sur la question du dialogue social, les esprits s’échauffent : « Ah ! Jean-Luc Mélenchon se réveille enfin », soupire Antoine. Sarah, quant à elle, s’inquiète de la quasi absence de Benoît Hamon « alors que le travail est son sujet de prédilection ».
23h17 – Comment on vote ?
L’attention n’est vraiment plus au rendez-vous. Tout le monde a les yeux rivés sur son smartphone et tente de trouver la manière dont on peut répondre au vote en ligne sur le site de TF1 pour donner son sentiment sur celui ou celle qui a le plus convaincu. Ce sondage donne en temps réel Mélenchon largement vainqueur entre 55% et 60% selon le site internet de la chaîne privée, relayée en fin de soirée sur LCI. Finalement, tout le monde votera pour le candidat de la France insoumise. Jugé le plus convaincant.
Macron et Fillon pour cibles
Les langues se délient et les commentaires sont de plus en plus acerbes. Fillon est inexistant pour l’ensemble des participants. « On ne l’a même pas entendu sur les affaires », dit Vanessa qui précise « qu’il avait d’ailleurs deux minutes de retard sur ses concurrents à ce moment-là, tellement il se faisait petit ». « Il n’est plus crédible », abonde Antoine. Même son de cloche pour Macron. Pour Caroline, « il a l’art d’endormir les gens. Il parle pour ne rien dire tout en nous faisant croire qu’il nous dit de grandes choses ».
Fin du débat
Fillon (intervient le doigt accusateur face caméra) : « On ne montre pas du doigt, c’est très mal élevé » tacle Caroline qui a terminé, seule, sa bouteille de vin blanc.
Hamon : « Il est de plus en plus pâle. Il répète son discours de Berçy, c’est lassant, mais sa chute est bonne », jugent Cyril et Sarah.
Le Pen : unanime « Elle est très forte, mais son propos est tellement insupportable, nauséabond ».
Mélenchon : « Dommage qu’il baisse la tête », même si tout le monde salue le fait qu’il s’en remette au peuple.
Macron : tout le monde pointe le vide de son propos. « Il brasse de l’air » répètent en chœur Vanessa et Antoine. Cyril juge néanmoins que « sa conclusion est de loin la meilleure ».
Quelles conclusions les cinq amis tirent-ils du débat ?
Caroline : « Ce débat ressemblait à une mauvaise télé réalité. Le débat est faussé. Les paramètres ne dépendent pas des candidats. Jean-Luc Mélenchon est le seul dans lequel je garde un petit espoir mais il va falloir qu’il se réveille ».
Sarah : « Pas très passionnant. Mélenchon a raison quand il parle dégagisme. Il faudrait tout recommencer à zéro. Tout changer, à commencer par les visages. Je ne sais pas ce qu’un citoyen peut tirer d’un débat comme celui-là. Je ne crois pas qu’il soit décisif pour les indécis. Je voterai Hamon par conviction et fidélité à mon parti ».
Cyril : « Sur la forme, je regrette la théâtralisation du débat politique. Il n’y a pas de scène ouverte, mais une arène ou chacun à sa tribune et ses idées bien arrêtées. Ça n’est pas l’idée que je me fais du débat. L’exercice participe de la personnification ce que je déplore. Pour autant sur le fond, il y a une clarification utile. J’ai relevé le pragmatisme de Mélenchon et de Fillon. Mélenchon a élevé le débat sur bien des sujets : l’éducation, la justice, la jeunesse. Mais je m’interroge tout de même : qui a les clefs de compréhension d’un tel débat ? Hélas, il s’agit là d’un spectacle assez peu démocratique. Cela dit, j’étais indécis mais je me reconnais beaucoup plus dans Mélenchon, son intelligence et le contenu de son programme ».
Antoine : « Je regrette que Mélenchon n’ait pas été plus présent et à l’offensive sur les propos de Le Pen ou même sur les affaires de Fillon. Je l’ai trouvé étonnamment calme. Mais je suis plus que jamais convaincu par les idées de la France insoumise. On aimerait d’ailleurs, après lecture des sondages du soir qui placent Mélenchon en tête des candidats qui ont le plus convaincu, que Benoît Hamon se retire pour soutenir la candidature des insoumis ».
Vanessa : « Ça faisait longtemps que je n’avais pas regardé un débat comme celui-ci, je ne m’étais d’ailleurs pas intéressée aux débats des primaires. La mise en scène, les contraintes des temps de parole font que personne ne peut développer son propos, ce qui rend le débat peu profond et donc peu intéressant. Le choix des thèmes de TF1 est très stigmatisant. Comme si tous les thèmes abordés n’étaient pas censés être liés pour présenter un projet global. Finalement, ce débat ne m’a rien apporté. Il en reste que celui qui se rapproche le plus de mes idées est Mélenchon, même si j’ai des points de désaccord. Mais je dois bien avouer que je n’y crois plus. Et je ne suis pas certaine d’aller voter ».
Oui effectivement Melenchon à été bon, cela d ailleurs à été noté par plusieurs commentateurs .
Le vide sidéral du discours de Macron est apparu clairement et la remarque de Le Pen sur 7 mn de paroles qui ne veulent rien dire, va faire mal.
Le début de cette campagne et les possibilités qu elle ouvre, font d autant plus regretter que la direction du PC soutiennent Melenchon en traînant les pieds.
C est une responsabilité terrible, et pour qu’elles raisons ?
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