Lancé officiellement dans Libération le 10 janvier par, entre autres, Daniel Cohn-Bendit, Yannick Jadot et Thomas Piketty, l’appel "Pour une primaire de gauche" a beaucoup fait parler de lui. L’idée courait aussi depuis plusieurs mois dans les esprits de Caroline De Haas, militante féministe, et des quelques 499 membres du comité de soutien. Leur ambition : « Placer la primaire dans l’espace public, la rendre imaginable, possible ».
De Haas, qui a quitté le PS il y a deux ans, émet cependant une réserve : « Ils comptent sur les partis pour l’organiser », et l’envie ne semble pas au rendez-vous. Elle a donc décidé d’ouvrir le processus d’organisation et de financement pour que « les citoyens et citoyennes prennent les choses en main », sans pour autant exclure les partis du dialogue. Éric Coquerel, coordinateur politique du PG, voit tout cela d’un mauvais œil, considérant qu’une primaire n’est qu’une « machine à entretenir la Ve République, une machine à perdre ». Du côté d’Ensemble, selon François Calaret, membre de la direction, ces initiatives ont pour bénéfice de provoquer « un électrochoc dans le débat sur le socle commun à la gauche en vue de la présidentielle ».
De quelle gauche parle-t-on ?
De la gauche gouvernementale au NPA ? Peu le disent mais tous le pensent, jamais le PS ne prendra un tel risque. Imaginez Mélenchon faisant la campagne de Hollande, ou l’inverse : l’idée ne tient pas la route. D’ailleurs, sur le site primairedegauche.fr, à la question "Hollande peut-il être candidat ?", la réponse est la suivante : « Si Hollande considère que les propositions qu’il porte aujourd’hui sont une impasse et qu’il souhaite proposer un autre chemin, la primaire est faite pour lui ! »
« Tout ça est quand même vague, commente Coquerel, il ne faut pas entretenir la confusion et cultiver l’idée qu’un rassemblement au premier tour derrière le PS est possible. » Une idée partagée par Olivier Dartigolles, porte-parole du PCF, qui souligne le risque de s’étiqueter comme « primaire de la gauche de la gauche, alors qu’il faut disputer le leadership de la gauche à François Hollande ».
Il s’agit donc d’une primaire de ceux qui partagent « une base commune », pour reprendre les mots de Calaret, sans quoi personne n’acceptera d’y participer. Seulement, parmi les signataires de l’appel de Libé, certains croient encore que le gouvernement doit en faire partie. En attendant que les ambiguïtés s’estompent et que les masques tombent, par peur de jouer pour le camp adverse, personne ne bouge.
Les idées avant le casting
« On ne sait pas qui va se présenter, il y a des conditions d’accès qui seront définies collectivement », ainsi qu’une "charte de la Primaire", sorte de programme éthique du candidat désigné, « et on espère pouvoir faire émerger de nouveaux profils », précise De Haas. Ce dernier point accentuerait les divisions, selon Coquerel, par « l’accumulation des candidatures qui n’auraient peut-être jamais vu le jour autrement ». Il préfèrerait « se mettre d’accord sur le projet, sur la stratégie » plutôt que de « perdre son temps » à savoir qui va être la tête d’affiche. « Cela ne fait qu’ajouter des obstacles à la course », juge-t-il.
Du côté d’Ensemble, on pense qu’il faut « à la fois travailler sur le contenu et sur le mode de désignation du candidat ». Les idées avant le casting, Dartigolles l’espère, le tout devant aboutir à une « plateforme de grandes propositions donnant à voir un programme de gauche ».
L’intérêt d’une primaire serait qu’elle engendrerait une dynamique dans laquelle personne ne se permettrait de faire son mauvais perdant. Et quoi de tel qu’une campagne présidentielle pour faire entendre une voix opposée au social-libéralisme, qui ne vienne pas du FN ? Quitte à ce qu’elle ne soit qu’un tremplin pour les législatives suivantes, et 2022. Pour De Haas, il reste à espérer que la primaire s’impose à tous, avant que chacun ne se désiste.
Refonte de la gauche et de la citoyenneté
Au-delà des craintes et interrogations que suscite la primaire chez les politiques, qu’en pense le peuple ? Aux vues des sondages, les citoyens sont majoritairement favorables à ce qu’elle désigne le candidat de la gauche. De Haas reçoit de nombreux messages de soutien, avec quelques inquiétudes autour de l’interrogation "De quelle gauche parle-t-on ?".
Mais c’est avant tout l’aspect "reprise en main de la citoyenneté" qui attire. « L’appropriation par le plus grand nombre de ce processus est une condition de sa réussite », martèle Dartigolles. Une fois de plus, Coquerel reste très perplexe : « Je crois qu’on ne va impliquer qu’un spectre très étroit de militants et de sympathisants », reléguant à la marge les abstentionnistes ou les électeurs qui se sont tournés vers le FN.
Pour Dartigolles, « il faut penser une refondation culturelle de la gauche, sur le terrain des idées », avec pour point d’orgue les questions d’égalité et de justice. Une « reconquête idéologique de longue haleine qui dépassera 2017 », assure le porte-parole du PCF. D’après Coquerel, il convient de voir plus loin pour dépasser le Front de gauche en tant que cartel de partis : « Il faut envisager que chacun de nos partis doive disparaitre à l’avenir pour se fondre dans un espace commun ». La route sera longue.
Quelle tambouille incompréhensible, même pour la plupart des militants, sans parler des citoyens ordinaires. Va expliquer cette embrouille à tiroirs à un chômeur abstentionniste des quartiers nord de Lille...
Vite, un mouvement de contestation en masse contre les mesures de droite qu’impose Hollande, cela va clarifier les débats.
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