« Je suis là parce qu’il n’y a pas le choix ! » Le propos d’Hervé Hamon, romancier, résume l’état d’esprit d’une Bellevilloise (Paris 20e) pleine à craquer, ce mercredi 3 février. Pour ce qui est de l’assistance, les initiateurs de l’appel "Notre primaire" ont réussi leur pari. Outre pas loin de six cents personnes, une bonne part de la gauche politique et des écolos a tenu à être présente pour le premier débat public organisé à la suite du lancement d’un appel à une primaire des gauches et des écologistes dans Libération.
Bien sûr, certains arrivent avec des arrière-pensées, mais le public, lui, ne veut pas entendre parler d’individus, beaucoup plus de projet et d’engagements. Des engagements qu’il faudra tenir, la prochaine fois.
Conjurer le "crash démocratique"
S’il y a une prochaine fois. Les résultats du premier tour de l’élection régionale de décembre 2015 dessinent la perspective d’un « crash démocratique », selon l’expression de l’eurodéputé EELV Yannick Jadot, un des initiateurs de l’appel #notreprimaire. Comme si, après s’être voilé les yeux, une bonne partie de la gauche voyait désormais se profiler sa nouvelle absence du second tour de la présidentielle, avec un duel entre Sarkozy et Marine Le Pen en mai 2017. Mais ce n’est pas que cette perspective qui rassemble autant de monde, « les alcooliques anonymes qui ont voté François Hollande en 2012 », résume Raphaël pour caractériser celles, nombreuses, et ceux venus écouter ou tenter de « retrouver une place ».
Militante socialiste « depuis quinze ans », Corinne se dit « désemparée », « perdue », surtout depuis l’annonce par le couple exécutif de la déchéance de la nationalité pour les binationaux. « J’ai besoin de ça, dit-elle, sobrement. J’ai besoin de la primaire. » Son propos répond à l’interpellation d’un jeune homme, assistant parlementaire, qui confie :
« J’ai peur de la primaire car si Hollande perd, c’est le PS et donc toute la gauche qui disparaît de l’imaginaire. »
L’ombre du président de la République plane sur les débats. Rappel qu’en Ve République, il est partout. Ce n’est pas pour rien que les initiateurs de l’appel #notreprimaire sont nombreux à appeler de leurs vœux un changement d’institution. Guillaume Duval, le rédacteur en chef d’Alternatives économiques, est l’un d’eux et assume la contradiction. Pour resituer immédiatement l’enjeu de la démarche :
« Nous ne sommes pas là pour parler du casting. Nous sommes là parce que, à gauche, malgré les clivages alimentés par les deux extrêmes – vallsisme et mélenchonisme – nous avons un fond commun. »
Avec ou sans Hollande ?
Dans le même ordre d’idées, le député socialiste frondeur Laurent Baumel souhaite rappeler que « contester l’automaticité de la candidature du président sortant, c’est déjà plus trop Ve République ». Avec ses amis des gauches du PS, il a pris position samedi 30 janvier, en faveur d’une primaire sans préalable ni véto, en conformité avec la motion "À Gauche pour gagner" présentée au dernier congrès du PS.
Cette sensibilité n’écarte aucun scénario : ni la participation de François Hollande à la primaire, ni que le même ne soit finalement pas candidat du tout. Pour les communistes, représentés par Olivier Dartigolles, « cette primaire doit être celle de l’alternative à gauche, face à la politique du gouvernement ». Le porte-parole du PCF rappelle, au préalable, tout l’intérêt que son parti porte à l’appel. Sans pour autant froisser un Jean-Luc Mélenchon qui a affirmé qu’il ne participerait pas à une primaire à laquelle François Hollande concourrait.
La situation amène Daniel Cohn-Bendit, parmi les personnes à l’origine de l’appel, à qualifier Mélenchon et Hollande d’« alliés objectifs » en la matière. L’ex-eurodéputé vert ne cache pourtant pas que l’intérêt de la primaire pourrait être de relégitimer un François Hollande passablement démonétisé aujourd’hui. Parce que l’ensemble des candidats à la primaire sera tenu d’en soutenir le vainqueur… Comme dans un bon vieil accord électoral mais qui, cette fois, serait élaboré et passé au grand jour. C’est ce que suggère, en tous cas, l’économiste Thomas Piketty :
« L’unité ne peut plus venir d’en haut. L’unité ne se fera que dans la démocratie et dans le débat. »
Sentiment d’urgence
Une reprise en main : c’est aussi dans ce sens que Cécile Duflot lance son appel à un public qui clame son désarroi quand la politique trahit ses promesses et ne l’écoute plus :
« Emparez-vous de la politique. Je veux que cette aventure réussisse, que nous montrions ensemble que la gauche – celle qui défend les humiliés, qui prône l’émancipation et la justice sociale – n’est pas morte. »
De son côté, l’économiste Bernard Marx souligne : « Si François Hollande gâche… pardon, gagne la primaire, la gauche est morte ». Un propos tranché qui soulève les applaudissements nourris d’une salle où se mêlent jeunes et moins jeunes. À l’appui, depuis sa chaise, Marine relève : « Quand on voit que, sur certains dossiers, même la droite trouve que le gouvernement va trop loin, oui la gauche a un problème ».
Les échanges se poursuivent, des sourires s’esquissent. La féministe Caroline de Haas, qui a lancé le site primairedegauche.fr, annonce que 2.000 bénévoles sont prêts à s’investir dans l’organisation de la primaire et invite à prendre les devants :
« N’attendons pas les partis. S’ils nous rejoignent, tant mieux et bravo. Mais n’attendons pas, sinon nous serons pris par le temps ».
Le sentiment d’urgence est prégnant parmi les présents. Et l’annonce, par Yannick Jadot, mué en monsieur loyal de la soirée, d’une plateforme à co-élaborer pour organiser l’organisation du processus citoyen achève de motiver les présents. Reste à, comme le suggère Hervé Hamon, « ne pas trop discuter entre nous. Allons à la rencontre de la société civile, c’est là où sont les forces. Allons aussi en province ». Les initiateurs de #notreprimaire lui donnent raison en annonçant, déjà, « des débats à venir partout en France ».
Ca ressemble beaucoup au débat sur la déchéance de nationalité finalement chacun a sa vision très différente de qui participe à cette primaire... les commentateurs eux veulent faire croire que tout le monde veut la même chose et on ne comprend plus rien a la fin ...
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