La gauche radicale a quelques démons... parmi lesquels l’incapacité à faire front malgré les désaccords. Elle semble toujours préférer la stricte cohérence au compromis, même en son sein. Il semble qu’en Grèce, cette gauche puisse parvenir à déjouer la malédiction d’une marginalité politique et d’un éloignement du pouvoir … mais ne parvienne pas à rester rassemblée.
Scission au sein de Syriza
Les très grandes difficultés à laquelle se confronte le gouvernement de Tsipras auront eu raison de son unité. Ce vendredi 21 août, dans la perspective des élections législatives anticipées, l’aile opposée à la signature du mémorandum du 13 juillet a fait sécession. Créant une nouvelle formation, Unité populaire, vingt-cinq députés dont l’ancien ministre de l’Énergie Panagiotis Lafazanis, démissionnaire depuis juillet, vont conduire une campagne contre la politique de Tsipras.
Ainsi, après les divisions au sein du PT brésilien, les tensions extrême dans Die Linke, la coupure maintenue en Espagne et au Portugal entre les forces radicales, la paralysie du Front de gauche en France… le spectre de l’éclatement frappe la Grèce.
Rappelons que le processus d’unification de Syriza n’a pas été une aimable promenade. Le parti d’Alexis Tsipras n’existe que depuis deux ans après avoir vécu comme coalition pendant une décennie. Il rassemble une très grande diversité de courants (au moins treize) allant des communistes aux écologistes en passant par les maoïstes, luxemburgistes, féministes, trotskistes… mais dont ne fait pas partie l’influent mais chloroformé KKE, le parti communiste grec qui a toujours refusé toute alliance avec Syriza. Quoi qu’il en soit, le rassemblement au sein de Syriza a été le ferment de son influence et de ses victoires politiques.
Les intransigeances de la radicalité
L’accession au pouvoir en janvier dernier s’est faite sous la double promesse d’en finir avec l’austérité, les mémorandums, la Troïka, et de rester dans l’Europe et l’euro. Si l’on en croit sa popularité, Tsipras a convaincu ses concitoyens d’avoir lutté au mieux dans ce sens. Ils ne lui reprochent pas sa défaite face à l’Europe qui, elle, est mise en cause. En revanche, Tsipras n’a pas convaincu cette partie des militants de son propre parti qui le quittent.
Le nouveau leader d’Unité populaire déclare : « Le pays ne tolère pas d’autres mesures d’austérité, s’il le faut nous allons procéder à la sortie de la zone euro, ce qui n’est pas un désastre, d’autres pays en Europe sont hors de la zone euro, il ne faut pas avoir peur ou diaboliser. » On verra quel succès rencontre une telle proposition dans un pays si attaché à son ancrage européen et dans la monnaie unique.
Questions : que vaut cette radicalité intransigeante et indifférente à la réalité des rapports de force ? Ils escomptent, avec cette position qu’ils savent minoritaire, constituer un pôle de référence… pour le futur. Unité populaire a entériné l’échec de l’actuel gouvernement.
La durée contre l’éclatement
Tsipras va, lui, conduire la bataille de Syriza. Le premier ministre ne disconvient pas de son échec. Il argumente essentiellement autour de deux points : nous avons perdu sur l’austérité, mais ces mesures sont réversibles et nous avons gagné du temps et de l’argent. Il insiste sur l’importance, pour la Grèce et pour l’Espagne, d’avoir su résister aux forces européennes qui voulaient renverser le premier gouvernement de gauche radicale.
Comme tous, Tsipras sait que l’accord du 13 juillet impose une politique récessive, très dure pour son peuple et très mauvaise pour l’économie de son pays. Tsipras reste laconique sur la politique qu’il entend mettre en œuvre durant ces trois années. Il cherche encore les leviers d’une autre dynamique.
C’est cette incertitude qui est à la base de l’éclatement politique actuel. Les forces de la révolution ont tenté au XXe siècle… et ont échoué. Elles se sont divisées sur les alternatives au socialisme étatique. Elles n’ont pas encore trouvé une nouvelle cohérence. Les divisions qui en résultent ne sont pas des bisbilles. Mais en dehors de luttes diversifiées, de pratiques et d’expérimentations concrètes y-a-t-il un avenir ? Tsipras est convaincu qu’il passe aussi par l’exercice du pouvoir. Il fait le pari de la durée. Pourvu qu’il ne s’y enlise pas.
Je comprends votre raisonnement. Mais comment expliquer et montrer aux peuples européens qu’une autre politique est possible, si l’on met en oeuvre celle dont le peuple grec ne veut pas ? Tsipras a besoin de durée, c’est évident, mais pour faire quoi ? Son fort atout c’est de revenir devant le peuple, ce dont nous devrions prendre exemple, c’est totalement louable.
On ne peut lui reprocher son échec compte tenu du rapport de forces qu’il faut bien mesurer. Il ne faut pas non plus oublier que les peuples européens et au delà , se sont contentés de regarder au lieu d’agir et de faire pression sur leurs gouvernements, pour autant qu’ils aient été convaincus qu’il faille le faire.
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