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Accueil > actu | Par Catherine Tricot | 23 août 2015

Syriza, la gauche radicale et ses démons

L’unité de la coalition au pouvoir en Grèce n’a pas résisté au troisième mémorandum imposé par les institutions européennes. Un scénario de rupture bien connu au sein de la gauche de gauche, face à la question de l’exercice du pouvoir.

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La gauche radicale a quelques démons... parmi lesquels l’incapacité à faire front malgré les désaccords. Elle semble toujours préférer la stricte cohérence au compromis, même en son sein. Il semble qu’en Grèce, cette gauche puisse parvenir à déjouer la malédiction d’une marginalité politique et d’un éloignement du pouvoir … mais ne parvienne pas à rester rassemblée.

Scission au sein de Syriza

Les très grandes difficultés à laquelle se confronte le gouvernement de Tsipras auront eu raison de son unité. Ce vendredi 21 août, dans la perspective des élections législatives anticipées, l’aile opposée à la signature du mémorandum du 13 juillet a fait sécession. Créant une nouvelle formation, Unité populaire, vingt-cinq députés dont l’ancien ministre de l’Énergie Panagiotis Lafazanis, démissionnaire depuis juillet, vont conduire une campagne contre la politique de Tsipras.

Ainsi, après les divisions au sein du PT brésilien, les tensions extrême dans Die Linke, la coupure maintenue en Espagne et au Portugal entre les forces radicales, la paralysie du Front de gauche en France… le spectre de l’éclatement frappe la Grèce.

Rappelons que le processus d’unification de Syriza n’a pas été une aimable promenade. Le parti d’Alexis Tsipras n’existe que depuis deux ans après avoir vécu comme coalition pendant une décennie. Il rassemble une très grande diversité de courants (au moins treize) allant des communistes aux écologistes en passant par les maoïstes, luxemburgistes, féministes, trotskistes… mais dont ne fait pas partie l’influent mais chloroformé KKE, le parti communiste grec qui a toujours refusé toute alliance avec Syriza. Quoi qu’il en soit, le rassemblement au sein de Syriza a été le ferment de son influence et de ses victoires politiques.

Les intransigeances de la radicalité

L’accession au pouvoir en janvier dernier s’est faite sous la double promesse d’en finir avec l’austérité, les mémorandums, la Troïka, et de rester dans l’Europe et l’euro. Si l’on en croit sa popularité, Tsipras a convaincu ses concitoyens d’avoir lutté au mieux dans ce sens. Ils ne lui reprochent pas sa défaite face à l’Europe qui, elle, est mise en cause. En revanche, Tsipras n’a pas convaincu cette partie des militants de son propre parti qui le quittent.

Le nouveau leader d’Unité populaire déclare : « Le pays ne tolère pas d’autres mesures d’austérité, s’il le faut nous allons procéder à la sortie de la zone euro, ce qui n’est pas un désastre, d’autres pays en Europe sont hors de la zone euro, il ne faut pas avoir peur ou diaboliser. » On verra quel succès rencontre une telle proposition dans un pays si attaché à son ancrage européen et dans la monnaie unique.

Questions : que vaut cette radicalité intransigeante et indifférente à la réalité des rapports de force ? Ils escomptent, avec cette position qu’ils savent minoritaire, constituer un pôle de référence… pour le futur. Unité populaire a entériné l’échec de l’actuel gouvernement.

La durée contre l’éclatement

Tsipras va, lui, conduire la bataille de Syriza. Le premier ministre ne disconvient pas de son échec. Il argumente essentiellement autour de deux points : nous avons perdu sur l’austérité, mais ces mesures sont réversibles et nous avons gagné du temps et de l’argent. Il insiste sur l’importance, pour la Grèce et pour l’Espagne, d’avoir su résister aux forces européennes qui voulaient renverser le premier gouvernement de gauche radicale.

Comme tous, Tsipras sait que l’accord du 13 juillet impose une politique récessive, très dure pour son peuple et très mauvaise pour l’économie de son pays. Tsipras reste laconique sur la politique qu’il entend mettre en œuvre durant ces trois années. Il cherche encore les leviers d’une autre dynamique.

C’est cette incertitude qui est à la base de l’éclatement politique actuel. Les forces de la révolution ont tenté au XXe siècle… et ont échoué. Elles se sont divisées sur les alternatives au socialisme étatique. Elles n’ont pas encore trouvé une nouvelle cohérence. Les divisions qui en résultent ne sont pas des bisbilles. Mais en dehors de luttes diversifiées, de pratiques et d’expérimentations concrètes y-a-t-il un avenir ? Tsipras est convaincu qu’il passe aussi par l’exercice du pouvoir. Il fait le pari de la durée. Pourvu qu’il ne s’y enlise pas.

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Vos réactions

  • Je comprends votre raisonnement. Mais comment expliquer et montrer aux peuples européens qu’une autre politique est possible, si l’on met en oeuvre celle dont le peuple grec ne veut pas ? Tsipras a besoin de durée, c’est évident, mais pour faire quoi ? Son fort atout c’est de revenir devant le peuple, ce dont nous devrions prendre exemple, c’est totalement louable.
    On ne peut lui reprocher son échec compte tenu du rapport de forces qu’il faut bien mesurer. Il ne faut pas non plus oublier que les peuples européens et au delà , se sont contentés de regarder au lieu d’agir et de faire pression sur leurs gouvernements, pour autant qu’ils aient été convaincus qu’il faille le faire.

    Cerise Le 23 août 2015 à 10:34
  •  
  • Cette analyse est incroyablement ancrée dans le déni. Comment est-il possible de faire de la capitulation de Tsipras, qui n’a rien eu d’une contrainte (ne prenez pas les gens pour des idiots : c’est un choix, il a refusé tout autre alternative et a fait semblant de croire que le NON ne lui donnait pas le pouvoir de se battre jusqu’au bout !). Il impose le TINA et veut rester au pouvoir à tout prix. Que de mensonges et de trahisons ! Vous avez bien du courage de continuer à faire comme si la scission n’était pas la seule solution pour la vraie gauche. Les effets Tsipras vont être désastreux pour les peuples qui ne vont plus accorder crédibilité à la "gauche radicale" ... merci Tsipras. Il vaut mieux tenter de mesurer vos propos. On a le sentiment d’une schizophrénie politique très en vogue depuis les années 80 !

    Amstramgram Le 23 août 2015 à 11:41
       
    • Cette "analyse" est scandaleuse et honteuse par son caractère insidieux.

      Victor Le 23 août 2015 à 12:40
    •  
    • Mais encore Victor ? Votre avis m’intéresse.

      Val Le 28 août 2015 à 10:47
  •  
  • Libre à l’auteure de article d’estimer depuis Paris que la "défaite" de Tsiparas et de sa majorité, en signant pour un 3ème mémorandum encore plus violent que les 2 précédents, soit in fine une victoire y compris, paraît-il, revendiquée par la majorité de l’opinion grecque. (Un sondage un peu plus sérieux, le référendum du 5 juillet, a montré que 62% des Grecs ne voulaient plus de ces plans austéritaires). Mais c’est faire preuve de malhonnêteté intellectuelle ou d’ignorance crasse que d’oser assimiler celles et ceux de Syrisa qui ont pris part au long combat contre l’austérité mortifère imposée par la troïka, qui ont construit Syrisa et porté Tsiparas au pouvoir, qui ont participé à son gouvernement, l’ont soutenu jusqu’à sa capitulation, à des histrions "intransigeants" victimes de leur hybris (leurs "démons") et de les ranger dans la catégorie des sempiternels gauchistes radicaux sectaires de par les monde. Que de duplicité et de mépris dans cette conclusion après tant de propos assassins : "Les divisions qui en résultent ne sont pas des bisbilles. Mais en dehors de « luttes diversifiées, de pratiques et d’expérimentations concrètes » y-a-t-il un avenir ? Tsipras est convaincu qu’il passe aussi par l’exercice du pouvoir. Il fait le pari de la durée. « Pourvu qu’il ne s’y enlise pas »." Faudrait savoir, Madame....

    Victor Le 23 août 2015 à 12:36
       
    • @ Val
      Merci de votre attention. J’ai pris connaissance de votre réaction avec retard. Je réponds : mes 2 autres commentaires devraient suffire tant en ce qui concerne mon avis sur le fond et la forme de l’article de Madame Tricot. S’il vous fallait un autre exemple du caractère insidieux de son article, en voici un : "Le nouveau leader d’Unité populaire déclare : « Le pays ne tolère pas d’autres mesures d’austérité, s’il le faut nous allons procéder à la sortie de la zone euro, ce qui n’est pas un désastre, d’autres pays en Europe sont hors de la zone euro, il ne faut pas avoir peur ou diaboliser. » On verra quel succès rencontre une telle proposition dans un pays si attaché à son ancrage européen et dans la monnaie unique » Où comment réviser l’histoire par omission (quid des 61% du Non au referendum ?) afin de décrédibiliser, sur le ton du doute feint (l’interrogation) certains de ses acteurs majeurs gênants.
      Et pour enfoncer le clou on pourra se pencher sur ce petit chef d’œuvre de sophisme :"Créant une nouvelle formation, Unité populaire, vingt-cinq députés dont l’ancien ministre de l’Énergie Panagiotis Lafazanis, démissionnaire depuis juillet, vont conduire une campagne contre la politique de Tsipras.
      Ainsi, après les divisions au sein du PT brésilien, les tensions extrême dans Die Linke, la coupure maintenue en Espagne et au Portugal entre les forces radicales, la paralysie du Front de gauche en France… le spectre de l’éclatement frappe la Grèce."
      Où l’art de l’amalgame, du fourre-tout/tous-dans-le-même-sac (avec tout de même le coup griffe au parti frère ennemi mortel de l’extérieur) et celui des fausses évidences ou pronostics pour le moins osés et tant ils se fondent sur des réalités non encore avérées.

      Victor Le 28 août 2015 à 14:09
  •  
  • Catherine, tu écris que la "radicalité intransigeante" mène la gauche à l’échec. Tu reproches donc à la majorité écrasante des électeurs grecs de se montrer intransigeants, trop radicaux en somme, puisque 61% des citoyens ont catégoriquement rejeté la politique de la Troika lors du référendum. C’est cette position du Oxi que défend l’opposition de gauche à Tsipras, en continuité avec le programme initial de Syriza, appuyé en cela par l’ex ministre des finances Yanis Varoufakis, la présidente du parlement grec, et la majorité des syndicats.
    Il s’agit de résister au plus violent programme de privatisation, de destruction des protections collectives et de redistribution des richesses vers le Capital de l’histoire grecque.
    Le discours du "pôle de radicalité" que tu as brandi depuis les années 1990 était donc du flan ? Que vaut une radicalité qui transige avec ses propres principes ? C’est la ligne Mitterrand ("celui qui ne consent pas à la rupture n’a pas sa place au PS") ou un discours du dimanche de type Robert Hue (parler de révolution citoyenne et acter les privatisations de Jospin). Approches qui ont mené la gauche à l’échec et le PCF à la ruine. Il faut se souvenir que tu as soutenu la majorité Hue sous la gauche plurielle "de manière critique" pour comprendre toute l’étendue de ton approche actuelle. La radicalité, c’est pour la com, la capitulation c’est la pratique et les démons sont ceux de l’opportunisme bureaucratique des réformistes d’hier et d’aujourd’hui. Merci de m’avoir renseigné de manière aussi explicite sur tes intentions réelles. C’est noté pour la suite ;)

    Goldwasser Le 23 août 2015 à 13:23
  •  
  • L’éclatement de Syriza n’a rien d’étonnant après le "Munich" d’un Tsipras s’aplatissant au bout du compte devant le pouvoir de la finance, en totale contradiction avec ses promesses. Le plus ignorant des ignorants aurait anticipé ce scenario.
    C’est donc un bien mauvais argument que d’en faire la preuve sine qua non de l’incapacité de la gauche radicale à jamais réussir. Le plan B de Varoufakis n’était pas pure utopie. Tsipras ne l’a pas osé, préférant user (abuser ?) de son aura momentanée pour imposer à son peuple sa propre trouille d’une sortie de l’eurozone.
    La suite est évidente : de plus en plus miséreux, le peuple grec rejoindra le flot des migrants économiques et une nouvelle dictature militaire, encouragée par Aube Dorée, prendra le pouvoir.

    Tsipras nous a tous grugés.

    Jean-Marie Le 23 août 2015 à 14:10
  •  
  • "Mesdames et messieurs, chers collègues, si pour certains la question et la responsabilité pèsent lourd, il est important de considérer que dans notre histoire il y a eu des hommes qui ont pris en charge des responsabilités, quand elles sont tombées sur eux, et qui ont opposé de bien plus grandes résistances que ce NON de conscience à ce qui, en effet, doit être repoussé."
    (Conclusion de son Discours prononcé au Parlement dans la nuit du mercredi 15 juillet 2015.)
    Zoe Konstantopoulou

    Députée du parti de la gauche radicale Syriza, qui a gagné les élections législatives du 25 janvier 2015 en Grèce, a été élue le 6 février 2015 présidente du parlement.

    Victor Le 23 août 2015 à 14:12
  •  
  • « Les intransigeances de la radicalité
    L’accession au pouvoir en janvier dernier s’est faite sous la double promesse d’en finir avec l’austérité, les mémorandums, la Troïka, et de rester dans l’Europe et l’euro. Si l’on en croit sa popularité, Tsipras a convaincu ses concitoyens d’avoir lutté au mieux dans ce sens. »
     L’auteur de l’article s’avance un peu sur la popularité de Stipras. On verra bien à l’issue du scrutin ce qu’il en est des rapports de force. Il est imprudent de s’avancer. Le résultat du referendum n’a pas été celui prédit par les sondages. Notons au passage que lors des dernières élections Syriza avait obtenu 36,34 % des voix.
     Rester dans l’Europe et dans l’Euro laisse à penser que l’Europe n’existe que par l’Euro. Ce qui est inexact. Que la Grèce reste, en soit sortie ou décide de se retirer de l’Euro, elle restera de toute façon dans l’Union européenne. Elle le restera également ne serait-ce que géographiquement. Faire croire à l’équation Europe= euro comme destinée indépassable est un non sens politique.
    Il n’y a pas d’intransigeance de la radicalité, simplement le respect des engagement sur lesquels Syriza s’est fait élire. Il y a ceux qui ont respecté cet engagement et ceux qui à tort ou à raison (je pense à tort) se sont assis dessus. Si l’on admet le terme « les intransigeants de la radicalité », il faudrait admettre aussi celui de « partisans de la trahison ou non respect de la parole donnée ».

     Le résultat pour le citoyen Grec est à à l’opposé de ce qu’on lui avait laissé croire, c’est à dire plus d’austérité, pour un temps que l’on ne connaît pas, pillage du pays.... Il peut considérer qu’il a été floué et qu’au final, droite ou gauche radicale ou pas, c’est à peu près la même chose. On connaît bien la musique en France avec Hollande et sa célèbre déclaration : « mon ennemie, c’est la finance... »
     Sans être devin, on peut parier que si Stipras est de nouveau élu, mais sans majorité (prévisible aussi) sans programme sinon celui du mémorandum, il fera alliance avec le PS local voir la droite, sachant que le pays est déjà sous la tutelle de la troïka avec comme résultat « une gauche dite radicale » rapidement déconsidérée en Grèce comme en Europe.
     On comprend mieux ainsi le sens de l’article et les atermoiements d’une partie de la gauche radicale en France.
     
    Conclusion :
     -Et si pour cette Gauche dite de gouvernement et dite radicale « l’avenir passe par l’exercice du pouvoir... et de la durée... » et si c’est pour faire presque la même choses ou pareil que le PS ou la droite, effectivement il ne s’agit pas que de bisbille entre cette Gauche de compromis et de pouvoir et la gauche radicale appelée en Grèce Unité Populaire.

    On se croira presque qu’en France !

    rody Le 23 août 2015 à 15:26
  •  
  • @ Catherine TRICOT

    1. "La durée contre l’éclatement", dites-vous ? Soit, mais la durée pour faire quoi ? Pour appliquer, en l’aggravant, la même politique désastreuse que Samaras, Papandréou et consorts ? Votre formule, hélas, n’est qu’une sinistre plaisanterie.

    2. Contre toute évidence, Tsipras prétend que les mesures draconiennes imposées par Berlin et Bruxelles seraient "réversibles". Cette affirmation ahurissante n’admet guère que deux explications : ou bien Tsipras est totalement inconscient (et dans ce cas sa place n’est évidemment pas à la tête du gouvernement grec) ; ou bien il est malhonnête et ment à son peuple, en digne héritier des Premiers ministres corrompus qui l’ont précédé. En effet, l’accord léonin qu’il a honteusement accepté au nom de son peuple est totalement insoutenable et ce troisième mémorandum, qui a livré le patrimoine national (ports, aéroports, etc.) au pillage des étrangers, ménera inéluctablement à un quatrième mémorandum encore plus désastreux. Donc il ne s’agit pas d’un processus "réversible" (les mots ne coûtent pas cher, surtout quand on est Premier ministre), mais bien d’une spirale incontrôlable qui va en s’accélérant. Et tout cela, bien sûr, sous l’autorité bienveillante d’Aléxis Tsipras qui, arborant son éternel sourire de gendre idéal, présidera avec bonne humeur au dépeçage de son pays et à sa vente par lots à l’étranger. Je regrette d’avoir à employer les mots qui fâchent, mais il y un terme français, fortement connoté du point de vue historique, qui désigne fort bien cette attitude : c’est le mot collaboration.

    3. Vous nous servez ensuite l’inusable argument de la "popularité" de Tsipras ("Si l’on en croit sa popularité, Tsipras a convaincu ses concitoyens, etc."). Argument, faut-il le dire, d’une extrême faiblesse. Tout d’abord, être populaire ou même majoritaire ne signifie pas que l’on a raison.
     Car en juin 1940 De Gaulle n’était pas exactement "populaire" (et encore moins majoritaire) dans la France de la débâcle et de l’armistice. Et pourtant, la raison et l’honneur étaient de son côté : certes il n’était pas populaire (pas encore), mais il était seul légitime. C’est donc l’honneur d’Unité Populaire de refuser cette honteuse comédie de "l’union" que vous prêchez, comédie qui parachèverait cette trahison dont le peuple grec est victime.
     D’autre part, Tsipras lui-même n’est pas tellement sûr de sa "popularité" (comme vous dites), puisqu’il se dépêche de lancer des élections anticipées avant que le parti de Lafazanis ait pu vraiment s’organiser, et surtout avant que les Grecs ne ressentent le plein effet des mesures de torture économique que Tsipras a acceptées (coupes claires dans les retraites, explosion des taux de TVA, paiement anticipé des impôts, et j’en passe) : c’est le vieux truc d’un politicien madré, et non pas l’attitude d’un chef de gouvernement sûr de sa légitimité.

    Le moment le plus comique (involontairement) de votre article, ce sont les louanges émues que vous adressez à Syriza pour (je vous cite) "avoir su résister aux forces européennes qui voulaient renverser le premier gouvernement de gauche radicale". Épargnez-nous, Chère Madame, vos rêves en couleurs au doux parfum de guimauve. Arrêtez de planer chez les Bisounours, atterrissez plutôt et ayez la franchise élémentaire d’appeler les choses par leur nom : les puissances européennes ont littéralement retourné ce gouvernement de "gauche radicale" et l’ont transformé en un bon petit gouvernement de droite eurolibérale***, bien sage et surtout bien collaborationniste. L’histoire européenne offre peu d’exemples d’un tel miracle à l’envers.

    *** Je prends soin de préciser : de droite eurolibérale pour éviter tout risque de confusion avec certains partis souverainistes de droite (tel, en France, le parti de Nicolas Dupont-Aignan) dont je suis fort éloigné mais qui ne m’en paraissent pas moins respectables.

    WildeJagd Le 23 août 2015 à 16:24
  •  
  • Un excellent antidote à la lecture, pénible à tous égards, de l’article de Mme Tricot : ce long billet intitulé "Le piège du souverainisme dans la débâcle grecque", trouvé sur le blog de Yannis Youlountas (http://blogyy.net/2015/08/13/le-piege-du-souverainisme-dans-la-debacle-grecque). Le lien apparaît sur la page d’accueil de Regards.

    Le texte entier mérite une lecture attentive. J’en extrais le paragraphe ci-dessous (c’est moi qui souligne) :

    "L’autre débat occulté concernait la légitimité de sortir ou pas de l’euro. Là encore, plus le stratagème est gros, mieux il passe. Quel était exactement le mandat principal du gouvernement Syriza-Anel, au lendemain de sa formation le 27 janvier ? Plus que jamais, les choses étaient claires, très claires. C’était même le seul sujet de la campagne électorale en janvier : stopper l’austérité, un point c’est tout. Le reste, rarement abordé, n’était que discussion annexe. Le mandat principal de Tsipras n’était pas d’éviter ou d’oser, au contraire, une sortie de l’euro, mais précisément d’éviter un nouveau mémorandum avec son lot de casses sociales, de coupes budgétaires et de dilapidations du bien commun. Ou, pour le dire autrement : s’il n’avait certes pas de mandat explicite pour sortir de la zone euro, il en avait encore moins pour imposer trois ans d’enfer supplémentaire, de surcroît juste après le OXI à 61% au référendum du 5 juillet. Virguler aujourd’hui autour de son mandat concernant l’euro pour justifier son choix, c’est tout simplement se moquer du monde."

    WildeJagd Le 23 août 2015 à 17:08
  •  
  • Tiens, un autre contre-poison aux propos irresponsables (au mieux) de Mme Tricot : l’interview de Yanis Varoufakis parue ce 23 août dans le Journal du Dimanche. Allez-y voir ! Sous la modération du ton, on notera la dureté de la critique (http://www.lejdd.fr/Politique/Yanis-Varoufakis-Hollande-est-fondamentalement-coince-747711).

    Pour la bonne bouche, un extrait (ici encore, c’est moi qui souligne) :

    "Q. : Serez-vous candidat ?
    R. : Non, je ne serai pas candidat au nom de Syriza. Syriza est en train d’adopter la doctrine irrationnelle à laquelle je me suis opposé depuis cinq ans : étendre encore la crise et prétendre qu’elle est résolue, tout en maintenant une dette impayable. J’ai été viré parce que je m’y opposais. C’est contre cette logique que j’avais déjà rompu avec Papandréou. Alexis Tsipras m’avait choisi parce que je m’y opposais. Maintenant qu’il a accepté la logique que je rejette, je ne peux plus être candidat."

    WildeJagd Le 23 août 2015 à 18:43
  •  
  • Question : Que vaut une gauche radicale qui impose une politique récessive très dure pour son peuple et très mauvaise pour l’économie de son pays ?
    Autre petite question : Continuerez -vous a soutenir cette gauche radicale lorsqu’elle appliquera cette politique mortifère en accord avec les copains des Papandréou et autres partisans du centre droit de Potami ?
    Malheureusement, a la lecture de cet article, j’ai cru comprendre que vous défendiez l’idée que pour garder le pouvoir, peu importe la politique menée, les reniements et les souffrances subies par la population .Qu’au nom de l’unité on pouvait mettre un mouchoir sur ses convictions , passer outre les orientations programmatiques décidées lors de la création du parti, et que pour déjouer la malédiction d’une marginalité politique, il était permis de trahir ses électeurs et accepter n’importe quelle coalition. Comment est-il possible de défendre une telle ligne politique ? Le seul point sur lequel je vous rejoins , après vous avoir lu, c’est que oui vraiment, notre gauche est mal en point.

    alain Le 23 août 2015 à 21:09
  •  
  • La vraie question est absente de l’article : celle de la mobilisation populaire. Mais elle est aussi absente des actes réels de la gauche grecque (ne parlons pas de notre FDG mort-vivant).
    La révolution n’est pas un dîner de gala, aurait dit un certain Mao Zedong. Son plus grand obstacle, c’est la délégation de pouvoir. Et c’est bien le drame de Syriza (de tout Syriza, y compris ceux qui viennent de créer Unité Populaire) : avoir cru qu’il y avait une marge de manoeuvre dans les institutions. Et ils sont peu nombreux ceux qui comme Zoé Konstantopoulou, ont cherché à armer politiquement le peuple pour résister aux forces du capitalisme et à celles du renoncement.

    gib Le 24 août 2015 à 00:00
  •  
  • Madame Tricot,
    Votre déni de réalité est confondant. Peut-être que le partage, un temps de ce que vivent les Grecs - une crise humanitaire, une spoliation de la démocratie après un résultat référendaire, le dépeçage du bien public au profit des groupes oligarchiques, une mise sous tutelle institutionnelle - vous remettrait aussi vos propres "démons" en pleine figure : allez vivre là-bas aux mêmes conditions que certains de mes amis grecs qui se sentent plus que floués par Tsipras : vous risquerez de tomber de votre Acropole de la bien-pensance Vous cautionnez ainsi le TINA qui sévit depuis plus de 30 ans, qui fertilise le terreau des extrême-droites.
    Vous avez, bien sûr, le droit irréfragable d’avoir votre point de vue et de l’exprimer. Je vous incite néanmoins, afin de diversifier vos sources et nuancer votre regard, de lire, écouter, vous informer auprès d’autres sources que les vôtres : les différents entretiens qu’a donnés Yannis Varoufakis, les analyses de Stathis Kouvelakis (un irresponsable sans doute ?), le site "Greek crisis", les analyses d’un Cédric Durant, Bejamin Coriat Frédéric Lordon, Jacques Sapir (que l’on peut discuter) et aussi la longue conférence disponible en vidéo d’Eric Toussaint qui a animé la commission d’audit sur la dette grecque laquelle a mené un travail de grand fond. Vous verriez ainsi, retracés, pratiquement heure par heure et jour par jour, ce qu’il en fut des atermoiements de Tsipras qui, lorsqu’il ne boudait pas la dite commission, n’en retenait aucune des conclusions, lesquelles étaient assorties de propositions concrètes, réalistes, face à celles des maffieux de l’Eurogroupe. Mais peut-être ces autres "tons" de voix, n’ont-ils pas l’heur de sonner agréablement à vos oreilles, toute tendues qu’elles semblent être, à la voix d’une certaine pensée "mainstream", fût-elle de "gauche", du moins d’une gauche qui dévalorise l’adjectif substantivé dont elle ose encore se parer. Madame, on est toujours le (la) radical(e) de quelqu’un. Des mesures de bases que, mutatis mutandis, le "radical" CNR en sont temps avait prises - et qui seraient toujours o combien d’actualité aujourd’hui - , n’ont même pas été envisagées par Tsipras. Votre article est celui du renoncement ou de la caution objectivement du moins, des politiques de Grande Régression (cf. le livre de Jacques Généreux : un irresponsable aussi, certainement, qui prône également la désobéissance aux traités européens antidémocratiques ?) menées par les droites rose et bleue depuis plus de 3 décennies dont on voit, à chaque élection, les dégâts.
    Madame, nous n’avons effectivement pas les mêmes "démons". Les vôtres nous enjoignent au fatalisme, ce fatalisme qu’hélas pour l’instant, les peuples en général paraissent avoir intériorisé. Votre article incline à toute forme de refus quant à penser un dépassement d’une ligne d’horizon réputée s’inscrire dans la "fin de l’histoire" . C’est exactement le but que s’assigne la classe dominante. c’est votre choix, encore une fois légitime. Ce n’est pas celui de milliers et milliers de celles et ceux "intransigeants" (parce que l’oligarchie capitaliste ne l’est pas, "intransigeante" ?) qui ne sont pas sur votre ligne. Je vais, de ce pas, dialoguer avec mes "démons".
    Babeuf

    Babeuf Le 24 août 2015 à 08:41
  •  
  • Madame Tricot (suite)
    Je voudrais ajouter que je ne cède pas à la tentation de céder à l’idée d’une "trahsion" de Tsipras. La notion de trahison n’est pas une catégorie politique censée rendre compte explicitement des actes politiques. Se livrer à ce qui serait n’être que des arguties et non des arguments en qualifiant Tsipras de "traître", condamne à rester dans l’infécondité totale de la réflexion. A l’inverse, en faire un héros comme la teneur de vos lignes en atteste, relève de la même stérilité. La question doit se poser autrement : son projet pouvait-il être mené à bien (si toutefois ce projet était mûrement réfléchi) dans une Europe dont la nature et les traités interdisent tout autre orientation politique, ce que ne manqua pas de rappeler avec une belle et cynique franchise, l’organisateur de fraude fiscale qu’est un Jean-Claude Juncker ? Il s’avère, à la lueur de cette très amère fin de séquence grecque (et pas la fin tout court) qu’est invalidée la ligne de cette gauche dite radicale - du moins une partie qui s’en réclame, comme le PCF encore que ce dernier ne soit plus homogène sur cette question - qui voudrait réformer de l’intérieur un cadre dont les cadenas sophistiqués et tenus en poigne d’acier par leurs promoteurs, n’en permettent aucune possibilité, ce qui était le dessein non seulement du traité de Maastricht mais encore plus loin dans le passé, par le traité de Rome que dénonça en son temps Mendès-France dont on ne peut guère dire qu’il fût un farouche anticapitaliste. Dès le coup de la BCE en Février, et même avant, l’équipe de Tspiras aurait du songer sérieusement à un plan de transition. Je vous renvoie aux propositions auxquelles j’ai fait allusion dans mon précédent courriel, propositions déclinées par d’autres auteurs desquels, apparemment, vous ne tenez pas à prendre en considération. De la part de Tsipras et de son équipe - dont 2 de ses membres ont de belles accointances avec le lobby bancaire - ou bien ce fut une totale impréparation ou bien une grave sous-estimation face aux moyens que le capital met (et mettra) à sa disposition pour maintenir son hégémonie. Cela s’appelle la lutte des classes, hé oui ! Ne pas vouloir prendre cela en compte ou faire montre de cécité quant à cette réalité, permet hélas à celles et ceux parmi lesquels il semble que vous comptiez, d’en appeler à un "réalisme" démobilisateur ou à un angélisme qui laisse pantois.
    Démoniaquement vôtre,

    Babeuf

    Babeuf Le 24 août 2015 à 10:51
       
    • « "réalisme" démobilisateur  » (Babeuf).

      C’est en effet ce "réalisme" qui plombe le FdG et explique son inefficacité. Ses dirigeants sont à la radicalité dont ils s’auréolent ce que les Frondeurs sont au PS : des usurpateurs de mots, des faiseurs de vent.
      Le "réalisme", le vrai, mobilisateur cette fois, serait de reconnaître enfin que seule une sortie de l’euro peut nous délivrer de la Troïka. C’est l’enseignement à tirer de l’expérience grecque, pas le défaitisme de Catherine Tricot.

      Jean-Marie Le 24 août 2015 à 12:50
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  • Si l’un de nos amis manifeste l’intention de se jeter par la fenêtre, on va bien sûr tout faire pour tenter de l’en dissuader. On va le raisonner, lui dire que la vie est belle et qu’il y a peut être bien autre chose à faire. S’il passe à l’acte, on ne va pas le suivre.
    Tsipras s’est jeté dans le vide, il en est sorti vivant et c’est tant mieux pour lui. Comble de l’ironie, il sortira probablement vainqueur de la prochaine échéance électorale.
    Nous, non, désolé, on ne saute pas.
    C’est notre côté radical.

    kashmir4 Le 24 août 2015 à 17:14
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  • @ Catherine Tricot qui, si elle ne veut pas visionner l’ensemble de la vidéo d’Eric Toussaint (1h44) peut au moins regarder la video qui résume sa conférence (38:01) .
    (le lien youtube est refusé)

    mais sans doute cela fait-il partie des "phantasmes" que reproche Alexis Tsipras à Zoe Kostantopoulou.

    Mais à mon avis elle connait ces éléments, donc son texte a une autre fonction.

    gblanchet03 Le 24 août 2015 à 18:59
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  • J’ignorais que Madame Tricot était solférino-compatible...

    François 70 Le 24 août 2015 à 20:19
       
    • comme tout le PCF...

      LOLILOLA Le 25 août 2015 à 00:35
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  • En lisant Mme Tricot je continue de penser que le PCF est indécrottable : le but de sa politique ce sont les postes, le peuple attendra pour le grand soir !

    LOLILOLA Le 25 août 2015 à 00:24
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  • article pro euro capitulard vive l’unité populaire !

    yakari Le 25 août 2015 à 19:57
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  • Que je trouve ces réactions bardées de certitudes a un moment ou l exercice est pourtant bien difficile
    cet article interrogé , je ne comprends pas ce qui justifie çe déferlement
    on est tous inquiet de çe qui se passe en grece qui augure d autres moments difficiles pour qui tente de renverser la tendance
    tsipras n a pas réussit .....en même temps il decide a tout moment de faire confiance au peuple grec.....on pourrait en prendre de la graine !!!
    C est vrai que vu la capacité dela gauche alternative en France a etre crédible on peut se permettre de donner des lecons et à jouer les gardes rouges ......

    Sylvie Le 29 août 2015 à 20:44
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