« Le renouvellement de la confiance qui m’a été accordée est un renouvellement de la responsabilité du parti pour qu’il soit plus massif, plus collectif et plus efficace face aux batailles qui nous attendent, pour une Grèce de justice et de prospérité ». Ces mots sont ceux d’Alexis Tsipras, le premier ministre grec, sur Twitter, le dimanche 16 octobre au soir, après sa réélection à la tête du parti Syriza. Son score ? « À la Ceausescu » selon le Journal des rédacteurs, pourtant proche de Syriza. Sur les 2.926 congressistes (2.758 votants) réunis en banlieue d’Athènes, le quadragénaire a en effet recueilli 93,44% des voix.
Pas de véritable opposition interne
Le score est-il étonnant ? Pas forcément. Il révèle à la fois l’histoire récente du parti et l’ambiguïté dans lequel il est placé à la gestion du pouvoir. Lorsqu’il remporte les élections, en janvier 2015, Syriza a fait campagne sur la fin de l’austérité. Les créanciers de la Grèce, l’UE, le FMI et la BCE ne lui laissent aucune possibilité d’appliquer son programme. En juillet 2015, Alexis Tsipras est contraint de signer, le fusil sur la tempe, un "troisième mémorandum" avec l’UE, un de ces textes qui accordent un prêt à la Grèce en échange de mesures budgétaires restrictives et imposent au pays ses politiques économiques.
Ce troisième mémorandum a provoqué un schisme au sein de Syriza. Le courant le plus à gauche, symbolisé par Panayotis Lafazanis, est parti, de même que Kostas Issychos ou Zoe Konstantopoulou, qui ont été des très proches d’Alexis Tsipras. Au total, près de 10.000 militants ont déserté les rangs tandis que, selon Avghi, le journal de Syriza, 8.000 nouveaux adhérents les rejoignaient.
« En général, le congrès révèle un parti homogénéisé et, en dépit de quelques critiques ou doutes spécifiques exprimés pendant les trois jours de discussions, il serait plus qu’exagéré de dire qu’il existe une véritable opposition interne. Les 93,54% obtenus par Tsipras en sont la preuve la plus évidente », explique Nikos Lionakis, journaliste politique.
Le fardeau du mémorandum
En ouverture du congrès, Alexis Tsipras s’est attaché à défendre son bilan et à appeler à la construction de nouvelles alliances. Alors que Syriza, « seul parti de la gauche radicale au gouvernement en Europe », doit affronter la crise économique et sociale, la crise des réfugiés et l’hostilité de nombre de pays européens, l’application du mémorandum est « une bataille pour l’honneur de la gauche et pour l’honneur du peuple grec », a-t-il souligné. C’était, a-t-il rappelé, la seule voie évitant une sortie de la Grèce de l’euro.
Au sein du congrès, toutes les tendances ont été d’accord sur ce point et sur la ligne de défense : « Nous sommes obligés d’appliquer une politique qui n’est pas celle que nous aurions souhaitée », selon les mots de Panayotis Skourletis. Mais, poursuit ce député de Syriza, « elle est le résultat d’une concession douloureuse, conséquence d’un rapport de forces hostile à notre pays et dominant aujourd’hui dans l’Union européenne. »
Reste que les principales critiques ont porté sur l’application du mémorandum et la stratégie du gouvernement. Il a essuyé récemment des « échecs », selon Anneta Kavvadia, députée de Syriza. Malgré le respect à la lettre, par Athènes, des conditions fixées par les créanciers de la Grèce, ces derniers ont repoussé sine die leurs engagements sur la restructuration de la dette (244,4 milliards d’euros, 176 % du PIB). Le 10 octobre, l’Eurogroupe n’a libéré que 1,1 milliard d’euros sur la tranche de 2,8 prévue pour cet automne. À la tribune, Alexis Tsipras a insisté : « L’accord doit être honoré de part et d’autre ».
Appliquer le "programme parallèle"
Lors des élections législatives anticipées de septembre 2015, Alexis Tsipras et son parti avaient fait campagne sur l’application du mémorandum d’une part, et le développement d’un "programme parallèle" de l’autre. « Nous multiplions les pas vers une amélioration de la situation », veut croire la députée Katherina Igglezi.
Les partisans de Tsipras soulignent que, le chômage est passé de 25,7% en janvier 2015 à 23,2% en juillet 2016. À la rentrée 2016, « 13.000 places supplémentaires ont été créées en crèche, avec une priorité absolue aux enfants sous le seuil de pauvreté », explique Panayotis Kouroublis, ministre de l’Intérieur. Nikos Fillis, son homologue du de l’Éducation nationale, valorise la « couverture sociale mise en place pour 1,5 millions de Grecs qui n’en disposaient pas avant l’arrivée de Syriza au pouvoir ».
Ce catalogue ne suffit pas à rassurer la population. Selon les derniers sondages, Syriza a perdu la confiance de nombre de citoyens et serait 5 points derrière Nouvelle Démocratie, son opposition de droite, si des élections se tenaient prochainement. « Il faut absolument éviter de casser les liens avec la société. C’est pourquoi, nous devons appliquer le programme parallèle », insiste Anetta Kavvadia. « Il est très important de rester allié à la classe sociale que nous sommes amenés à défendre ».
Alliances européennes et front démocratique
Mais en matière d’alliances, c’est à une autre échelle que nombre de participants ont réfléchi : celle de la scène européenne. À l’instar de Panayotis Kouroublis qui a prôné un « accueil des anciens électeurs du Pasok », ou encore un renforcement des liens avec la social-démocratie européenne.
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Les mots prononcés par Nikos Papas, ministre d’État et proche d’Alexis Tsipras, semblent sonner en écho : « C’est notre devoir que de construire un large parti de gauche, le cœur d’un front démocratique, qui garantira une gouvernance progressiste sur le long terme du pays et refermera les plaies causées à l’économie grecque par les mémorandum et la récession. »
Cette stratégie est celle qui a remporté l’adhésion au congrès, malgré quelques critiques internes. Elle conforte la ligne d’Alexis Tsipras et de sa majorité. « Nous avons été élus sur un programme clair », rappelle Kostas Douzinas, en se référant aux législatives de septembre. Ce député de Syriza, professeur de droit à l’Université de Londres, conclut : « Trois ou quatre députés de Syriza ne vont pas voter contre les lois qui ne les satisfont pas. Ils porteraient la responsabilité de faire chuter ce gouvernement, ce qu’ils ne veulent pas. Dans une démocratie parlementaire, il en est souvent ainsi : plus la majorité est faible, plus le gouvernement est stable ».
Parole de femme insoumise venue de Grèce ce dimanche.
"Le gouvernement actuel de la Grèce n’est pas un gouvernement de gauche, il n’est pas un gouvernement de droite, c’est un gouvernement de traitres"
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