Accueil > actu | Par Aude Lorriaux | 16 mai 2017

Un vote au "jugement majoritaire" aurait placé Mélenchon devant Macron

Une étude menée par le CNRS, l’université de Paris-Dauphine, l’École polytechnique et LaPrimaire.org explore ce nouveau type de scrutin, qui consiste à donner une appréciation à chaque candidat plutôt qu’à glisser un bulletin pour une personne dans l’urne.

Vos réactions (19)
  • envoyer l'article par mail envoyer par mail
  • Version imprimable de cet article Version imprimable

Emmanuel Macron a été élu avec 66% des voix, mais il n’en recueillait au premier tour que 24%, et même 18% si on ne compte que les inscrits. Au second tour, nombreux étaient ceux qui avaient voté pour lui avant tout pour faire "barrage" à Marine Le Pen : seulement 20% des électeurs du nouveau président ont indiqué avoir voté pour lui "par adhésion", selon une enquête BVA réalisée le 7 mai 2017. Ce qui pose une question cruciale : existe-t-il un système de vote qui permettrait d’élire des candidats qui rassemblent plus d’électeurs, et qui permettrait d’établir un plus large consensus ?

C’est la promesse du jugement majoritaire. Dans ce type de scrutin, vous ne votez pas pour un candidat, mais vous attribuez une appréciation à chaque candidat : "Très bien", "Bien", "Assez bien", "Passable", "Insuffisant", "À rejeter". Les candidats qui arrivent en tête sont ceux qui ont obtenu la meilleure "mention-majoritaire", selon l’exemple ci-dessous.

Capture d’écran issue de l’article Wikipedia sur le jugement majoritaire, article en partie écrit par le chercheur Rida Laraki.


Résultat : les nuances sont prises en compte, et les candidats massivement rejetés ne peuvent plus être élus… Si vous voulez mieux comprendre le principe, une bande dessinée et un texte vous expliquent tout.

Les chercheurs qui ont inventé cette méthode, Michel Balinski et Rida Laraki, ont mené pendant l’élection présidentielle une expérimentation auprès de 53.000 électeurs, en partenariat avec le CNRS, l’université de Paris-Dauphine, l’École polytechnique et LaPrimaire.org, une primaire en ligne ouverte aux candidats hors partis. Les résultats ont été révélés ce mardi 16 mai, sur le site dédié. Le profil des participants était largement à gauche, ce qui explique un résultat très favorable à Jean-Luc Mélenchon, qui arrive premier de cette expérience.

Mais les chercheurs ont aussi appliqué leur méthode à un sondage Ifop mené les 11 et 12 avril pour La Fabrique Spinoza auprès d’un échantillon de 1.000 personnes représentatives de la population française. Et là, surprise ! Le scrutin lui profite aussi. « Le match aurait clairement été entre Mélenchon et Macron », qui obtiennent tous deux la mention "assez bien", constate Rida Laraki. Le candidat de La France insoumise récolte 13,3% de "très bien", 22,2% de "bien" et 28,8% d’"assez bien". Celui d’En marche ! obtient 9,6% de très bien 22,8% de "bien" et 25,7% d’"assez bien", soit une "mention-majoritaire" légèrement inférieure à celle de Jean-Luc Mélenchon :

Extrait de l’étude "Résultats du vote au jugement majoritaire" menée par les chercheurs Michel Balinski et Rida Laraki.
Cliquez sur l’image pour l’agrandir.


Benoît Hamon arrive troisième, Dupont-Aignan quatrième, et Marine Le Pen… cinquième seulement. La candidate du Front national suscite certes un fort taux d’adhésion (15,3% de "très bien", soit plus que Mélenchon et Macron), mais nombreux ont aussi été les "électeurs" de ce sondage à lui accorder la mention "à rejeter" (34%) et la mention "insuffisant" (13,6%), ce qui l’éloigne du podium.

Ce sondage ne reflète pas complètement les résultats finaux : avec le scrutin majoritaire, Mélenchon obtient dans ce sondage 20,7% des voix, et Macron 20,4%, une différence de quatre points avec le résultat de l’élection. Une chose cependant est certaine : le jugement majoritaire permet d’éliminer les candidats les plus rejetés par une large partie de la population.

Il a aussi ses défauts, ou ses critiques possibles : il est plus difficile à comprendre et demande à l’électeur de prendre position sur chacun des candidats, ce qui pourrait potentiellement exclure encore un peu plus les électeurs qui se sentent déjà loin de la politique, ou qui n’ont d’intérêt que pour un seul candidat.

@audelorriaux

Vos réactions (19)
  • envoyer l'article par mail envoyer par mail
  • Version imprimable de cet article Version imprimable

Vos réactions

  • Le jugement majoritaire ne sert pas à sélectionner deux candidats pour un deuxième tour, c’est un vote en un seul tour.

    Les deux tours ne sont en effet plus du tout nécessaires, les jugements émis sont indépendants des autres candidats et sont valables intrinsèquement.

    Luc Chapon Le 16 mai 2017 à 18:59
  •  
  • @Luc
    Commentaire imparable.

    René-Michel Le 16 mai 2017 à 19:47
  •  
  • Pas sûr de comprendre le commentaire, en ce qui me concerne ; est-ce que ce type de vote n’aurait pas le mérite d’en finir avec le vote utile (profitable uniquement pour un parti peu enclin aux divisions ou fortement attaché à des figures de chef, et défavorable aux courants plus bigarrés) ? Il me semble que ce serait le principal argument en sa faveur... Après quoi on ne voit pas bien pourquoi il serait incompatible avec un 2e tour "classique".

    Romain Le 16 mai 2017 à 20:47
       
    • En fait, ce n’est pas qu’organiser un 2e tour est impossible, mais que c’est inutile : Personne n’a besoin (ou intérêt) à changer son vote sur un des candidats. Un candidat au programme qu’on jugeait "Assez bien" le 1er mai, aura toujours un programme que l’on jugera "assez bien" le 8 mai ; donc le "profil de vote" obtenu au 2e tour, pour les deux candidats retenus, devrait être identique à celui obtenu au premier tour (ou, au pire, deviendra plus clivant, ce qui n’a que peu d’intérêt au niveau de la représentativité des voix et opinions).

      Mc Le 17 mai 2017 à 19:52
  •  
  • Un changement de scrutin suppose une majorité qui le souhaite. Il faut que la FI dispose de cette majorité pour engager un changement de constitution par la convocation d’une Assemblée constituante, tous les autres partis et l’oligarchie financiere qui les manipulent n’ayant aucun intérêt à en changer
    C’est alors qu’on pourra réfléchir au meilleur mode de scrutin pour élire le PR, en supposant qu’il soit toulours élu au suffrage universel !
    Donc l’urgence, ce n’est pas de refaire l’histoire, mais de construire l’avenir et c’est possible dès le 11 juin

    D. Mino Le 16 mai 2017 à 22:05
       
    • 185 députés suffisent pour proposer un referendum (soutenus par 4.5 millions d’électeurs)

      michel n Le 21 mai 2017 à 08:44
  •  
  • Conserver un deuxième tour n’aurait aucune utilité. L’un des avantages est justement de simplifier le processus et donc de supprimer un maximum de biais ou failles possibles.

    nico Le 17 mai 2017 à 00:27
  •  
  • Peut etre Villani va-t-il en faire part au PR, qui sait ?

    nico Le 17 mai 2017 à 04:25
  •  
  • Sur 8 candidats par exemple. Il suffit d’accorder une note de 1 à 8. Des candidats equivalents recoivent la même note.... Ensuite faire la somme des points pour chacun. Le plus petit nombre est le quandidat majoritaire.

    harzon Le 17 mai 2017 à 08:16
  •  
  • "...demande à l’électeur de prendre position sur chacun des candidats, ce qui pourrait potentiellement exclure encore un peu plus les électeurs qui se sentent déjà loin de la politique, ou qui n’ont d’intérêt que pour un seul candidat."

    Ben non c’est un faux inconvénient.
    Si un électeur n’a pas d’avis sur un candidat, il a aucune raison de le vouloir au pouvoir. Donc par défaut ce sera un vote "à rejeter" pour ce candidat. En soit, il est tout à fait possible de donner un bulletin avec "très bien" pour un candidat, et rien pour tous les autres. L’électeur se positionne comme s’il était dans le mode de vote actuel (et j’en suis désolé pour lui...).

    Autre avantage, c’est que le vote blanc n’existe plus dans sa forme actuelle : on donne son avis sur tous les candidats, point barre. Libre à chacun de mettre "à rejeter" à tous s’il le veut.
    En soit, cela signifie qu’hors ceux qui en ont rien à battre de la politique (une part des abstentionnistes donc), tous les autres auront aucune raison de ne pas aller voter : le taux de participation ne peut que grimper.

    Daniel Le 17 mai 2017 à 09:52
  •  
  • Bon le tour présidentiel est perdu.

    Ça sert à quoi de vouloir ré-écrire l’Histoire.

    Concentrons nous sur les législative, enfin pour ceux que ça intéressent - moi ça m’intéresse, mais certainement les pleurades dignes d’une analyse électorale à la G. Marchais qui avait progressé en perdant des votants.

    La Renaudie Le 17 mai 2017 à 09:57
  •  
  • Méthode de vote ou pas, cette étude fait ressortir qu’à quelque 600.000 voix près, sans les magouilles rosâtres verdâtres de certains, on aurait l’Avenir en commun au lieu du programme Bilderberg via Macron et Philippe. Mais bon, comme dit La Renaudie, c’est le moment de penser aux luttes.

    Autrement Le 17 mai 2017 à 15:05
  •  
  •  Le défaut du « jugement majoritaire » est bien connu. C’est un système qui permet tout simplement de faire battre un candidat placé en tête par la majorité absolue des électeurs. Et c’est évidemment un défaut absolument rédhibitoire. Lorsqu’un candidat est le préféré de la majorité absolue des électeurs, ses partisans n’ont qu’une seule parade pour être certains qu’il ne sera pas déclaré battu : lui accorder TOUS la mention maximale et une mention inférieure à tous les autres candidats. En poussant le raisonnement, on se rend compte que les électeurs ont toujours intérêt à accorder la mention maximale à leur candidat préféré et la mention minimale à tous les autres afin de ne pas risquer de faire eux-mêmes remonter la médiane du plus sérieux concurrent de leur favori. C’est évidemment ce que tous les partis politiques conseilleraient de faire et le « jugement majoritaire » se transformerait alors en simple scrutin majoritaire à un tour. Les expérimentations actuelles ne fonctionnent que pour la seule raison que les cobayes n’y comprennent rien et se font rouler dans la farine.

    michel ricci Le 18 mai 2017 à 12:12
       
    • Certes, si les électeurs agissent comme les partis leur disent d’agir... C’est bien là le problème de votre analyse.
      Les personnes vont certes mettre leur poulin très haut (s’ils en ont un) mais il vont classer ensuite entre ceux qu’ils ne veulent pas du tout avoir ou ceux qui leur iraient).
      De plus, je ne suis pas sûr qu’il y ait une situation où un candidat qui soit le préféré d’une majorité des français.
      Enfin, l’intérêt des électeurs n’est pas de placer absolument untel ou unetelle à la présidence mais bien de défendre son point de vue (surement défendu en partie par plusieurs candidats).

      En bonus, il existe d’autres systèmes de vote ou l’on classe les candidats. Ainsi, on exprime un report de vote automatique (=> plus de vote utile !).

      Nathanaël Le 18 mai 2017 à 15:00
    •  
    • Bien vu Michel Ricci.
      Autre question essentielle indépendamment du mode de scrutin : avons-nous besoin d’un président de la république qui serve à autre chose que pour le décorum ? Et si non, pourquoi l’élire au suffrage universel ?

      Jeannot Le 18 mai 2017 à 15:19
    •  
    • À Nathanaël : Il y a de nombreuses élections où un candidat est le préféré d’une majorité absolue d’électeurs, à savoir le deuxième tour des présidentielles et de bien des législatives. Si ce deuxième tour se déroulait au « jugement majoritaire », en se gardant bien de donner aux électeurs la consigne que j’ai indiquée, il arriverait parfois que le candidat préféré par la majorité serait battu. Un système électoral qui ne donne pas la certitude absolue de faire gagner le candidat préféré de la majorité quand il n’y a que deux candidats, c’est quand même inquiétant. Et, comme dirait le proverbe, qui ne peut pas le moins, ne peut pas le plus.

      michel ricci Le 19 mai 2017 à 15:50
  •  
  •  S’il existe une majorité parlementaire hostile au Président, ce dernier a autant d’utilité que la reine d’Angleterre. Sinon, c’est lui le chef du gouvernement de fait et il en faut bien un. Le plus simple est un scrutin législatif donnant la certitude absolue qu’il y ait une majorité parlementaire (facile avec la proportionnelle intégrale et une prime ad hoc au gagnant) et décréter qu’est élu Président le candidat du parti ou de la coalition de partis ayant remporté les législatives (le candidat de chaque coalition étant évidemment présenté avant les élections). Avec un seul bulletin, chacun voterait à la fois pour un candidat à la Présidentielle et pour le parti de son choix parmi ceux de la coalition concernée. Avantage annexe : un seul tour de scrutin au lieu de quatre.

    michel ricci Le 18 mai 2017 à 18:41
  •  
  • Est-ce que vous n’oubliez pas de dire que votre échantillon n’est pas du tout représentatif de la population française ?

    Madeleine Le Bars Le 18 mai 2017 à 21:17
  •  
  • et si c’était pas comme ça ce serait autrement et patati et patata... mais l’histoire ne repasse pas les plats même si l’on reste sur notre faim alors que macron annonce la prolongation de la cure avec cette fois la disette en plat de résistance. Il est donc urgent que les guignols qui prétendent nous représenter cessent leur jeux mortifères et organisent des désistement réciproques pour que NOUS ayons une représentation conséquente à l’A.N. Après il leur sera toujours temps de démêler le tien du mien ou d’aller se faire voir chez les grecs...

    rinaldo Le 20 mai 2017 à 00:22
  •  
Forum sur abonnement

Pour poster un commentaire, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d'indiquer ci-dessous l'identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n'êtes pas encore enregistré, vous devez vous inscrire.

Connexions’inscriremot de passe oublié ?