Regards. On entend et on lit de plus en plus fréquemment qu’une reprise est en train de se réaliser dans la zone euro. Est-ce effectif ?
Xavier Timbeau. Oui, la reprise est en train de se produire. Cela résulte de la conjugaison de nombreux facteurs. Dans une situation très dégradée où les investissements ont reculé et où le chômage a augmenté souvent de façon massive, les salaires ont baissé ou ralenti, les entreprises ont ajusté leurs effectifs. Les taux d’utilisation des équipements et les taux de marges ont fini par se redresser, y compris en France. Ce ressort n’est plus bloqué. La zone euro est en retard. Elle va donc bénéficier d’une demande relative positive du reste du monde. Les politiques budgétaires d’austérité ont été très atténuées depuis 2014. La politique de "Quantitative Easing" de la Banque centrale européenne va maintenir des taux d’intérêt très bas pour les États, mais aussi pour les banques qui, sauf cas spécifique comme en Italie, ne connaissent plus de difficultés. La baisse de l’euro, poussée à la fois par la politique de la BCE et par les perspectives de resserrement de la politique monétaire aux Usa et au Royaume-Uni, va favoriser les exportations. Enfin la chute massive du prix du pétrole a des effets favorables, du moins à court terme, puisqu’elle entraine un gain de pouvoir d’achat pour les ménages et une baisse des coûts pour les entreprises de l’ordre d’un demi à un point de revenus. Tous ces facteurs, intervenant en même temps, vont enclencher un mouvement de reprise que l’on attendait depuis longtemps et qui avait été cassé par les politiques d’austérité.
« Il y a des "mais" importants au scénario de la reprise »
Vous ne pensez donc pas que l’Europe soit structurellement embourbée dans une croissance anémiée ?
En 2015, le redémarrage devrait être progressif, mais, en 2016 et les années suivantes, la croissance pourrait être de 2,5 ou 3%. Certains économistes considèrent que le taux de chômage structurel est très élevé que la croissance pourrait s’essouffler rapidement. Je ne le pense pas. Les rigidités salariales ne sont pas si fortes qu’elles puissent être un obstacle à l’emploi. Cela dit, la reprise n’est pas certaine. Il y a des "mais" importants au scénario de la reprise. Le premier gros "mais" c’est le risque de déflation. Celle-ci est directement liée au chômage élevé qui pèse sur les salaires et qui va continuer de la faire. Il existe donc un risque que la politique de la Banque centrale n’arrive à contrer les forces déflationnistes et qu’elle perde sa crédibilité par rapport à son objectif de hausse de 2% des prix. La reprise resterait alors collée au sol dans un scénario à la japonaise. L’absence de hausse de prix augmenterait mécaniquement le poids des dettes et rendrait le rééquilibrage des finances publiques plus difficile. Il n’est pas exclu, non plus, que les dirigeants européens appliquant les règles du pacte budgétaire réagissent de façon négative à de telles évolutions et fasse replonger la zone euro dans des politiques d’austérité. Les risques géopolitiques notamment dans l’Est européen constituent évidemment une autre incertitude, ainsi que le traitement de la question de la Grèce. Au point où l’on est arrivé, la Grèce ne pourra pas en même temps reconstruire son économie et assumer la charge de sa dette. Une solution gagnant/gagnant peut être trouvée, et elle passe par l’annulation d’une partie de la dette ou par une solution équivalente. Mais si les considérations politiques ou les rigidités intellectuelles l’emportent et qu’un accord de ce type n’est pas réalisé, les risques d’instabilités économiques politiques, voire d’éclatement de l’euro prédomineront. La politique monétaire devra être révisée. Le scénario de la reprise n’y survivrait sans doute pas.
Votre scénario de reprise repose, au fond, sur l’idée que les profits vont entrainer les investissements et les emplois. Les obstacles structurels à une reprise des investissements tels que le pouvoir actionnarial pesant sur les entreprises ne vont –ils pas empêcher sa mise en œuvre ? Ne risque –t-on pas d’aboutir à une reprise des bulles immobilières et boursières plutôt que des investissements productifs, matériels et humains ?
Certes, la politique de quantitative easing peut avoir des effets pervers. Elle peut réalimenter des bulles immobilières et boursières. Mais le retour à une hausse des actifs devrait donner le sentiment d’une augmentation des richesses détenues par les ménages (ce que les économistes appellent l’effet richesse). Cela devrait avoir un effet positif, à court terme, sur la consommation et les investissements des ménages. Il ne faut donc pas renoncer à la politique de quantitative easing mais il faut la mener le moins longtemps possible, une fois enclenchées les effets positifs attendus sur les investissements. C’est-à-dire sans doute pas plus de dix-huit mois à deux ans. Pour ma part, je ne crois pas en effet à l’existence de résistances structurelles à l’investissement. Leur recul est dû avant tout à l’effondrement de la demande du fait des politiques économiques restrictives. Il ne faut pas sur-interpréter des blocages structurels à l’investissement et à l’emploi. On peut par contre s’inquiéter de la qualité des investissements qui vont être réalisés. Le risque majeur me parait être que la croissance reste calée sur des dynamiques d’investissements et de consommations anciennes, privilégiant par exemple à nouveau des secteurs comme l’automobile ainsi que sur des dynamiques d’inégalités sociales accentuées. Il faudrait chercher à lui donner des dimensions environnementales beaucoup plus fortes. Non seulement on risque de rater une occasion, mais la reprise elle-même serait sans doute, économiquement, beaucoup plus solide et, socialement, plus porteuse.
« Au plan social, une certaine convergence pourrait s’opérer. Mais elle tend à se réaliser par le bas »
Que faudrait-il faire pour cela ?
Il faudrait poser la question des mutations de structure dans une direction différente de celle qui prédomine aujourd’hui, autour d’un véritable "new deal", d’un nouveau contrat social en terme de protection sociale, de travail, de qualification, de répartition des revenus, mais aussi de mode de consommation et de production. À défaut, le sentiment qu’avec la reprise on sort enfin de la crise pourrait être vite illusoire. On aura en fait perdu du temps et des moyens de réorienter la croissance.
Les divergences économiques qui se sont creusées au sein de la zone euro ont constitué un facteur important de la crise et des blocages de la reprise. Est-ce que cela ne va pas continuer de peser ? La France par exemple ne va-t-elle pas profiter moins que d’autres de la reprise que vous annoncez ?
Dans le contexte d’une reprise, les divergences économiques pourraient au contraire s’atténuer. Un certain rééquilibrage pourrait s’opérer. La pression pour la revalorisation des salaires devrait être plus forte en Allemagne où le taux de chômage a baissé que dans des pays comme l’Espagne où le chômage dépasse les 20%, mais aussi comme la France où des accords sociaux défensifs par exemple dans l’industrie automobile vont conduire à une stagnation des salaires durant plusieurs années. Les divergences de compétitivité devraient donc se réduire. Les pertes de marché, notamment par rapport à l’Allemagne devraient être stoppées. Certains gains ne sont pas exclus, pas seulement pour l’Espagne mais aussi pour la France y compris dans l’industrie automobile où les constructeurs français ont renouvelé dans une certaine mesure leur gamme et ont allégé leur appareil productif. Et au plan social également une certaine convergence pourrait s’opérer. Mais elle tend à se réaliser par le bas, avec une extension de la précarité et le développement des catégories de travailleurs pauvres ou presque pauvres, alors qu’il faudrait au contraire chercher à la réaliser par le haut, c’est-à-dire par l’innovation, la montée en gamme des produits et la requalification des emplois. Le risque est de résorber les déséquilibres macroéconomiques européens par un schéma d’accroissement des inégalités sociales. Ce n’est pas ce que devait être le projet européen.
N’importe quoi, toujours ce verbiage de pseudo économiste...
Comment les citoyens pourraient se sentir riches alors qu’ils sont obligés touts les mois de s’endetter un peu plus pour arriver à sortir la tête de l’eau ?
J’imagine que s’il y a cette "croissance" que j’appelle gaspillage elle viendra des riches et ne profitera qu’a eux, bref qu’elle nous amènera au fascisme et à l’esclavage !
Bref cette "croissance" on n’en veut certainement pas !
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