Elle n’est pas en rupture avec la logique mise en œuvre par les socialistes depuis plus de trente ans : souci de la "compétitivité" et réduction de la dette restent des pivots de son projet, comme ils le sont depuis le tournant de la "rigueur" en 1982-1983. Mais la maire de Lille entend stopper la fuite en avant libérale du gouvernement Valls. Si l’ancienne ministre n’est pas devenue une "radicale", elle préfère rester dans l’esprit de ce que fut la gestion de Lionel Jospin, à rebours de la logique Macron. L’esprit social-démocrate classique contre l’option sociale-libérale ou démocrate…
Pourquoi ce choix, après une si longue discrétion ? Officiellement, pour peser en faveur d’une réorientation des choix pilotés par l’Élysée. Toutefois, Martine Aubry est trop fine politique pour ne pas savoir que l’Élysée réagira à ses propos comme il le fit naguère quand les "frondeurs" se sont manifestés. François Hollande joue la partition Thatcher : There is no alternative, il n’y a pas d’alternative. Le cap du gouvernement Valls sera tenu, contre vents et marées ; il n’y aura pas de troisième temps du quinquennat. Cela lui a été redit vertement. Mais elle s’en doutait déjà.
Contre l’érosion et l’implosion du PS
La vision de Martine Aubry va donc bien au-delà de la seule question du gouvernement. Ce qui est en jeu, dans son propos, c’est la structuration même du champ politique ; à court et à moyen terme, sa préoccupation va au devenir du Parti socialiste. D’une façon ou d’une autre, celui-ci est voué à l’évolution sociale-libérale, comme dans tous les pays européens voisins. Cette évolution se fera de bon gré, par l’adhésion au projet "démocrate" à l’américaine, ou par sens du "réalisme" (le poids des institutions, la pression de la droite, le danger du Front national).
Pour le dire d’une autre manière, il est très incertain qu’une majorité se dégage, au sein du parti, en faveur d’une réorientation à gauche prononcée. Les institutions rendent impossibles un PS en distance avec le gouvernement. Dès lors, le risque est double : une lente érosion de l’intérieur, poussant en dehors celles et ceux qui ne peuvent se résigner la grande translation "blairiste" ; éventuellement, l’implosion du parti en cas (prévisible) d’échec de l’expérience Hollande-Valls. Le Parti socialiste grec n’a-t-il pas disparu du paysage politique ? Le parti socialiste espagnol perd son poids dès lors qu’il n’exerce plus le pouvoir.
Dans l’hypothèse où le social-libéralisme deviendrait la ligne officielle du PS français, les tenants de la culture social-démocrate pourraient se trouver à la fois éparpillés en dehors du parti et soumis à la concurrence directe des autres composantes de la gauche, et d’abord celles du Front de gauche et des Verts.
Pas compromise dans l’après-2012
L’impulsion de Martine Aubry a pour objectif, moins d’infléchir à court terme l’action de l’État, que de maintenir l’hypothèse d’un Parti socialiste ancré à gauche et capable d’exercer une hégémonie persistante sur l’ensemble de la gauche française.
Sa personnalité ne manque pas d’atouts. Culturellement, elle est immergée dans un univers politique qui combine la trace du socialisme français et du christianisme social. Dans la lignée de son père, Jacques Delors, elle incarne volontiers le métissage d’une éthique publique et une image de gestionnaire "réaliste". Enfin, elle a représente une ligne de gauche dans la primaire qui a désigné le porte-drapeau socialiste pour l’élection présidentielle de 2012. Et à la différence d’Arnaud Montebourg, elle ne s’est pas compromise dans la gestion de l’État après 2012.
L’élue du Nord a des cartes non négligeables dans les mains. Elles ne sont pas sans fragilités. On ne voit pas encore comment elle se distinguera nettement des options aujourd’hui dominantes. Rien ne dit que sa logique modérément keynésienne et sa discrétion sur les enjeux proprement financiers peuvent agir efficacement dans une crise systémique aussi épaisse. Enfin, la profondeur de la crise politique décourage les anticipations tactiques. François Hollande, malgré ses déclarations tonitruantes, pourra-t-il tenir jusqu’à la fin de son mandat ?
Il y a chez Flutiot une incompréhension de ce qu’est M6R...explique-lui...moi j’ai la flemme...
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