Arnaud Montebourg continue de jouer sa partition. Mais il module son jeu. Il y a quelque temps, il semblait envisager le départ, pour prendre la tête d’une alternative à gauche, en dehors du PS. Son discours du 10 juillet marque une inflexion. Il fait entendre sa différence en voulant incarner un "néo-rooseveltisme" contre la logique d’économie budgétaire drastique du gouvernement actuel.
La référence implicite au modèle du New Deal des années 1930 n’est pas anodin. François Hollande et Manuel Valls ont décidé qu’il n’y aurait pas de retour en arrière dans la politique gouvernementale. La méthode de gestion sociale-libérale est désormais l’alpha et l’oméga du socialisme de gouvernement. Or, en 2017, il ne sera plus possible de rejouer la symphonie de la campagne présidentielle de 2012 : gagner sur un discours de gauche, pour gouverner au centre. Mais pour gagner au centre, il faut une structure politique capable de tenir une ligne franchement "blairiste". Le Parti socialiste, tel qu’il est, en est-il capable ? Après des années de synthèses à tout-va, et à l’épreuve du pouvoir, le couple de tête a tranché : c’est non. Il convient donc de constituer la force politique adéquate, quelque chose comme un Parti démocrate, à l’américaine ou à l’italienne.
Blairisme intransigeant ou blairisme aménagé ?
La question n’est plus de savoir si le PS va éclater ou pas. Il va éclater ; le seul enjeu est de dire où va passer la ligne de fracture. L’objectif des "sommets" est simple : non pas garder dans le PS la totalité de son aile gauche, mais réduire au maximum l’ampleur des départs. La "stratégie Montebourg" peut se lire à l’aune de cet enjeu. Pour limiter l’hémorragie, il faut constituer un espace à gauche dans le futur Parti démocrate. La base de cette gauche ne peut pas être fondée sur le modèle social-démocrate traditionnel. Le substrat symbolique se cherchera donc ailleurs que dans l’aire européenne : la référence quasi obligée est, une fois de plus, celle de Roosevelt et du New Deal, la plus à gauche que l’on puisse historiquement trouver dans la tradition démocrate américaine.
Pour éviter l’explosion sociale et se garder un peu de crédit politique à gauche, l’horizon est celui d’un contrôle à la marge des mécanismes libéraux dominant depuis trente ans. L’alternative se jouerait ainsi entre un blairisme intransigeant (la rigueur budgétaire et "l’ordre juste") et un blairisme aménagé (régulation partielle par les "grands travaux"). Valls ou Montebourg...
À l’arrivée, en tout cas, il y aurait un paysage politique transformé : un pôle démocrate de centre-gauche, un pôle néolibéral de gouvernement à droite, un pôle national-populiste à l’extrême droite. L’inconnue ? Quel est l’espace que peut occuper un gauche non rooseveltienne, distincte du social-libéralisme, capable de réactiver la vieille polarité de la droite et de la gauche, autour du binôme de l’égalité et de la transformation sociale ?
L’exemple de l’Italie suggère que, dans une telle configuration, une gauche de gauche peut quasiment disparaitre du paysage. À méditer.
"La question n’est plus de savoir si le PS va éclater ou pas. Il va éclater ; le seul enjeu est de dire où va passer la ligne de fracture. L’objectif des "sommets" est simple : non pas garder dans le PS la totalité de son aile gauche, mais réduire au maximum l’ampleur des départs." C’est là un pari qui me semble un peu "optimiste" !
Quant à la question : "Quel est l’espace que peut occuper un gauche non rooseveltienne, distincte du social-libéralisme, capable de réactiver la vieille polarité de la droite et de la gauche, autour du binôme de l’égalité et de la transformation sociale ?" je crains que la réponse soit "aucun". Il n’y a plus de place pour une "social-démocratie" à l’ancienne. Les politiques keynésiennes, censées "aménager" un "capitalisme à visage humain" n’ont plus aucun espace, en l’état de la crise du capital et de sa mondialisation. Sans rupture avec le capital, pas de sortie de crise. Et comme les ex-sociaux-démocrates ont abandonné irréversiblement toute idée de rupture, ils sont condamnés au social-libéralisme : c’est la pente qu’on suivi tous ses partis à travers le monde.
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