Accueil | Entretien par Pierre Jacquemain | 30 juin 2021

Alain Bertho : « L’État ne prête pas attention à la montée depuis cinq ans du terrorisme d’extrême droite »

Qu’est-ce que l’antiterrorisme fait à l’État et à nos libertés ? L’anthropologue Alain Bertho est l’invité de #LaMidinale.

Pour signer la pétition, c’est par ici : « Arrêt de toute poursuite pour ces « ombres rouges » poursuivies par une vengeance d’État »

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UNE MIDINALE À VOIR...

 

...ET A LIRE

 Sur la possible remise en cause de la doctrine Mitterrand par Macron (Brigades rouges) 
« Pourquoi 40 ans après les faits, alors que quatre présidents de la République avaient tenu sur la doctrine Mitterrand, remet-on en cause les engagements de la France ? C’est la bonne question. »
« On comprend les enjeux pour l’Italie qui n’a jamais refermé la page des années plomb et l’Etat italien continue à être animé par un esprit de vengeance. Mais pourquoi la France décide de faire ça ? »
« En écoutant les interventions du ministre de la justice, c’est assez évident : Dupond-Moretti télescope deux périodes historiques. Il établit un récit sur un terrorisme intemporel contre lequel l’Europe devrait se préserver - et c’est à l’agenda politique aujourd’hui dirigé principalement contre l’Islam - tout en intégrant une autre dimension politique grâce à cette réponse favorable à l’Italie. Il y a déjà eu une tentative pour intégrer l’extrême gauche dans le champ de la menace terroriste qui remonte à 2008 avec le groupe de Tarnac. »
« C’est une affaire dont on doit prendre toute la mesure politique. »
« Il y a une véritable dérive de la législation française. »

 Sur la lutte antiterroriste  
« Ce qui est nouveau et auquel l’Etat ne prête pas attention c’est la montée depuis cinq ans du terrorisme d’extrême droite - alors que le terrorisme dans le monde est en recul depuis plusieurs années. 
« L’essentiel du terrorisme est dans les pays en guerre : c’est le Moyen-Orient, l’Afrique. »
« La menace terroriste islamique, à partir de 2012 et surtout 2015, a permis l’accentuation des lois antiterroristes des années 80. »
« La dépolitisation des actes antiterroristes est une constante dans notre histoire contemporaine. »
« À partir de 2010, il y a la mise en place de la surveillance pour prévenir. Le paradoxe, c’est qu’il y a une sur-politisation de la surveillance qui amène en France à une dérive qui est la logique du suspect. »
« On arrive aujourd’hui à une législation antiterroriste en France qui est pire que ce que l’Italie avait fait dans les années 70. »
« En France, on est dans la logique de la guerre. »
« Cette législation d’exception est toujours justifiée par le fait qu’il y a des ennemis d’Etat. Et on met en place ce qu’on appelle une sorte de droit pénal de l’ennemi. On est en guerre : c’était le lexique du gouvernement italien qui menait une véritable guerre dans les années 70. »
« La législation antiterroriste qui démultiplie la surveillance pour anticiper les risques transforme potentiellement tout le monde en suspect. Ça a des effets dans le quotidien qui génère des pratiques. »

 Sur le droit pénal de l’ennemi  
« À partir du moment où on considère qu’il faut surveiller pour prévenir, il y a tout un travail d’identification des indices. Ça a été toutes les procédures et protocoles de ce qu’on a appelé la radicalisation. »
« Il y a des gens qui ont été condamnés non pas parce qu’ils avaient fait des actes terroristes, non pas parce qu’ils participaient à une organisation terroriste, non pas parce qu’ils sont allés en Syrie, non pas parce qu’ils ont essayé d’aller en Syrie mais parce qu’ils avaient peut-être essayés d’aller en Syrie. »
« Le point commun avec les années de plomb italiennes c’est que cette mise en place des dispositifs d’exceptions dangereux s’est fait dans un consensus politique en Italie et aujourd’hui, les gouvernements successifs ont réussi à construire un consensus répressif en France. »

 Sur la justice française  
« On veut mettre en prison des gens 40 ans après les faits. Je rappelle qu’en France, pour fermer la période de la guerre d’Algérie et des attentats d’extrême droite, on a amnistié l’OAS au milieu des années 60. »
« Il y a un vrai problème : est-il légitime, 40 ans après les faits, de réclamer encore l’exécution d’une peine ? Ces femmes et ces hommes n’ont pas pu retourner dans leur pays et ont construit leur vie en France. »
« Le processus judiciaire qui est engagé est un processus qui respecte les règles de droit en France pour l’instant. La suite des audiences, le juge a réclamé la totalité des pièces des procès de l’époque et non pas seulement les extraits qu’avait envoyés le gouvernement italien. »
« C’est un procès qui est parti pour plusieurs années. »

 Sur la définition du terrorisme 
« Ce que l’on compte comme terrorisme, c’est ce que l’on qualifie comme terrorisme. »
« Quelqu’un qui pète un boulon et qui se met à tirer sur les gens dans la rue en criant Allah Akbar, c’est du terrorisme. »
« Un survivaliste surarmé qui a tapé son ex-femme, qui frappe la femme actuelle et qui tire depuis un toit sur les gendarmes venus l’arrêter, ce n’est pas du terrorisme. »

 Sur l’islamogauchisme 
« Si l’on reprend l’idée que l’on est en guerre, c’est-à-dire qu’il y a des combattants potentiels contre l’Etat, dans une guerre, il y a aussi une cinquième colonne : ce ne sont pas des menaces directes, mais ils permettent et favorisent l’organisation et le passage à l’acte des menaces (…). C’est ce qu’a dit textuellement Caroline Fourest aux assises de la laïcité : “l’islamophobie est un mot qui a armé les assassins de Charlie Hebdo et de Samuel Paty”. »
« La cinquième colonne [islamogauchiste] est traitée avec le droit pénal de l’ennemi : des champs et des problématiques de recherches peuvent être dangereuses. »
« Que des hommes et des femmes politiques de gauche se soient simplement abstenus sur la loi contre les séparatismes ou soient allés manifester avec le syndicat Alliance me semble extrêmement inquiétant. Il serait temps de se réveiller ! »

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