Accueil | Entretien par Pierre Jacquemain | 29 novembre 2018

Alain Bertho : « Le gouvernement paye le prix de s’être débarrassé des corps intermédiaires »

Le mouvement des gilets jaunes est-il inédit ? Quel avenir pour le mouvement ? Quel jeu joue le gouvernement ? Quelle(s) réponse(s) des politiques ? L’anthropologue, spécialiste des mouvements sociaux dans le monde, Alain Bertho était l’invité de #LaMidinale.

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VERBATIM

 

 Sur la forme de la mobilisation des gilets jaunes 
« C’est un mouvement rare, pas complètement inédit et qui ressemble beaucoup au mouvement qui avait eu lieu en Italie en même temps que les bonnets rouges en France, les « forconi » [les fourches], qui était un mouvement anti-fiscal, contre les taxes. »
« Les ‘Forconi’ avait cette même caractéristique d’un mouvement insaisissable d’un point de vue social. »
« Il y a une différence d’âge entre les gens qui bloquent les carrefours et les huit personnes qui ont été désignées comme porte-parole, il y a quasiment une génération. »
« Les ‘Forconi’ a aussi été un mouvement qui a été accusé, à juste titre, de rejoindre autour de cette revendication anti-fiscale, des positions d’extrême gauche et d’extrême droite. Il a fini par entrainer une dynamique qui a fini par emmener Cinque Stelle [cinq étoiles]. »
« On ne peut pas sociologiser trop le mouvement des gilets jaunes. Visiblement c’est un mouvement de la France des petites villes, de gens qui ne sont pas très riches. »
« Ce qui me frappe dans ce mouvement c’est son caractère politique. Très frustre. »
« Il se revendique apolitique mais ce qui fait l’unité de cette diversité sociale et générationnelle - et de positions politiques - c’est 1- les taxes, 2- on s’en prend au roi, au chef, ‘Macron démission’. »

 Sur l’absence des quartiers populaires 
« La mobilisation existe dans les quartiers populaires. Elle ne fait pas la une de BFM-TV, les journalistes n’accompagnent pas ces mobilisations. »
« Il y a quand même une grande souffrance dans ces quartiers où la population n’est pas majoritairement pas considérée comme française et où la vie ne compte pas comme ailleurs. »
« L’écart qui s’est creusé dans les dispositifs de représentation, entre l’Etat et les peuples, fait que le peuple explose, le peuple éclate.
« Je ne crois pas trop à la convergence des luttes sauf sur des mots d’ordre populiste du type ‘Macron démission’. »

 Sur le mouvement social et le mouvement syndical 
« C’est pas un mouvement social au sens où on l’entendait avant c’est-à-dire où le mouvement social était sur des revendications corporatistes et partielles. »
« Cette mobilisation (les gilets jaunes) se fait d’emblée sur un positionnement politique. Il peut avoir à un moment donné une traduction électorale. Et si ça reste à ce niveau de revendications, ça m’inquiète. »

 Sur l’attitude du gouvernement 
« La séparation entre l’Etat et le peuple a des effets d’explosion sur le peuple et la subjectivité populaire, qui a des effets sur le gouvernement. »
« Ce gouvernement a fait le pari de se débarrasser des corps intermédiaires, de faire la peau aux formations syndicales, il en paye aujourd’hui le prix. Il est en direct sur les Champs-Elysées, en direct en rapport avec la colère, la souffrance, l’exaspération, le ressentiment. Je ne sais pas comment il va s’en sortir. »
« Ça va s’aggraver vite parce que si cette crise apparait sur la mise en rapport du social et de l’écologie, il y a quelque chose qui va dépasser tout (…) le réchauffement climatique est là et aucune barrière douanière ne l’arrête. »

 Sur la tentation populiste 
« On est au bout d’un dispositif politique qui a commencé à la fin du 18ème siècle, qui est la démocratie représentative. »
« Vouloir reprendre le pouvoir dans l’Etat national, ça ne peut prendre que la forme du populisme, et c’est forcément une impasse. »
« Le meilleur exemple récent que l’on pourrait opposer à la situation de mobilisation actuelle, c’est la mobilisation sur les migrants avec le Manifeste pour l’accueil des migrants. »
« La question électorale nous plombe. »

 Sur l’initiative de François Ruffin et Frédéric Lordon 
« La question de l’occupation des places n’est pas propre à la France. »
« C’est une façon de produire un nouveau récit collectif qui ne passe pas par les formes partisanes représentatives, électives. »
« Les gilets jaunes peuvent être un moteur mais il y a une illusion de penser qu’on peut passer de cette mobilisation à une mobilisation électorale et partisane. »

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