Accueil | Entretien par Pierre Jacquemain | 30 avril 2021

Arnaud Bontemps : « Il y a un décalage entre les besoins des gens et les décisions qui sont prises »

L’externalisation des missions de service public coûterait chaque année à l’Etat près de 160 milliards d’euros sans que l’on en connaisse réellement les effets. Le collectif ‘Nos Services Publics’, créé par une centaine de haut-fonctionnaires et d’agents publics, veulent décrypter de plus près ce qui se joue et se décide dans nos administrations. Arnaud Bontemps, porte-parole du collectif, est l’invité de #LaMidinale.

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UNE MIDINALE À VOIR...

 

ET À LIRE...

Sur le pouvoir de l’administration
« En théorie, c’est le pouvoir politique qui prend des décisions. »
« On est dans une dyarchie un peu particulière où c’est le politique qui fixe le cap et l’administration qui tient la barre. »
« L’administration prépare des décisions mais on ne prend pas la décision parce qu’on n’a pas la légitimité démocratique. »
« Le collectif ‘Nos Services Public’ entend décrypter et apporter un éclairage de l’intérieur. »
« Il y a un décalage entre les besoins des gens et les décisions qui sont prises. »

Sur les externalisations des services publics (160 milliards d’€)
« On a toujours externalisé. Depuis qu’il y a du public, le public travaille avec le privé. Il y a eu un mouvement d’accélération dans les années 90. On a confié des blocs entiers de missions au privé. »
« Récemment, au arrive au bout du troisième temps, où ça n’est plus des missions entières qu’on externalise. On n’externalise pas un hôpital mais certaines fonctions de prises de décisions ou certaines fonctions de nettoyage ou de restauration. »
« Petit à petit, on a dessiné un paysage où l’on mite l’action publique. »

Sur les secteurs concernés
« Ces externalisations sont tout à fait généralisées et concernent tous les services. »
« Il n’y a pas de données précises sur où ont lieu ces externalisations et leurs impacts. »
« Cette note du collectif permet d’ouvrir la discussion dans le débat public. »
« Les contraintes nous obligent le plus souvent à externaliser sans en mesurer les conséquences ni les secteurs impactés. »
« C’est un phénomène d’ampleur sur lequel il faut se pencher un petit peu plus. »

Sur privatisation et externalisation
« Conceptuellement, parler de privatisation n’est pas la même chose. Une privatisation, c’est une question de propriété. On se sépare de la propriété d’un objet que l’on vend. c’est l’exemple d’Aéroport de Paris. »
« Avec l’externalisation, ça reste la propriété publique mais on confie l’exécution de la mission à un opérateur privé. »
« La conséquence de l’externalisation c’est qu’on perd la maîtrise du métier. »
« L’externaliser conduit parfois à recourir à des prestataires qui eux-mêmes ont recours à d’autres prestataires ce qui nous amène assez loin dans la perte de la capacité d’agir. »

Sur la question démocratique
« La prise de décision reste publique mais la question du contrôle est majeure notamment sur les données de santé. »
« Il y a plus un enjeu autour du contrôle et de la souveraineté qu’un enjeu de décision à proprement parler. »

Sur les coûts
« On ne fait pas de choix rationnels quand on prend la décision d’externaliser. »
« L’administration se retrouve parfois, en externalisant, à avoir de l’argent pour pouvoir faire un chèque au privé mais pas d’argent pour recruter des agents publics. »
« Aujourd’hui, on confie des missions au privé alors même qu’on est convaincu de l’intérêt à les garder en interne. »

Sur l’exemple de la stratégie vaccinale et le cabinet McKinsey
« On intervient sur une administration de la santé. »
« La direction générale de la santé est ridiculement petite. »
« On en arrive à la question de la contrainte et on est allé si loin [en matière de détricottage de l’administration] qu’on a plus le choix [de recourir au privé]. Il faut qu’on retrouve les moyens d’avoir de nouveau le choix. »

Sur les emplois
« Je ne sais pas qui est la poule et l’œuf de la suppression des effectifs. On a plus l’impression d’un cercle : baisse des effectifs puis baisse des compétences et donc un appel au privé. »
« Il y a des cas où l’externalisation coûte plus cher (…). Parfois l’externalisation permet de faire des économies mais ça pose la question des conséquences de cette externalisation [sur la précarité et les conditions de travail des emplois externalisés par exemple]. »
« L’Etat externalisateur ne se soucie absolument pas de ce qu’il crée auprès des agents qui ne sont même plus les siens. »

Sur l’ENA
« La suppression de l’ENA est un faux débat : d’abord parce qu’on ne va pas changer l’ENA, on va juste changer le nom. »
« La question c’est comment on casse les éléments de la formation des haut-fonctionnaires au point de devenir un moule - y compris dans la manière de penser, de se comporter et de reproduire l’existant par mimétisme. »
« Ça n’est pas pareil de gérer un secteur public que de gérer une entreprise privée. »
« Dans une entreprise, c’est le patron et les actionnaires qui décident. En théorie, dans une administration, les commanditaires sont les citoyens. »

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