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Sur la guerre contre le terrorisme
« Le terrorisme est un mode opératoire. On ne va pas désigner comme ennemi ou comme cible une méthode donc il y a quelque chose de faussé [quand on parle de guerre contre le terrorisme]. »
« Le mot terrorisme n’a jamais pu être défini notamment par les Nations Unies. Ça reste flou. »
« On oublie toujours l’essentiel : c’est la société afghane, sahélienne, irakienne c’est-à -dire les afghans, les sahéliens, les irakiens. Notre diplomatie qui était obsédée par le rapport de puissance pendant des siècles ne connaît du jeu international que des Etats ou des organisations politiques mais ignore superbement la société. Ça, c’est fini. Nous sommes entrés dans un monde où le social court plus vite que le politique. Un monde où le social impose sa loi. La loi du social, ce sont des souffrances sociales gigantesques. Elles sont belligènes et mortifiées et c’est elles qu’il faut regarder et traiter. Et la souffrance sociale ne se traite pas à coup de canons. »
Sur la diplomatie
« La diplomatie c’est l’art de gérer la coexistence et on ne coexiste pas qu’avec des personnes que l’on aime. Ces personnes sont différentes et même parfois hostiles. L’important c’est de pouvoir vivre ensemble et de minimiser les différends, les tensions, les guerres. Et ça, c’est le rôle de la diplomatie. »
« Derrière les Etats se trouvent des sociétés, des êtres humains, comme objet final des relations internationales. Ça parait évident mais c’est révolutionnaire. La question, c’est comment toucher les êtres humains quand ils sont menacés dans leur sécurité. »
« Le fond du problème des relations internationales dans un contexte de mondialisation, dans un contexte du troisième millénaire, c’est savoir toucher l’humain. »
« Quand il s’agit de réparer les souffrances humaines, ça passe par l’intervention de tous. Ça passe par le multilatéralisme (…). C’est la solidarité qui doit primer. »
Sur le multilatéralisme
« Aujourd’hui, il n’y a pas un multilatéralisme. Il y en a deux. Il y a le multilatéralisme des Etats et là, il n’y a pas grand chose de changé : c’est le Conseil de sécurité, c’est le rapport de force. Et puis, il y a le multilatéralisme social, c’est-à-dire la pensée de Kofi Annan lorsqu’il a fait sa fameuse déclaration du millénaire, puis lancé les objectifs du millénaire pour le développement c’est : il fait toucher la société pour amoindrir les risques de violence. La précarité, la fragilité, la souffrance, sont mortifères et belligènes. »
« Il faut faire des Nations Unies un grand appareil de sauvetage social de l’Humanité et il y a des institutions pour ça : le PNUD, le PAM, l’UNICEF, le Haut commissariat aux réfugiés, l’OMS. »
« Les souffrances sociales sont le point de départ des relations internationales contemporaines. Tout vient de là. Ces souffrances sociales peuvent être manipulées par des entrepreneurs de violence. »
« L’intervention militaire occulte la souffrance sociale et en l’occultant transforme les sociétés en champ de bataille ce qui accroit les souffrances et crée un réflexe nationaliste dénonçant une occupation étrangère. »
Sur l’idée de puissance et de rapports de force
« Penser en termes de puissance ou de rapports de force ne veut plus rien dire. Ce sont des illusions. Les puissants ne gagnent plus une guerre. Cette désillusion a commencé avec la décolonisation. C’est le plus faible qui finalement l’emporte. »
« Les Etats-Unis avec un budget militaire annuel de 700 milliards de dollars sont un peu plus puissants que les Talibans et pourtant c’est les Talibans qui ont gagné. Ça ne veut pas dire que les Etats-Unis sont en déclin mais la puissance est en déclin. »
« La puissance face aux souffrances sociales ne peut rien, sauf les accroître. »
« La puissance est terminée. La géopolitique est terminée. On est dans la géosocial. »
« Il faut complètement revoir la puissance et si l’on marie la puissance avec les nouvelles conditions sociales et économiques de la mondialisation, on découvre la capacité des Etats qui consiste à retirer de la mondialisation le plus d’avantages possibles pour soi et pour les autres. C’est ça l’équation nouvelle qui fait que celui des pays qui gagnent dans le monde n’est pas celui qui porte le mégaphone ou les armes, c’est celui qui sait gérer la mondialisation dans l’intérêt optimal de tous. »
Sur les puissances émergentes
« Le 11 septembre n’a pas été une rupture même s’il l’a été sur le plan symbolique. »
« Le camp occidental a dominé, organisé, géré, structuré le monde durant cinq ou six siècles. »
« À une vitesse foudroyante, ce vieux monde se sent dépossédé de ce monopole de cette gestion. »
« L’échec du camp occidental est double : il ne sait pas se comporter à l’égard de ceux qu’il a tendance à considérer - de façon un peu métaphorique - comme des parvenus, les nouveaux riches du monde. Et qui semblent faire mieux que nous. Au lieu de s’adapter à cette nouvelle donne, il a une réaction de crispation. »
« La régulation du monde passe par la reconnaissance des pays émergents. Ce n’est pas tant l’émergence qui est important, c’est la capacité régionale (…). On s’aperçoit que l’acteur médiateur, c’est l’acteur du terrain, la puissance régionale. Pour l’Afghanistan, tous les regards se tournent vers le Pakistan, l’Iran, accessoirement la Turquie et le Qatar. »
« Le Qatar voit sa capacité se multiplier qui fait que le président des Etats-Unis va passer par l’émir du Qatar pour pouvoir obtenir ce qu’il ne peut pas obtenir par ses armes. C’est un monde profondément modifié. »
« Il faut reconnaître aux puissances régionales ce rôle de médiateur. »
« La nouvelle modestie du monde occidental est de considérer que l’Iran, le Pakistan, la Turquie, le Qatar sont des médiateurs. »
Sur le passage de la sécurité nationale à la sécurité globale
« Les Etats, et ceux qui les dirigent, se crispent sur cette sécurité nationale qu’il faut à tout prix maintenir parce que si la sécurité nationale passait derrière la sécurité globale, ça veut dire que l’Etat devrait devenir modeste et n’aurait plus le monopole des commandes en matière sécuritaire. »
« Il ne s’agit pas de dire que le terrorisme n’existe pas ni qu’il ne faut pas se prémunir contre le terrorisme. Il faut prendre toutes les mesures pour éviter les drames comme celui du Bataclan. Le terrorisme c’est entre 10.000 et 40.000 victimes par an et c’est de trop. La faim dans le monde, c’est près de 10 millions. L’effet indirect du changement climatique, c’est 8 millions et plus certainement. Les Etats essaient de jouer de l’illusion de la priorité terroriste. On parle partout de la guerre contre le terrorisme (…). Est-ce qu’on entend parler de mobilisation de même nature contre la faim dans le monde ? »
« Le grand enjeu dont nous sommes tous dépositaires, c’est de passer d’une sécurité nationale à une sécurité globale que les Etats repoussent. »