UNE MIDINALE À VOIR...
ET À LIRE...
Sur les effets provoqués par le film
« La plupart des gens qui ont vu le film sont bouleversés. Beaucoup plus que pour le film Demain. Il y a sans doute quelque chose de plus profond et de plus intime dans le film Animal. On avait envie que les spectateurs puissent passer par toute une gamme d’affects : la douleur, la colère, la peine - notamment de ce que l’on fait au monde vivant. Et puis il y a aussi une partie du film qui est beaucoup plus solaire, qui donne à voir de l’espoir, de l’émerveillement et de l’enthousiasme. »
« Certains sortent du film en se disant qu’ils vont arrêter de manger de la viande et d’utiliser du plastique. »
« Si on a réussi à la fois à ce que des gens s’interrogent sur leur consommation de viande, voire d’arrêter, et en même temps que les vegan se disent qu’ils ont des préjugés sur les éleveurs, c’est qu’on a pu créer de la complexité et l’idée me plait. »
Sur notre hypocrisie face à la consommation de viande
« Si chacun d’entre nous était confronté, avec toute la charge émotionnelle que ça suppose, à tout un tas de situations qui créent notre mode de vie aujourd’hui, il y a de fortes chances qu’on n’ait plus envie de le faire : c’est vrai pour l’élevage intensif mais c’est vrai aussi pour bien d’autres choses. Si on voyait les enfants, ou les gens qui descendent dans les mines pour aller prendre les minerais qui font nos Smartphone ou si on voyait les conditions dans lesquelles nos vêtements sont fabriqués, il y a de fortes chances qu’on se sente très très mal. Ça nous pose une question : est-ce qu’on est d’accord avec ce monde là ? Est-ce qu’on est d’accord pour être dans un monde où on a besoin d’esclaves, de gens qui travaillent dans des conditions atroces dans les abattoirs ou qui sont dans des décharges ? »`
Sur les polémiques autour du foie-gras
« Le problème, c’est qu’on est en campagne présidentielle. Et les positions que chacun prend sont souvent teintées d’arrières pensées électorales. »
« Le foie gras est l’une des figures de la gastronomie française : il ne faut pas s’attendre à voir des débats sereins et honnêtes. Pour autant, ces sujets méritent d’être posés sur la table. »
« Je ne suis pas choqué qu’un élu dise que dans les lieux qui relèvent de sa commune qu’il ne veut pas qu’on mange de foie gras. »
« Le foie gras industriel est une abomination. »
Sur notre rapport à la croissance
« La croissance est l’archétype d’un récit qui a été porté par le monde économique et politique et qui semble être un dogme possible à ré-interroger. On entend en permanence qu’il faut de la croissance sinon tout s’effondrerait. »
« Certaines zones du monde deviennent inhabitables. Il y a des villages entiers qui sont partis en fumée. »
« L’espérance de vie baisse aux Etats-Unis depuis 2014. »
« On a eu une progression de l’espérance de vie dans tous les pays occidentaux depuis la fin de la guerre et pour la première fois, l’espérance de vie baisse pour plusieurs raisons et notamment la dégradation de nos systèmes de santé. »
« Comme le dit l’économiste Eloi Laurent, on doit se doter de nouveaux indicateurs [que celui du PIB] pour avoir une vision plus fine de l’état de santé de nos sociétés. »
Sur Bella et Vipulan
« Bella et Vipulan représentent une partie de leur génération qui est très engagée. Ils ont une compréhension assez fine de ce qui est en train de se produire à la fois sur le plan politique, social et écologique. »
« Je n’ai pas l’impression que Bella et Vipulan soient extrêmes. »
Sur le capitalisme
« Je ne sais pas si le problème, c’est le capitalisme. Le problème c’est la structure politico-économique dans laquelle on vit. Ce ne sont pas les humains, en tant qu’espèces, qui sont destructeurs. Ce sont les humains qui sont embarqués dans un système politico-économique qui les conduisent à avoir un certain nombre de comportement, pour partie contre leur gré. Les gens n’ont aucune envie de réchauffer le climat ou de faire disparaître les espèces vivantes. Les gens sont pris dans une mécanique. »
« On a besoin de s’attaquer au cœur du système politique et aux représentations, au récit : il faut battre en brèche le récit et proposer d’autres récits. »
Sur les huit milliards d’humains sur la planète
« On a deux sujets : celui de la démographie et celui de l’empreinte écologique. »
« Quelqu’un qui naît au Niger ou au Bengladesh a une empreinte écologique quatorze fois moins importante que quelqu’un qui naît aux Etats-Unis. Ça n’est donc pas uniquement une question de nombre même si ça le devient parce que tous les êtres humains qui naissent sur cette planète aspirent à vivre comme un américain. »
« Si on permettait à chaque femme sur cette planète, de pouvoir choisir si elle veut avoir un enfant ou non - ça passe par l’éducation mais aussi l’accès à la contraception ou le planning familial - il y aurait 900 millions de personnes en moins d’ici 2050. »
« La cause des femmes, de l’égalité entre les sexes, rejoint de plein fouet la question démographique et donc la question écologique. »
Sur les stratégies de mobilisations écologiques
« Il n’y a pas qu’une stratégie. Il y a une addition de stratégies. »
« Ce qui me semble saillant dans tous les moments de l’histoire où il y a eu des basculements - quand on pense à la fin de la monarchie, de l’esclavage, au droit de vote des femmes ou à la fin de la ségrégation aux Etats-Unis - à chaque fois, pour moi et ça n’engage que moi, il y a trois grands mouvement qui coïncident : d’abord il y a des récits nouveaux qui émergent. Il y a des gens qui sont capables de penser le monde autrement que comme il est. C’est par exemple le fameux discours de Martin Luther King quand il dit : "I have a dream ». Il dit "je rêve d’un monde où mon fils aurait les mêmes droits qu’une personne blanche". Donc il est capable de se projeter dans ce monde-là. De la même manière que pour les gens qui ont été capables de se projeter dans Les Lumières, les gens qui ont été capable de se projeter dans un monde où il n’y aurait plus un roi de droit divin - supposément de droit divin - qui transmettait son pouvoir de façon héréditaire (…). Ces nouveaux récits émergent à la fois parce qu’il y a des gens qui pensent le monde différemment - les intellectuels, les écrivains, les artistes - mais aussi parce que les gens se mettent à vivre différemment. Quand Rosa Parks va s’asseoir dans ce bus, elle réfute l’organisation du monde où les blancs et les noirs ne devraient pas pouvoir cohabiter dans un même espace. C’est ce qu’on voit aujourd’hui avec des gens qui se mettent à devenir vegan ou qui vont se mettre à faire de la permaculture plutôt que de l’agriculture industrielle. Des gens qui vont se mettre à créer des monnaies locales ou complémentaires plutôt que de se laisser imposer la création monétaire par les banques centrales ou les banques privées par la dette (…). Ce sont des récits qui émergent (…). L’autre grand mouvement, ce sont les rapports de forces. Les rapports de force sont parfois non violents et parfois un peu plus musclés. On le voit avec l’exemple des suffragettes (…). On le voit avec l’exemple de la fin de la ségrégation aux Etats-Unis. La Révolution française est aussi un exemple. Aujourd’hui, ce rapport de force prend plein de formes différentes : ça prend la forme de grandes mobilisations, de manifestations dans les rues, d’actions juridiques dans les tribunaux. Mais il y a aussi des gens qui appellent à faire du sabotage (…). Je n’appelle pas à être violent pour être violent mais dans l’histoire, la violence a toujours fait partie du rapport de force. Je préfère infiniment à ce qu’on trouve des modalités démocratiques pour qu’on se mette d’accord mais la question qui se pose c’est : est-ce possible ? Est-ce que les gens au pouvoir vont renoncer à leur pouvoir et leurs attributs ? Et le troisième grand mouvement, ce sont les circonstances historiques : ce qui finit le combat des suffragettes, c’est la Première Guerre mondiale (…). L’indépendance de l’Inde, ça n’est pas juste Gandhi et la marche du sel, c’est aussi la Deuxième Guerre mondiale avec le mouvement de décolonisation qui s’amorce dans le monde entier. (…). Aujourd’hui, les circonstances historiques, c’est le changement climatique. Les catastrophes écologiques et tout ce que ça va provoquer en termes de migrations, de géopolitique et d’accès aux ressources. Plus les circonstances vont être tenues, plus ça va stimuler les deux autres mouvements. »
Sur la scène où un assistant parlementaire fuit les questions de deux jeunes
« Ça raconte qu’il y a une forme de cynisme. Ces gens-là savent très bien ce qu’il se passe. Ils sont au courant. Le but ce n’est pas de leur expliquer, c’est d’engager des rapports de force. »
« Ils ont pleinement conscience que ce qu’ils font a un impact considérable sur les fonds marins, qu’ils sont dans une forme de collusion avec l’industrie – ils le savent puisqu’ils reprennent une partie de leur langage pour le traduire quasiment tel quel dans des amendements. »
« La nécessité aujourd’hui, c’est d’instaurer beaucoup plus de transparence dans ces relations entre les élus et les lobbies industriels, les lobbies d’intérêts privés. C’est d’avoir des mécanismes de démocratie à la fois directs et délibératifs qui soient capables de contrebalancer le poids considérable des lobbies industriels. »
« Quasiment 80% des décisions publiques aux États-Unis sont orientées par des intérêts privés. »
« On est dans une forme d’oligarchie où la qualité démocratique est plus importante que dans beaucoup de pays. »
Sur la campagne présidentielle à gauche
« Ça me désole. C’est très difficile de trouver le moyen de faire triompher l’intérêt général. Ceux qui portent la social-écologie n’ont pas réussi à trouver le récit qui est capable de répondre à la gravité de la situation et à l’angoisse que les gens peuvent avoir. »
« Pendant longtemps, on nous a caricaturés comme étant des chantres de l’écologie punitive, qui veulent priver les gens de libertés. »
« On continue à avoir une conversation dans le récit de la croissance, celui qui nous a promis de pouvoir accéder à de plus en plus de richesses, de confort matériel, de facilité pour pouvoir faire ce qu’on veut quand on veut. Si on se contente de rester dans ce récit et de dire "tous les trucs qui faisaient le sel de ce récit-là, on va les enlever", évidemment que les gens se disent que c’est pourri, c’est juste de la privation, c’est juste nous proposer de vivre moins bien. »
« Si on propose un autre récit, si on raconte que la priorité de nos sociétés doit changer et que la priorité, c’est que les gens vivent en bonne santé, que le lien social se développe, qu’on puisse avoir des métiers qui nous passionnent, qu’on ne soit pas simplement des agents productifs de l’économie. On a besoin de proposer une trajectoire de sens extrêmement puissante. »
« Une partie de ce récit passe par l’union. Cette union est plus importante que les différences, parce que la situation est infiniment grave et que c’est la seule solution pour que ces idées puissent se mettre en œuvre dans la société. Au contraire, ils racontent la même chose que d’habitude, c’est toujours la même petite tambouille politique où chacun essaye de garder son pré-carré. C’est une bataille d’égos où l’on appelle au ralliement mais toujours derrière nous, derrière notre petite boutique. Ça ne fait pas tellement rêver. »