Accueil | Par Pierre Jacquemain | 12 février 2018

Christiane Taubira : "L’avenir du monde a besoin de gauche."

Discrète depuis sa démission du gouvernement Valls en janvier 2016, l’ancienne garde des sceaux Christiane Taubira n’en garde pas moins l’esprit acéré et la langue (re)belle lorsqu’il s’agit de parler de la gauche, des projets de l’actuel exécutif, sur le mouvement social ou sur l’Europe. Elle était l’invitée exceptionnelle de la Midinale.

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 Sur son retrait de la vie politique 
« Je suis en retrait du bruit et du brouhaha politique. »
« Je suis en retrait de tout ce qui est superficiel et artificiel mais je suis profondément dans le fond. »

 Sur la gauche 
« La gauche c’est une histoire et des idéaux, ça n’est pas mon affaire personnelle. »
« Je crois que la gauche a un grand avenir en France, en Europe et dans le monde. »
« Pour moi la gauche, c’est essentiellement une ambition et un idéal d’égalité. »
« Je suis persuadée que les êtres humains sont égaux, que les personnes humaines sont égales, que les citoyens des différents pays sont fondamentalement des citoyens de la terre et que la bataille pour l’égalité est une bataille complètement inachevée. »
« L’avenir du monde a besoin de gauche. »

 Sur les partis politiques 
« Si on convient que la démocratie est le système le plus correct dans lequel on puisse vivre, les partis sont des structures de base des démocraties. »
« Je crois profondément à la nécessité des partis politiques mais évidemment il faut qu’ils existent en tant que parti politique (…) et non pas des espèces de clubs de gens qui s’auto choisissent, se congratulent et finissent par agoniser et par périr ensemble. »

 Sur la pensée et les idées à gauche 
« Je déteste le pragmatisme parce que ça fait partie des grands renoncements de la gauche et des grandes défaites culturelles et politiques de la gauche. »
« La gauche a été réduite au pragmatisme, aux courbes, aux statistiques, aux chiffres, aux schémas, tout ce qu’il y a de plus glacial dans la vie. »
« Je ne pense pas que la gauche au pouvoir soit condamnée à décevoir. »
« Il faut réapprendre à chanter la geste de la gauche parce que la gauche a un bilan et un patrimoine d’actions publiques. »
« Dans une période où le monde est extrêmement riche mais où la concentration des richesses est extrêmement forte, il y a lieu à l’échelle des gouvernements nationaux, de l’Europe et du monde de combattre ces injustices et ces inégalités. »

 Sur le mouvement social 
« Le mouvement social a été très fortement affaibli parce que lui aussi a cessé de penser. »
« Le mouvement social a lui aussi construit à l’intérieur une aristocratie qui s’est mise à fonctionner selon les codes protocolaires de la société. »
« Il y a d’une façon générale pour la politique et le mouvement social un déficit de pensée. »

 Sur la mobilisation des jeunes 
« Le monde n’étant pas donné, la jeunesse a le droit - et même le devoir, l’obligation -, de penser le monde dans lequel elle veut vivre. »
« J’invite la jeunesse à ne pas se préoccuper de son seul destin personnel. »

 Sur le projet de loi asile et immigration 
« [Fermeté et humanité] sont des mots marketing (…). La juxtaposition des mots ‘fermeté et humanité’ n’a pas de sens. »
« Nous sommes dans une période de circulation humaine, il est donc absurde de vouloir endiguer cette circulation humaine juste pour satisfaire une partie de l’opinion publique. »
« Il faut penser le monde et notre rapport à ces circulations humaines parce qu’elles vont s’intensifier. »
« Effrayer l’opinion publique européenne parce qu’un peu moins d’un million de personnes arrivent aux portes de l’Europe, de 500 millions d’habitants, il y a un moment où il faut peut-être opposer les choses. »

 Sur la visite du chancelier autrichien à Paris et l’extrême droite en Europe 
« Ça dit surtout nos renoncements collectifs, nos impuissances, nos lâchetés parce qu’on a l’air de croire que la politique c’est devenu une vaste aventure de mondanités. »
« Si on croit que tout est lisse, et que sur la base des règles de mondanité on peut être courtois avec tout le monde, on tue la politique. »
« On a trop le souci de plaire à ceux qui font beaucoup de bruit et qui ne sont pas forcément majoritaire. »

 Sur les libertés publiques
« La loi antiterroriste pose une inquiétude de fond. »
« À partir du moment où l’on considère que l’on peut introduire dans le droit commun, qui nous concerne tous, des dispositions d’exception, on est fondé à s’interroger : ‘sommes-nous encore dans un Etat de droit ?’. »
« On a introduit quelque chose de vénéneux dans la loi, dans l’état de droit et dans la démocratie (…) ce qui est inquiétant c’est qu’effectivement ça ne suscite pas de débat. »

 Sur les relations police/population 
« Pour assurer les libertés il faut une force publique. »
« Depuis de très nombreuses années, on n’a guère de ministre capable de penser la police en tant qu’institution républicaine. »
« La relation (police/population) est viciée par le fait que l’on ne perçoit pas clairement quelle est la mission républicaine de la police. »

 Sur la surpopulation carcérale 
« On peut me reprocher de ne pas être allée jusqu’au bout, aujourd’hui il y a du recul. »
« Je suis d’accord pour rendre des comptes, mais je rends des comptes sur ce que j’ai décidé (…). On peut me taper dessus, on peut vouloir m’écrabouiller mais si c’est moi qui l’ai décidé, oui je viens torse bombé, rendre des comptes. »

 Sur l’Europe 
« Il faut donner à l’Europe une perspective. »
« L’Europe est pensée politiquement mais elle est édifiée économiquement et la trajectoire va s’intensifier. »
« Il faut redonner à l’Europe le goût d’elle-même, lui redonner la conscience de ce qu’elle est devenue depuis la deuxième guerre mondiale et lui donner des perspectives réjouissantes. »
« Je leur demande (à mes amis de gauche) de penser le monde et pensant le monde, de dire quelle est la place de l’Europe dans ce monde. »
« Je n’ai vraiment aucune envie d’aucun mandat électif. »

 Sur la culture 
« Plus j’ai été engagée en politique plus j’ai eu besoin des artistes, plus j’ai eu besoin des poètes, plus j’ai eu besoin des écrivains, plus j’ai eu besoin des comédiens, de tous ceux qui nous élèvent et nous renvoient parfois à nous-mêmes et à affronter nos contradictions. »
« Pour moi la culture est vitale, c’est là qu’il y a de plus d’avenir. »
« Le bonheur est dans la culture. »

 Conclusion de l’entretien
« Par rapport à tout ce que vous m’avez demandé (…) je pense à ce poème de Victor Hugo où il s’interroge sur ce qui est le progrès et il répond : un lumineux désastre. « Un lumineux désastre, Tombant comme une bombe et restant comme l’astre. L’avenir vient avec un souffle de grand vent. Il pousse rudement les peuples en avant. » Donc on est dans cela (…). On a l’impression que les technologies et les sciences permettent tout et pourtant on est face à un lumineux désastre pour des millions de personnes. Donc peut-être que le poète nous dirait ça : « vous savez tout faire (…) mais sur le plan de l’humanité vous êtes en grande régression ».

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Vos réactions

  • Ancienne égérie de B Tapie, ancienne ministre de la justice de 2012 à 2016 , sous la présidence de F Hollande. C Taubira vient nous parler de la gauche. Pourquoi ne pas inviter JM Ayrault , pour qu’il vienne lui aussi nous parler tranquillement de la gauche.

    Si c’est une blague, elle est pas drôle !

    Gege Le 12 février 2018 à 13:24
  •  
  • Christiane Taubira a prononcé de nombreuses fois le mot gauche, pas une seule fois le mot socialisme. Ce vide est éloquent. Elle a balayé le panorama intellectuel et moral de la gauche telle qu’elle devrait être, selon ses convictions, sans qu’à aucun moment la nature et les attributions de l’État, le statut de l’entreprise et le rôle des marchés ne soient remis en cause.

    La gauche a changé de références idéologiques. Elle a abandonné le socialisme, jusqu’à ne plus prononcer le mot qui pourtant, à force de distorsions sémantiques, avait depuis longtemps perdu son vrai sens pour finir par ne plus désigner que le capitalisme social. Sur ce plan c’est la gauche qui s’est rapprochée de la droite, non l’inverse. Entre le capitalisme social et le capitalisme libéral, il n’y a qu’une différence de degré.

    La droite a pour repère la rationalité économique. La gauche ne la méconnait plus. Devenue social-démocrate dans son ensemble, abandonnant toute référence au marxisme, largement consensuelle avec la droite sur les grandes questions économiques, la gauche se recentre sur les sujets sociétaux. Les controverses avec la droite n’y sont pas moins vives que du temps où la révolution socialiste occupait les perspectives, figurant soit l’espoir soit la menace.

    Ainsi un important courant de pensée qui structurait depuis un siècle et demi le mouvement ouvrier s’est peu à peu effacé du champ politique au fil de l’évolution. On peut y voir un progrès ou une régression. Quelques partis de la gauche radicale le soutiennent encore, mais qu’ils parviennent au pouvoir n’est pas d’actualité.

    Glycère Benoît Le 12 février 2018 à 18:55
  •  
  • « Je suis en retrait du bruit et du brouhaha politique. »
    « Je suis en retrait de tout ce qui est superficiel et artificiel mais je suis profondément dans le fond. »
    Pourtant, pendant une demie heure où M. Jacquemain, en bon journaliste de droite, cire pompes, ne lui a pas posé une seule question qui fâche sur toutes les contradictions et les leurres qui sous-tendent son verbiage boursoufflé d’ego d’ancienne ministre, Mme Taubira nous a fait une caricature à de langue de bois, de foutage de gueule, de mépris du peuple à qui elle croit pouvoir faire avaler des anacondas comme des vermicelles.
    Le pouvoir corrompt une majorité de politicards et Taubira est sur le podium, intellectuellement du moins !!!

    René-Michel Le 12 février 2018 à 19:50
  •  
  • Madame Taubira est la caricature poussée a l’extrême de la vison socialiste concernant les femmes intellectuelles issues de la diversité.

    Elle a manqué de peu c’est dommage pour elle, l ’époque de Jack Lang , elle aurait pu déambuler dans une jolie robe ,création d’un couturier africain en vogue , dans le musée Beaubourg dont elle aurai été la très cultivée conservatrice.

    Entourée de tiers mondiste professionnels , qui en exil doré a Paris hantaient les expositions et les vernissages en donnant leur avis sur tout et surtout leur avis .

    Dans cet interview de la midinale sur tout les sujets, elle égrène des lieux communs et enchaine des banalités les une après les autres.

    Sur son retrait de la vie politique

    « Je suis en retrait de tout ce qui est superficiel et artificiel

    Ca c’est bien envoyé ma cricri ! la politique c’est caca boudin

    Sur la gauche

    « Je suis persuadée que les êtres humains sont égaux, que les personnes humaines sont égales,

    Ho la la , ca c’est profond aussi , et les gens sont des personnes comme les autres aussi hein ?

    Sur les partis politiques

    « Je crois profondément à la nécessité des partis politiques mais évidemment il faut qu’ils existent en tant que parti politique

    Oui sur ce point elle est experte, elle a fait partie de quatre ou cinq partis différents , dont le mouvement de Bernard Tapie .
    En fait elle veux surement dire que pour exister, il faut finir par faire parti d’un parti après s être abstenue des années durant contre les partis ( les mêmes) qui étaient coloniaux !!!

    Laissez tomber ! c’est compliqué une grande intellectuelle !

    Sur le mouvement social

    « Le mouvement social a été très fortement affaibli parce que lui aussi a cessé de penser. »

    Bien sur cricri ! évidement, les bourricauds de la CGT ne connaissent même pas Paul Claudel, Kundera et Mallarmé et comme le parti socialiste pendant 20 ans à ringardisé en ne lâchant , rien sauf des miettes aux syndicats réformistes ; la "pensée" que tu regrettes a fait place a de l’auto défense permanente .

    Sur la mobilisation des jeunes

    « J’invite la jeunesse à ne pas se préoccuper de son seul destin personnel. »

    elle aurait du ajouter pas comme moi qui suis une élue professionnelle depuis 1992 !

    Tout le reste est a l’avenant !

    En final on a l étalage de sa grande culture par des citaions et des digressions sur Victor Hugo et le Poète !!!

    Sors de ce corps Jack LANG

    buenaventura Le 12 février 2018 à 20:53
       
    • @Buenaventura - J’avoue ne pas avoir un seul instant à vous lire l’envie de vous contrarier... J’espère bien qu’une époque s’achève...

      carlos Le 13 février 2018 à 09:40
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