Christiane Taubira : "L’avenir du monde a besoin de gauche."
Discrète depuis sa démission du gouvernement Valls en janvier 2016, l’ancienne garde des sceaux Christiane Taubira n’en garde pas moins l’esprit acéré et la langue (re)belle lorsqu’il s’agit de parler de la gauche, des projets de l’actuel exécutif, sur le mouvement social ou sur l’Europe. Elle était l’invitée exceptionnelle de la Midinale.
Sur son retrait de la vie politique
« Je suis en retrait du bruit et du brouhaha politique. »
« Je suis en retrait de tout ce qui est superficiel et artificiel mais je suis profondément dans le fond. »
Sur la gauche
« La gauche c’est une histoire et des idéaux, ça n’est pas mon affaire personnelle. »
« Je crois que la gauche a un grand avenir en France, en Europe et dans le monde. »
« Pour moi la gauche, c’est essentiellement une ambition et un idéal d’égalité. »
« Je suis persuadée que les êtres humains sont égaux, que les personnes humaines sont égales, que les citoyens des différents pays sont fondamentalement des citoyens de la terre et que la bataille pour l’égalité est une bataille complètement inachevée. »
« L’avenir du monde a besoin de gauche. »
Sur les partis politiques
« Si on convient que la démocratie est le système le plus correct dans lequel on puisse vivre, les partis sont des structures de base des démocraties. »
« Je crois profondément à la nécessité des partis politiques mais évidemment il faut qu’ils existent en tant que parti politique (…) et non pas des espèces de clubs de gens qui s’auto choisissent, se congratulent et finissent par agoniser et par périr ensemble. »
Sur la pensée et les idées à gauche
« Je déteste le pragmatisme parce que ça fait partie des grands renoncements de la gauche et des grandes défaites culturelles et politiques de la gauche. »
« La gauche a été réduite au pragmatisme, aux courbes, aux statistiques, aux chiffres, aux schémas, tout ce qu’il y a de plus glacial dans la vie. »
« Je ne pense pas que la gauche au pouvoir soit condamnée à décevoir. »
« Il faut réapprendre à chanter la geste de la gauche parce que la gauche a un bilan et un patrimoine d’actions publiques. »
« Dans une période où le monde est extrêmement riche mais où la concentration des richesses est extrêmement forte, il y a lieu à l’échelle des gouvernements nationaux, de l’Europe et du monde de combattre ces injustices et ces inégalités. »
Sur le mouvement social
« Le mouvement social a été très fortement affaibli parce que lui aussi a cessé de penser. »
« Le mouvement social a lui aussi construit à l’intérieur une aristocratie qui s’est mise à fonctionner selon les codes protocolaires de la société. »
« Il y a d’une façon générale pour la politique et le mouvement social un déficit de pensée. »
Sur la mobilisation des jeunes
« Le monde n’étant pas donné, la jeunesse a le droit - et même le devoir, l’obligation -, de penser le monde dans lequel elle veut vivre. »
« J’invite la jeunesse à ne pas se préoccuper de son seul destin personnel. »
Sur le projet de loi asile et immigration
« [Fermeté et humanité] sont des mots marketing (…). La juxtaposition des mots ‘fermeté et humanité’ n’a pas de sens. »
« Nous sommes dans une période de circulation humaine, il est donc absurde de vouloir endiguer cette circulation humaine juste pour satisfaire une partie de l’opinion publique. »
« Il faut penser le monde et notre rapport à ces circulations humaines parce qu’elles vont s’intensifier. »
« Effrayer l’opinion publique européenne parce qu’un peu moins d’un million de personnes arrivent aux portes de l’Europe, de 500 millions d’habitants, il y a un moment où il faut peut-être opposer les choses. »
Sur la visite du chancelier autrichien à Paris et l’extrême droite en Europe
« Ça dit surtout nos renoncements collectifs, nos impuissances, nos lâchetés parce qu’on a l’air de croire que la politique c’est devenu une vaste aventure de mondanités. »
« Si on croit que tout est lisse, et que sur la base des règles de mondanité on peut être courtois avec tout le monde, on tue la politique. »
« On a trop le souci de plaire à ceux qui font beaucoup de bruit et qui ne sont pas forcément majoritaire. »
Sur les libertés publiques
« La loi antiterroriste pose une inquiétude de fond. »
« À partir du moment où l’on considère que l’on peut introduire dans le droit commun, qui nous concerne tous, des dispositions d’exception, on est fondé à s’interroger : ‘sommes-nous encore dans un Etat de droit ?’. »
« On a introduit quelque chose de vénéneux dans la loi, dans l’état de droit et dans la démocratie (…) ce qui est inquiétant c’est qu’effectivement ça ne suscite pas de débat. »
Sur les relations police/population
« Pour assurer les libertés il faut une force publique. »
« Depuis de très nombreuses années, on n’a guère de ministre capable de penser la police en tant qu’institution républicaine. »
« La relation (police/population) est viciée par le fait que l’on ne perçoit pas clairement quelle est la mission républicaine de la police. »
Sur la surpopulation carcérale
« On peut me reprocher de ne pas être allée jusqu’au bout, aujourd’hui il y a du recul. »
« Je suis d’accord pour rendre des comptes, mais je rends des comptes sur ce que j’ai décidé (…). On peut me taper dessus, on peut vouloir m’écrabouiller mais si c’est moi qui l’ai décidé, oui je viens torse bombé, rendre des comptes. »
Sur l’Europe
« Il faut donner à l’Europe une perspective. »
« L’Europe est pensée politiquement mais elle est édifiée économiquement et la trajectoire va s’intensifier. »
« Il faut redonner à l’Europe le goût d’elle-même, lui redonner la conscience de ce qu’elle est devenue depuis la deuxième guerre mondiale et lui donner des perspectives réjouissantes. »
« Je leur demande (à mes amis de gauche) de penser le monde et pensant le monde, de dire quelle est la place de l’Europe dans ce monde. »
« Je n’ai vraiment aucune envie d’aucun mandat électif. »
Sur la culture
« Plus j’ai été engagée en politique plus j’ai eu besoin des artistes, plus j’ai eu besoin des poètes, plus j’ai eu besoin des écrivains, plus j’ai eu besoin des comédiens, de tous ceux qui nous élèvent et nous renvoient parfois à nous-mêmes et à affronter nos contradictions. »
« Pour moi la culture est vitale, c’est là qu’il y a de plus d’avenir. »
« Le bonheur est dans la culture. »
Conclusion de l’entretien
« Par rapport à tout ce que vous m’avez demandé (…) je pense à ce poème de Victor Hugo où il s’interroge sur ce qui est le progrès et il répond : un lumineux désastre. « Un lumineux désastre, Tombant comme une bombe et restant comme l’astre. L’avenir vient avec un souffle de grand vent. Il pousse rudement les peuples en avant. » Donc on est dans cela (…). On a l’impression que les technologies et les sciences permettent tout et pourtant on est face à un lumineux désastre pour des millions de personnes. Donc peut-être que le poète nous dirait ça : « vous savez tout faire (…) mais sur le plan de l’humanité vous êtes en grande régression ».
Ancienne égérie de B Tapie, ancienne ministre de la justice de 2012 à 2016 , sous la présidence de F Hollande. C Taubira vient nous parler de la gauche. Pourquoi ne pas inviter JM Ayrault , pour qu’il vienne lui aussi nous parler tranquillement de la gauche.
Si c’est une blague, elle est pas drôle !
Répondre