Accueil | Entretien par Pablo Pillaud-Vivien, Pierre Jacquemain | 4 février 2021

Hugo Partouche : « Le procès de l’Affaire du Siècle a déjà des conséquences politiques »

Quatre ONG se sont engagées dans une procédure contre l’Etat pour inaction climatique. C’est ce qu’on a appelé l’Affaire du Siècle appuyée par une pétition qui a recueilli plus de deux millions de signatures. Le verdict est tombé hier. C’est historique, affirment les associations : le tribunal administratif a reconnu des carences fautives dans la lutte pour le climat, un préjudice moral et écologique et pointe directement la responsabilité de l’État dans le réchauffement climatique. Hugo Partouche, avocat pénaliste au cabinet Vigo en charge de l’affaire, est l’invité de la Midinale.

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UNE MIDINALE À VOIR...

 

ET À LIRE...

 Sur les conséquences de la décision de justice 
« Avant le procès, l’Affaire du siècle avait déjà commencé à faire changer les choses : la convention citoyenne pour le climat est une conséquence assez directe de ces actions de justice climatique. »
« Sur la décision d’hier, ce que ça change, c’est que les personnes publiques - qu’il s’agisse de l’Etat ou des collectivités - sont désormais responsables des dommages qu’elles cause à l’environnement. »
« Le risque que constitue le réchauffement climatique est désormais reconnu de manière légale et ça peut permettre aux uns et aux autres d’agir au quotidien. »
« Je pense que cette décision de justice aura des conséquences politiques. »

 Sur la condamnation de l’Etat à verser un euro symbolique aux associations  
« On nous aurait reproché de vouloir se faire de l’argent sur le dos d’une action citoyenne - d’autant que l’ampleur du préjudice écologique est estimée à plusieurs centaines de millions d’euros. »
« Les ressources d’une action comme l’Affaire du siècle ne sont pas illimitées et faire l’évaluation du préjudice écologique aujourd’hui, en France, est une dépense énorme en matière d’expertise. »

 Sur les accusations de procès politique  
« C’est quotidien que l’Etat est condamné et tenu responsable de ses actes : c’est 50% du boulot du tribunal administratif. »
« J’ai du mal à comprendre la distinction entre le politique et le pas politique. »
« Dire qu’il s’agit d’une injonction politique revient à minimiser l’ampleur du risque climatique. »
« Le jugement prend juste acte d’une évidence scientifique. »
« L’Etat a reconnu être en capacité d’agir contre le risque que fait peser le changement climatique. »

 Sur la possibilité de l’Etat de faire appel de la décision 
« Je ne sais pas si l’Etat a intérêt à faire appel. »
« Peut-être que l’Etat a intérêt que l’on cesse de parler de l’affaire du siècle et donc à ne pas faire appel de la décision de justice. »

 Sur les responsabilités engagées 
« Les décisions de justice n’engagent pas de responsabilités individuelles et n’engagent certainement pas la responsabilité du gouvernement actuel. »
« L’Etat est une personne morale et c’est important que ça soit l’Etat parce que c’est aussi l’Etat dans sa fonction de production de normes qui est mis en cause. »
« Les représentants de l’Etat [présents au tribunal] étaient ceux qui étaient capables de répondre à la question de ce que l’Etat fait ou ne fait pas en matière de changement climatique, c’est-à-dire le ministère de la transition écologique et solidaire et en l’occurrence à l’audience, la directrice des affaires juridiques et la directrice des politiques publiques du ministère. »

 Sur les responsabilités individuelles 
« Il y a d’autres priorités [que d’essayer d’engager des responsabilités individuelles] dans l’utilisation du droit pénal appliqué à la vie publique. »
« Les responsabilités individuelles, c’est important d’y réfléchir mais on comprend que des erreurs puissent être commises. La question principale, c’est : qu’est-ce qui, dans le fond du fonctionnement des instituions, empêche d’agir et d’aller suffisamment loin ? »
« Une décision comme celle d’hier est particulièrement importante car elle ajoute une contrainte institutionnelle supplémentaire et pousse tous les processus de création de lois dans une direction différente. »

 Sur les conséquences de la décision du tribunal administratif de Paris 
« Cela va faciliter les choses sur deux plans : les atteintes à l’environnement causées par des personnes publiques, notamment des collectivités et les entreprises publiques ; et des actions en matière de prise de décision politique. »
« On a créé un régime juridique dont chacun peut s’emparer. »

 Et si l’Etat ne se met toujours pas en conformité avec la décision ? 
« Le fait que l’on puisse penser que l’Etat, c’est-à-dire la personne morale qui est à la fois l’exécutif, le législatif et le judiciaire, refuse d’appliquer une décision de justice, c’est l’Etat qui refuse d’appliquer sa Constitution, qui disparait, qui se dissout… »
« Il faut bien penser à ce que signifie que l’Etat n’applique pas une décision de justice. C’est comme si le Conseil constitutionnel prenait une décision de censure d’une loi et que l’Assemblée nationale votait la loi avec toutes les dispositions identiques. Bref, cela pourrait entraîner une crise constitutionnelle très grave. »
« En pratique, l’Etat va sûrement essayer, même en faisant semblant, de respecter la décision. »
« Le juge ne peut pas dire au Parlement quelle loi prendre (…) mais il peut, comme il l’a fait en matières d’algues vertes ou d’amiante, donner les objectifs et les moyens dont il dispose. »

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