Accueil | Entretien par Pablo Pillaud-Vivien | 26 février 2021

Makan Fofana : « L’imaginaire, ce n’est pas réservé aux bourgeois : il en faut pour penser la banlieue du turfu »

La banlieue a besoin d’une contre-histoire en puissance, elle a besoin d’affabulation et de d’imaginaire. Bref, elle a besoin de turfu. Makan Fofana, designer, apprenti marabout, chercheur associé à l’université Queen Mary of London, vient de publier La banlieue du turfu : du chaos naît la création aux éditions Tana. Il est l’invité de #LaMidinale.

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UNE MIDINALE À VOIR...

 

ET À LIRE...

 Sur le turfu de la banlieue 
« Un futur prend toujours racine dans un environnement culturel et mental. »
« Le terme turfu que j’emploie était pour appuyer le fait que germe un futur désirable pour soi et pour les autres, dans les quartiers. »
« Il ne faut plus dissocier quartiers et rêve, accomplissement et banlieue. »

 Sur sa définition de la banlieue 
« L’erreur souvent faite aujourd’hui, c’est de trop associer son identité à la culture des quartiers en oubliant d’y ajouter de la diversité, de la magie et de l’explosion. »
« Il y a une définition classique des banlieues : les quartiers politique de la ville (QPV), liés à un espace géographique. Mais pour moi, c’est beaucoup plus que cela : c’est une culture, un imaginaire, un partage du sensible, une manière de se décrire. »

 Sur les représentations de la banlieue 
« La banlieue du turfu essaie de résoudre la dichotomie entre la banlieue qui serait un espace trop bien et un espace pourri. »
« Il y a un paradoxe : les jeunes qui valorisent leur identité de quartier, dès qu’ils ont le choix, ils partent. »
« Dans les turfus possibles, on peut changer de vie et aller vers une banlieue symbiotique, changer de lieu et aller vers une banlieue orbitale… C’est à chacun de décider. »
« Il faut sans arrêt faire des propositions de nouveaux récits. »

 Sur les objectifs de la banlieue du turfu 
« Nous devons faire des rêves communs. »
« La plupart des habitants ont un rêve personnel que l’on peut résumer à l’ascenseur social avec un but précis : faire Sciences po ou devenir rappeur. »
« La banlieue du turfu, c’est un projet commun. Et je ne peut pas imposer à tout le monde une image de la banlieue du turfu. »
« La réussite de 100.000 banlieusards, ce n’est pas cela qui fera un projet commun. »
« Pour faire un projet commun, il faut se poser à la chicha parce que réfléchir, ça prend du temps. »

 Sur l’islam 
« J’ai décidé un jour de me consacrer à la religion lorsque j’ai raté une détection de football au FC Rennes. »
« La pratique de l’islam dans les quartiers n’est pas une manière de se projeter originalement dans le monde. »
« Chez beaucoup de jeunes de quartier, l’islam sert à se rassurer. »
« L’islam permet de se dire : je ne fais peut-être pas partie des puissants de ce monde mais je ferai partie de ceux de l’autre monde. On s’assoit sur cette fiction, ce récit, et ça évite de gaspiller trop son temps à developper une spiritualité de la création. »
« La vision de l’islam des quartiers est nihiliste. »

 Sur les barres HLM 
« L’architecture ne répond pas à des questionnements philosophiques, existentiels et métaphysiques fondamentaux. »
« Cela fait partie de l’histoire que de faire évoluer l’architecture : une architecture qui a été créée à un moment donné ne correspond peut-être plus aux besoins d’une autre époque. »
« Dans mon quartier, on engage des changements par rapport à l’ANRU : détruire, reconstruire… Ceux qui disent qu’il ne faut pas détruire mon quartier, la plupart n’habitent pas dans le quartier ! Mais ils y ont leurs parents : on ne développe pas le territoire parce que il y a des parents alors même que les enfants sont partis dans la ville bourgeoise d’à côté. »
« Ceux qui parlent d’émotion liée aux barres HLM ne sont pas dans les quartiers avec nous. »

 Sur l’imaginaire et la réalité 
« L’un des clichés auquel j’ai été confronté dans mon processus de création de la banlieue du turfu, c’est que l’imaginaire, c’était pour les bourgeois. »
« Dans la banlieue, il y a un cercle vicieux fait de prophéties autoréalisatrices dans le mauvais sens. Mais il peut y en avoir dans le bon sens : à partir du moment où on partage une possibilité d’un truc nouveau, cette croyance, imaginaire à la base, devient une réalité. »
« Le piège de ces descriptions réelles, c’est qu’elles nous enferment dans un réel tout en oubliant les possibilités que le réel évolue. »
« Lorsqu’un homme se recroqueville sur la réalité, ca devient problématique. L’homme est une espèce fabulatrice. »
« Lorsque l’on regarde les puissants comme les GAFA, on voit bien qu’ils ont conscience de la puissance de l’imaginaire. »
« L’imaginaire est important pour l’humain, pour la santé mais aussi pour l’innovation et la création. »

 Sur la capacité de puissance 
« Tout le monde n’aura pas la force de porter un projet comme la banlieue du turfu. »
« Nietzsche m’a apporté la volonté de puissance, orientée par le récit, par la philosophie et pas par le ressentiment. »
« L’une des difficultés pour passer d’une vision réaliste de la banlieue à des possibilités ou l’affabulation, c’est la capacité à vivre une transition émotionnelle. Quelqu’un qui n’arrive pas à reprogrammer et retravailler son émotion à travers l’art ou la philosophie ne va pas réussir à modifier son état de conscience et à imaginer d’autres possibles. »

 Sur la démocratie dans les chichas 
« Les chichas sont en soi des lieux hybrides, entre plusieurs cultures. »
« Dans la majorité des chiches que je connais, y’a des jeunes de quartiers mais aussi des bac+5, des footballers, des cadres à Dubaï… »
« Il y a une représentativité démocratique dans les chiches. »
« Mon projet démocratique dans les chiches, il peut aussi se développer dans des bars et des bistrots. »

 Sur le rapport de la banlieue du turfu à la politique 
« Un des piliers de la banlieue du turfu, c’est l’autonomie politique. »
« Mon propos, c’était d’aller droit au but avec ma muse. »
« L’objectif de la banlieue du turfu, c’est qu’elle produise elle-même ses institutions sans passer par les cases politiques classiques. »
« Je pense qu’il peut y avoir des cohabitations entre la banlieue du turfu et les politiques classiques. »
« Il ne faut pas que la banlieue du turfu soit poussée uniquement par des politiques publiques. »
« Je veux montrer qu’il est possible de penser le monde depuis la banlieue et d’y apporter sa contribution. »

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