Accueil | Entretien par Pierre Jacquemain | 12 juin 2020

Mathieu Magnaudeix : « Trump veut faire de la présidentielle un référendum contre l’Amérique qui manifeste »

Crise sanitaire, économique et sociale : vers un tournant politique aux Etats-Unis ? Mathieu Magnaudeix, correspondant de Mediapart aux Etats-Unis, auteur de « Génération Ocasio-Cortez : les nouveaux activistes américains » (Editions La Découverte) est l’invité de #LaMidinale.

Vos réactions
  • envoyer l'article par mail envoyer par mail
  • Version imprimable de cet article Version imprimable

UNE MIDINALE À VOIR...

 

ET À LIRE...

 Sur les élections aux Etats-Unis  
« Cette campagne américaine se déroule dans des conditions vraiment exceptionnelles : on a eu la pandémie qui a mis le pays à l’arrêt et déclenché une crise économique historique depuis la Grande dépression. »
« Après crise pandémique, vient s’ajouter ce mouvement antiraciste qui, pour beaucoup de gens, est d’ampleur quasi égale voire supérieure au moment du mouvement des civil rights dans les années 50 et 60. »
« Ce qui est notable, c’est que ces mobilisations s’ancrent dans le temps et concernent l’Amérique tout entière : des banlieues jusqu’aux bastions de la droite américaine. »
« Aujourd’hui, on voit des coalitions plus larges qu’à l’époque des Black Lives Matter qui se forment, avec des gens qui sont blancs mais aussi une coalition générationnelle de gens qui finalement protestent tous ensemble contre les violences policières et le racisme systémique. Ils se mobilisent aussi contre le poids énorme des budgets des polices municipales qui désavantagent les investissements publics. Dans certaines villes, les budgets de la police dépassent les 40% voire les 50%. »

 Sur l’électorat de Trump 
« Trump conforte sa base électorale principale. »
« Son langage de la loi et l’ordre est complètement réactivé avec l’appel à l’armée, la volonté d’empêcher le chaos. »
« Trump est largement dépassé, comme en témoigne cette image symbolique de la Maison Blanche encerclée par un mur. Trump a cherché à construire un mur pendant tout son mandat à la frontière mexicaine et il l’a autour de la Maison Blanche, avec un mur couvert de pancartes. Les manifestants ont pris la ville de Washington. »

 Sur le chômage aux Etats-Unis 
« Il y a des incertitudes sur les chiffres de l’emploi aux Etats-Unis. Beaucoup de personnes n’ont pas demandé leurs indemnités - les services de chômage ont été débordés. »
« Le service public de l’emploi aux Etats-Unis est victime d’une austérité massive. Il y a une désorganisation totale des services de l’emploi aux Etats-Unis. »

 Sur le duel Biden/Trump 
« Donald Trump veut continuer à cliver et jouer sur les divisions raciales et sociales de la société américaine pour s’imposer comme le candidat de la loi et l’ordre. »
« Pour Trump, les bons citoyens américains sont blancs et républicains. Il veut faire de cette élection un référendum contre cette Amérique qui manifeste. »
« Pour Joe Biden, l’enjeu est d’arriver à incarner et d’être le véhicule des oppositions multiples à Trump - jusqu’aux Républicains centristes, qui sont rares, mais qui sont écœurés par Trump. »

 Sur la mobilisation et le vote des minorités 
« Dans la campagne d’avant le Covid-19, il y avait un aspect générationnel extrêmement fort avec de nombreux jeunes qui avaient voté Sanders et des vieux qui avaient majoritairement voté Biden. Ça se retrouvait aussi dans le vote des minorités : beaucoup d’électeurs noirs âgés avaient massivement voté pour Joe Biden. »
« Les minorités ne sont pas des éléments de bloc, ils sont extrêmement divers. »
« Joe Biden a participé à créé cette loi qui aujourd’hui est énormément d’actualité dans les mobilisations qui est la fameuse loi dite « Crime Bill » qui a massivement incarcéré et criminalisé les noirs. Joe Biden doit faire amende honorable par rapport à cette histoire. »

 Sur ce qu’incarne Alexandria Ocasio-Cortez aux Etats-Unis 
« Elle est la traduction en politique d’une nouvelle génération qui a connu toutes les crises économiques, financières, industrielles, climatiques. »
« Elle est le nouveau visage, après Bernie Sanders de la nouvelle gauche américaine. »
« Elle est élue d’une circonscription, du Bronx et du Queens, qui est déjà acquise aux Démocrates. Son électorat est un mélange de populations très populaires et de classes moyennes blanches qui sont arrivées dans le Queens après avoir été poussées de Manhattan ou Brooklyn parce que les loyers sont trop importants. »

 Sur le succès d’Alexandria Ocasio-Cortez  
« Elle a un art de parler des problèmes concrets que ressentent les gens. Elle arrive à formuler simplement ce que les gens vivent dans leur expérience quotidienne. »
« Elle-même a des dettes : elle continue à payer ses dettes étudiantes. »
« Elle a un art oratoire, un art de convictions. »
« Sa vraie force est d’être connectée avec les messages des mouvements les plus actifs aujourd’hui aux Etats-Unis. Elle est dans une démarche inclusive. »
« La société civile est très organisée aux Etats-Unis mais ça ne veut pas dire qu’elle est forcément plus écoutée. L’idée d’AOC est de dire qu’il faut construire du pouvoir ‘ensemble’. Ça se base sur une tradition qui est celle de l’organizing qui est cette idée toute simple née dans les 30’s à Chicago qui est de dire : si on met les gens ensemble, dans un quartier ou une ville, concernés par un même problème, qu’on les fait se rencontrer pour échanger alors ensemble ils peuvent créer des liens amicaux et de proximité et ainsi développer des campagnes, des tactiques et des stratégies d’organisations pour remplir des buts précis. Cette notion du ‘but précis’ est très importante parce qu’elle permet de cibler des acteurs précis. »

 Sur l’héritage politique d’AOC 
« Elle refait beaucoup d’éducation populaire sur les mouvements sociaux, les combats et les luttes antérieures. »
« Elle dit qu’elle est populiste mais sur la base d’une définition basique : défendre les intérêt du peuple. »
« Chantal Mouffe qui est la théoricienne du populisme de gauche a dit que la démarche d’AOC était assez proche de la sienne : peut-être que dans quelques années, on va découvrir que l’endroit où va émerger un populisme de gauche, ça sera l’endroit le plus improbable : les Etats-Unis. »

 Sur le rôle d’AOC dans la campagne de Biden 
« Bernie Sanders a soutenu Joe Biden. »
« Il y a eu des équipes de travail entre les équipes de Biden et Sanders et actuellement la réflexion sur le climat au sein de l’équipe de Joe Biden est présidée par Alexandria Ocasio-Cortez pour l’aile gauche du parti démocrate - l’avocate de Green New Deal - et John Kerry, l’ancien secrétaire d’Etat sous Barack Obama qui est un démocrate bon teint, très centriste. »

 Sur l’hypothèse d’une victoire de Biden à la présidentielle 
« Pour ceux qui font de l’activisme au quotidien, la situation peut présenter un intérêt. »
« Les deux campagnes de Sanders ont semé beaucoup de graines et éduqué une grande partie du pays à de nouvelles idées. Ils pourront exercer un rapport de force dans une administration Biden - s’il devait être élu. »
« Certains à gauche du parti démocrate et peut-être même AOC elle-même, seront peut-être appelés pour faire partie de cette administration Biden. »
« AOC théorise très bien cette espèce de pression interne et externe : on est à l’extérieur et on fait pression à l’extérieur du système politique mais il ne faut pas rechigner sur les campagnes électorales et il faut au contraire essayer de faire changer la barre politique au sein du parti démocrate. »

Vos réactions
  • envoyer l'article par mail envoyer par mail
  • Version imprimable de cet article Version imprimable

Vos réactions

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.