UNE MIDINALE À VOIR...
[Nous vous prions de bien vouloir accepter toutes nos excuses pour la mauvaise qualité du son à certains moments. Retrouvez ci-dessous le verbatim de cette interview.]
ET À LIRE...
Sur la réaction du gouvernement après l’attentat de Conflans
« Il y a du cynisme de la part du gouvernement et du pouvoir politique. »
« Leur réaction n’est pas à la hauteur de l’événement. »
« On est atterré devant l’incapacité de Gérald Darmanin à prendre la mesure de l’événement. »
« Il y a un mépris assez affiché de l’Etat de droit. Evidemment, aucun texte n’autorise le ministre de l’Intérieur à utiliser la loi pour ‘passer un message’. On est dans le domaine de l’abus de droit manifeste. »
« [Derrière ces décisions du gouvernement et qui pourraient être remises en cause par le droit] c’est la crédibilité de l’Etat qui risque être atteinte. »
« La fermeture de la mosquée de Pantin est une des scories nombreuses de l’Etat d’urgence. »
« S’agissant de la dissolution des associations c’est une très vieille disposition : pendant la Seconde guerre mondiale, il permettait de dissoudre des ligues factieuses. »
« A ce jour, le conseil d’Etat a toujours exercé un regard extrêmement vigilant sur les dissolutions des associations. On touche là directement à nos libertés essentielles. »
Sur la loi séparatismes
« Ce que je crains c’est que la loi sur les séparatismes ne soit pas une loi qui permette de mieux lutter contre des manifestations de terrorisme ou des manifestations de discrimination mais que ça soit une loi de direction des consciences. Une loi qui prétend dicter la doxa : il faut que vous viviez comme, ça. Il faut que vous pensiez comme ça. Sinon, vous tomberez sous le coup de la loi. Pour le moment, ça n’est qu’une hypothèse. »
« Le gouvernement sera en permanence sur cette ligne de crête entre prendre des mesures légitimes pour assurer la sécurité et porter atteinte à la conscience des individus. »
« Nous sommes dans un affrontement politique de fond, presque philosophique, qu’on ne résoudra pas seulement par les questions de droit. »
Sur la laïcité
« La laïcité, ce n’est pas la laïcité de la société, c’est la laïcité des institutions de la République et nous n’avons pas à contraindre la pensée de chacun. »
« Dès lors que la sécurité publique n’est pas en cause, il n’appartient pas au gouvernement de nous dicter comment l’on vit. Sinon on va nous recréer une autre forme d’homo sovieticus. Vous savez, l’homme nouveau du temps de Staline. »
« Le travail de l’observatoire de la laïcité, n’a jamais été le travail de la laïcité avec un quelconque adjectif c’est à dire la laïcité telle qu’elle existe au regard de la loi de 1905. »
« Personne n’a jamais réussi à prendre en défaut les travaux de l’observatoire, sa rigueur et les formations qu’ils dispensaient en matière de la laïcité. »
« Il ne faudrait pas que le gouvernement tente de faire passer la laïcité pour ce qu’elle n’est pas c’est-à-dire de nous faire passer la laïcité comme une règle de vie à l’intérieur de la Cité, c’est-à-dire une société devenue émasculée de pensées divergentes, de pensées différentes, de croyances diverses. »
Sur les chasses aux sorcières
« Je n’entends pas avoir à me dédouaner auprès de ce type de personnages - Manuel Valls, Pascal Bruckner… -. Je n’ai pas de compte à rendre à propos de ma pensée. »
« Tout être humain normalement constitué ne peut être qu’absolument révulsé de ce qu’il s’est passé. Et ne pas prendre acte de ce qu’un certain nombre de gens ont au nom de cette idéologie - qu’ils définissent eux-mêmes comme étant un islamisme politique, une forme de guerre contre la démocratie -, on lui répond avec les armes de l’Etat de droit et on ne va pas chercher des complices ou des boucs émissaires comme ils sont en train de le faire. »
« Il faudrait bien qu’ils pèsent ce qu’ils sont en train de faire - Valls, Bruckner… - parce qu’au delà de nous, le doigt qu’ils utilisent ne se contente pas de nous désigner, il désigne les musulmans à la vindicte populaire. »
« Ce qui est grave, c’est qu’ils ouvrent la voie - non pas à une guerre, ce qui serait excessif - mais à une sérieuse remise en cause de la paix civil. Et à une remise en cause de la crédibilité de notre Etat de droit à l’égard de toute une population qui se sentira encore un peu plus discriminée. »
Sur le débat public
« On a franchi un cap. Le degré de haine qui est en train de se déverser à l’égard de ceux qui ne partagent pas la doxa et un degré de haine qui nous renvoie à être des ennemis de la nation. À être considérés comme étant hors du champ du débat légitime. Et à nous faire supporter la responsabilité des attentats. »
« Au fond, le terme islamo-gauchiste est presque devenu une caresse au regard des autres accusations et autres terminologies employées à notre égard. »
« On a franchi un cap à ça nous fait déraper. Ça dérape de partout. Je donne bien volontiers acte à Jean-Luc Mélenchon qui s’en est excusé, mais la terminologie employée à l’égard de la communauté tchétchène n’était pas la plus appropriée alors que dans le même temps, la Ligue des Droits de l’Homme fait comparaître Monsieur Estrosi, maire de Nice, pour avoir déclaré que la communauté tchétchène c’était la drogue, les armes, etc. Il faut que chacun retrouve le sens des réalités. »
« Le président de la République nous avait proposé une certaine vision de la laïcité qui n’était pas inintéressante. Il semble que ses préoccupations électorales le conduisent à mettre tout ça à la poubelle. »
Sur le champ républicain
« On est presqu’au bout d’un processus [qui verrait entrer dans le champ républicain le Rassemblement national et sortir les syndicats, la France insoumise et plus généralement les militants des droits de l’homme]. »
« Aux élections présidentielles de 1974, le service d’ordre de Valéry Giscard d’Estaing est dirigé par un ancien du GUD (Groupe Union Défense) : c’était la première fois que l’on voyait réapparaître dans l’espace public quelqu’un d’extrême droite recyclé dans un parti républicain. »
« Ce n’est pas le Front national qui est le plus dangereux mais le fait qu’il déteigne de plus en plus sur la droite dite républicaine : les propos de M. Retailleau n’ont ainsi plus rien de républicain. »
Sur l’étape d’après
« Le pire est toujours possible - pas nécessairement, mais il l’est. »
« L’Etat d’urgence était au départ là pour un temps défini et maintenant on en a fait entrer une partie dans le droit commun. »
« Nous sommes proches d’une situation qui nous mettent dans une situation de résistance. »
Sur les réseaux sociaux
« Il y a un énorme problème avec les réseaux sociaux : c’est à la fois un vecteur extraordinaire de liberté mais aussi des pires horreurs - et pas qu’en termes de discours de haine mais aussi en termes de pédopornographie ou de divers crimes et délits. »
« Les réseaux sont et resteront jamais que des vecteurs. »
« Le projet imbécile de Mme Avia a été, ô miracle, censuré par le Conseil Constitutionnel. »
« Dans l’affaire du crime de Conflans, les signalements à PHAROS avaient été faits. »
« Il n’y a que trois magistrats en charge des problèmes numériques à Paris. »
« Avant de rajouter des choses à la loi dans le domaine du numérique, il faudrait déjà que la loi soit appliquée. »
« Surveiller en vrac l’ensemble de la population, ça coute très cher. »
Sur les réponses à avoir en ce moment
« Répondre aux attaques du gouvernement uniquement sur le terrain de la loi et de processus coercitifs, c’est nier les quarante ans de catastrophes sociales. »
« Les catastrophes sociales n’entraînent pas l’irresponsabilité des individus mais ce dont je suis absolument certain, c’est que nous devons nous battre sur trois fronts : celui du strict respect de l’Etat de droit (on ne peut pas jouer avec selon la manière dont on a envie de l’appliquer à telle ou telle situation), la mise en oeuvre d’un certain nombre de mesures qui sortent les gens de la déshérence sociale (il faut vraiment être un nanti pour commander à ceux qui n’ont rien à perdre : la république ne respecte pas sa règle mais vous vous devez vivre de cette manière) et la tenue d’un discours de confiance à l’égard des populations (il ne faut pas considérer qu’elles sont encore les colonisés ou les revanchards d’hier - il y a un manque d’humanité et d’empathie qui est à la fois désolant humainement et catastrophique sur le plan de la cohésion sociale). »