UNE MIDINALE À VOIR...
ET À LIRE...
Sur la troisième édition du livre et l’histoire d’un rendez-vous manqué
« Dans ma thèse, je me suis intéressé à comprendre pourquoi les municipalités de gauche qui avaient su, par le passé, promouvoir une élite ouvrière parmi les habitants n’y parvenaient plus. »
« Dans mon enquête, je me suis aperçu qu’il y avait une protestation très forte de tout un ensemble d’habitants du quartier - le Luth à Gennevilliers -, qui se montrent très durs à l’égard des élus qu’ils accusent de les ignorer, de ne pas les reconnaître, de faire leur politique et leur tambouille en laissant ceux qui s’impliquent dans les quartiers, à part. D’ou l’idée d’un rendez-vous manqué. »
« La gauche et les cités enquête sur un rendez-vous manqué. Ce qui est à réparer, c’est ce rendez-vous manqué. »
« Il y a toujours des agents qui ont intérêt au désordre dans les quartiers. »
« Il y a des gens qui méritent d’être inclus et de figurer sur des listes électorales. »
« Il y a beaucoup d’élus qui ne veulent pas laisser leur place. »
« Le livre fonctionne un peu comme un réquisitoire et qui tente de dire : vous élus de gauche, vous êtes en train de rater quelque chose de très important avec cette génération d’enfants d’immigrés. Ça va être difficile de rattraper le coup. Ce livre a beaucoup interpellé le maire de Gennevilliers, Patrice Leclerc. »
« Leclerc a compris très vite l’enjeu de retisser un fil que la gauche avait laissé. »
Sur les raisons d’un divorce
« Les élus communistes n’avaient pas construit des cités pour voir des immigrés s’installer. »
« Cette population immigrée qui s’installe dans les années 50 et 60, dans les villes communistes va d’emblée être perçue comme une population encombrante. »
« C’est au moment où les cités émergent, au moment où les élus essaient de construire à travers ces cités des villes dignes, des villes modernes et non plus des cités de prolétaires, c’est à ce moment-là que l’immigration reprend. Là se situe la genèse du conflit. »
« Les immigrés vont s’installer dans des conditions qui échappent aux municipalités en les incluant mais aussi parfois en les mettant à l’écart. »
Sur les habitants engagés et qui abandonnent
« Il n’y a pas d’engagement durable sans gratification symbolique. »
« On peut donner de son temps et de son énergie mais quand les élus ne se souviennent même pas des prénoms et des noms, ça vexe, ça blesse et ça décourage. »
« Dans le contexte de la rénovation urbaine, il s’est posé la question de qui représentait le quartier et du financement des associations. »
Sur la suspicion de communautarisme
« Il y a parmi les habitants des gens qui sont dans un registre très clairement communautarisme. Des gens qui défendent d’abord leur communauté ou leur religion. Et qui peuvent entrer en tension avec une autre conception de ce que peut être la vie en communauté. »
Sur la question sociale et l’éducation
« Les familles vivent avec une grande violence un sentiment de honte qu’elles éprouvent parce qu’elles sont sans cesse évoquées comme à la source de la délinquance et de l’échec dans le quartier. »
« La difficulté d’accéder au travail, l’impossibilité de mener une scolarité normale a blessé les catégories populaires. »
« L’école, on peut en ressortir avec le sentiment d’une très forte humiliation. »
« Dans les années 60, on pouvait se dire “ce n’est pas pour moi l’école” mais aujourd’hui, ce n’est plus possible car l’école est devenue décisive dans les mécanismes de reproductions sociales : si on veut un emploi, il faut un diplôme. L’école est donc une issue incontournable. »
« Dans certains quartiers, on voit des enfants de 13-14 ans, en rupture scolaire, et qui restaient entre eux : ils formaient des noyaux durs d’enfants en échec. »
« Ces enfants se conforment au rôle d’agent du désordre qu’on leur assigne. »
Sur la responsabilité de l’Etat
« Il ne me semble pas que l’Etat ait abandonné les études sur les quartiers ou cessé de financer les sociologues qui travaillent dessus. La question est celle de ce que l’on fait de ces études. »
« Faute de programmes qui mettraient les gens au travail ou qui ferait que l’école n’ait pas cette fonction de sélection des catégories moyennes supérieures, sauf donc à repenser les structures, une partie des élites au pouvoir choisissent de reporter ce qui ne va pas sur le dos des individus. »
Sur les questions mémorielles
« Dans le quartier du Luth à Gennevilliers, il y a des expressions de la mémoire, notamment dans une mini-Fête de l’Huma locale où des associations représentaient les populations, les origines… La seule présence de ces populations sont facteurs de mémoire. »
« La mémoire, c’est important mais ce n’est pas décisif : il ne faudrait pas que l’analyse e de ce qui se passe dans ces quartiers soit réduite à une question de mémoire. Il y a une dimension matérielle : accession au travail, au salaire, à des emplois qui permettent d’élever ses enfants. »
Sur l’aberration intellectuelle du “grand remplacement”
« Le thème du “grand remplacement” est très fort dans les catégories supérieures, à droite et parmi les cadres. »
« La peur du “grand remplacement” n’est pas si forte dans les quartiers puisque la population qui y habite est précisément celle qui arrive de l’extérieur. »
« Ce que dit Patrice Leclerc, le maire de Gennevilliers, c’est qu’il faut assumer la population qui habite dans nos quartiers. Il faut faire avec les gens. »
« Les municipalités qui se sont lancées dans des programmes de mixité sociale pour faire venir des habitants de classes moyennes et diplômées ont souvent échoué car ces habitants sont venus mais ils sont vite repartis ou s’ils sont restés, ils se sont fermés sur eux-mêmes constituant la clientèle soit-disant alternative, de type Montessori. »
« Certains quartiers sont composés, pour une bonne partie, de populations venues de l’étranger : il faut leur permettre de prendre place dans les codes de la société française. Cela prend du temps mais elles y arriveront d’autant mieux qu’elles auront en face d’elles des gens comme Patrice Leclerc qui sont à l’écoute de leurs caractéristiques. »