Accueil | Entretien par Pablo Pillaud-Vivien | 16 septembre 2021

Ugo Bernalicis : « La sécurité n’est pas une liberté »

Le thème de la sécurité s’invite à nouveau dans le débat public avec, dans la perspective de la présidentielle, la surenchère gouvernementale. Ugo Bernalicis, député La France insoumise, est l’invité de #LaMidinale.

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Sur la maxime « La sécurité, c’est la première des libertés »
« C’est une bêtise, puisque la sécurité n’est pas une liberté. Elle permet, éventuellement, l’exercice des libertés. La sécurité est un droit, et encore, mais pas une liberté. C’est un non-sens, un slogan pour faire comprendre que les libertés peuvent être cloisonnées dans des besoins de sécurité. »
« Pire encore, ce slogan, déjà prononcé par Castaner ou Valls, a été popularisé par Jean-Marie Le Pen pour les élections régionales de 1992. »
« "Sécurité, première des libertés", dès que vous entendez cela, sachez que c’est de droite réactionnaire, de droite dure, et que ça prépare souvent le pire. »

Sur la suppression du rappel à la loi
« La suppression du rappel à la loi, Emmanuel Macron l’a dit comme si c’était fait. C’est dans le texte "Confiance dans l’institution judiciaire" qui est encore en discussion entre l’Assemblée nationale et le Sénat. Et eux-mêmes quand ils ont supprimé le rappel à la loi avaient dit qu’ils réfléchiraient à mettre autre chose à la place. Ce que, visiblement, ils ne feront pas puisque le Président a annoncé qu’il n’y aurait rien à la place. Ce sera soit un classement sans suite, soit des poursuites. »
« Pourquoi a-t-on multiplié les rappels à la loi ? Pour améliorer le taux de réponse pénale, c’est-à-dire les statistiques du parquet, du ministère de la Justice, etc. Donc ils vont eux-mêmes planter leurs statistiques. »
« Ils ne veulent plus, dans l’échelle des peines, des peines intermédiaires. »
« On a une logique diabolique avec des injonctions contradictoires : Macron dit qu’on enferme trop de gens en prison et le lendemain dit "ça suffit les rappels à loi". Faut savoir ! »
« C’est une demande pressante des syndicats de police. L’injonction est de dire que même si les policiers n’ont pas beaucoup de preuves contre une personne, il faut entrer en voie de condamnation. »

Sur l’annonce d’Emmanuel Macron de mettre 50% de policiers en plus sur le terrain
« On se marre. Quel ministre de l’Intérieur ne l’a pas dit ? C’est du Sarkozy dans le texte. On ne sait pas d’où sort le chiffre de 50%, ils ont dû faire au pifomètre. »
« On sait que, aujourd’hui, un policier, quand il est dehors, passe 56% de son temps à faire des infractions sur les stupéfiants, principalement de la consommation de cannabis. Si on veut remettre plus de bleus sur le terrain et plus de disponibilité, il faudrait légaliser le cannabis. »
« Il aurait pu relier ces 50% à quelque chose qu’ils ont eux-mêmes mis en place : la police de sécurité du quotidien. Il n’en a pas dit un mot ! Son objectif politique, c’est pas une police de proximité, c’est de la présence de bleus, de la répression. »
« Plus de police, pourquoi pas, mais quelle police ? Si c’est pour faire plus d’interpellations, de comparutions immédiates et de peines de prison, on va juste avoir des résultats bidons en très peu de temps. »
« Je pense qu’il n’est pas nécessaire de recruter plus de policiers. Il vient d’y avoir quasiment 10.000 recrutements, dans des conditions abominables : huit mois de formation initiale au lieu de douze mois, des gens recrutés à un niveau extrêmement bas, avec des moyennes à certains concours où on a commencé à prendre les candidats à 6 sur 20. Ce n’est pas le nombre de policiers qui pose problème – on est dans le haut du panier européen au nombre de policiers par habitant – c’est leurs missions. »
« Les moyens humains, on les a – je ne parle pas des moyens matériels avec des commissariats qui tiennent debout, des geôles de garde à vue qui ne sentent pas l’urine. Juste dire qu’il faut plus de moyens, c’est peut-être ça qui fait qu’on n’est plus si crédible que ça à gauche. Il faut aller plus loin. Qu’est-ce qu’on veut comme police ? Moi, je veux une police de proximité. Et, en même temps, il faut démanteler les BAC. Comment on l’organise ? On propose d’intégrer les policiers municipaux à la police nationale pour qu’on ait une police nationale de proximité, sous l’autorité du maire quand les agents sont affectés dans un quartier, et sous l’autorité du préfet en même temps. »

Sur la création d’une instance parlementaire de contrôle des policiers
« C’est incompréhensible. Il a juste dit qu’il fallait un contrôle externe et indépendant. Ça existe déjà, ça s’appelle le Défenseur des droits. Mais il dysfonctionne parce qu’il n’y a que six personnes en charge de milliers de signalements annuels. Et le Défenseur des droits n’a aucun pouvoir de sanction ou d’injonction, donc c’est du flan. En 2020, il y a eu 36 propositions de sanctions. Aucune sanction n’a été prise par le ministère de l’Intérieur. »
« Parler d’un contrôle externe et indépendant pour évoquer une délégation parlementaire… Sachant que ce genre de commission est censé être la photographie des deux assemblés. Donc une majorité LREM-LR. Vous les voyez remettre en cause la déontologie de la police ? Eux qui couvrent déjà tout à l’heure actuelle. C’est une blague. »
« C’est un objet de communication politique pour dire qu’ils ont fait quelque chose. »
« On m’a indiqué que Darmanin s’était adressé aux organisations policières pour leur dire "ne vous inquiétez pas, ça ne changera rien ". »

Sur la façon dont s’organisent les luttes liées à la question de la sécurité

« Il y a quelque chose de biaisé dans la police nationale : il y a deux organisations syndicales qui captent 95% des adhésions et 99,9% de la surface médiatique. On croit donc que ce qu’elles racontent, c’est la réalité - mais il faut prendre cela avec des pincettes. »
« Il y a deux gros mouvements de policiers depuis le début du mandat, notamment avec les policiers en colère, et ils sont faits en dehors du cadre syndical. »
« Il y a des gens à l’intérieur de la police nationale qui n’en peuvent plus du racisme et des discriminations soit envers eux-mêmes, soit envers les citoyens. »
« Ce qui est vrai, c’est que se battre en interne à la police nationale pour des combats qui nous semblent, à nous, légitimes et normaux, c’est risquer beaucoup : sa carrière, son intégrité mentale… »
« [Qu’une majorité de policiers votent à l’extrême droite] ne peut pas être un problème. S’il y avait 70% des policiers qui votaient France insoumise, il faudrait donc considérer qu’il y a un problème et que la police est potentiellement laxiste ? Non. »
« S’il y a un problème avec les policiers, c’est parce que des actes sont commis. Point. »
« Parmi les policiers les plus âgés, beaucoup encensent Pierre Joxe comme ministre de l’Intérieur : or, vu d’aujourd’hui, il serait un affreux bolcheviks anti-flics puisqu’il avait lui-même interdit des manifestations de policiers et qu’il avait fait arrêter des policiers qui avaient manifesté devant Beauvau. »
« Nous, on va arrêter la politique du chiffre, c’est-à-dire notamment supprimer toutes les primes qui sont données quand un policier fait du chiffre. »
« On aura des points d’appui dans la police nationale. »
« Quand on veut faire des conférences sur la police, je peux inviter les copains de Sud-Intérieur et de CGT-Intérieur mais les autres refusent ! »

Sur la place de la question de la sécurité dans la campagne présidentielle qui s’ouvre
« Que la sécurité soit un sujet important et qu’on la questionne démocratiquement, c’est sain et indispensable. Mais la surenchère sécuritaire dès qu’il y a un fait divers, c’est un problème. »
« La proportion des faits divers a augmenté dans les médias ce qui fait que l’ambiance, c’est que la sécurité, c’est le sujet numéro 1. »
« Quand on fait des enquêtes de victimation sur le sentiment d’insécurité dans le pays, 80 à 90% vont répondre oui. Mais si vous leur demandez si, dans leur quotidien, ils se sentent en insécurité, ils ne sont plus que 20%. »
« Je n’ai pas envie que l’on ne parle plus du tout du problème de la sécurité parce qu’il y a des problèmes à régler mais c’est une connerie d’en faire un sujet central. »
« On a commandé un sondage où 60% des gens se sont déclarés favorables au développement d’une police de proximité en démantelant les BAC. »

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