Dans ce spectacle, co-signé par le créateur sonore Alexis Auffray, la circassienne (et dramaturge) Maroussia Diaz Verbèke et le circassien Fragan Gehlker, ce dernier est seul en scène. Enfin, en scène … Oui et non. Car si oui, Le Vide débute bien par la présence au plateau de Fragan Gehlker, grimpant à une corde, tombant, et recommençant inlassablement, l’artiste va rapidement déborder l’espace habituel de jeu. Ce n’est plus seulement la scène, mais le gril (structures métalliques permettant de fixer les projecteurs et autres accessoires scéniques), les hauteurs et jusqu’au toit du théâtre qu’il va investir dans sa lutte désespérée face à la gravité.
Bousculant le spectateur par son retournement du lieu et sa mise à sac des conventions théâtrales, Le Vide - essai de cirque balance sans cesse entre retenue et démesure. Et offre, surtout, une vigoureuse et passionnante mise en cirque du mythe de Sisyphe. Cette référence au héros absurde théorisé par Albert Camus, le public en prend connaissance avant le début de la représentation. Des panneaux en carton sommaires jalonnent le chemin jusqu’au gradin, précisant que le spectacle à venir s’inspire de l’histoire d’un « type condamné à rouler un rocher en haut d’une montagne », et à recommencer sans cesse cette action.
Ce geste répétitif, acharné, l’opiniâtre Fragan Gehlker va s’y livrer de façon impassible, renouvelant sa tâche tout en la faisant évoluer dans son ambition. Un éloge de la fuite aussi puissant physiquement que pertinent par son propos : celui d’une vision de l’existence, où les hommes ne cessent d’éprouver, en alternance, l’absurdité de la vie comme son intérêt.