Depuis plusieurs semaines, ça s’excite dans tous les sens mais on voit enfin le bout du tunnel : le PCF entre enfin en congrès ce week-end. « Un congrès exceptionnel », s’empresse-t-on souvent d’ajouter place du Colonel Fabien, comme pour se persuader que ce qui va se passer va enfin réussir à inverser la tendance d’un parti, qui fut jadis "de masse" mais qui n’en finit plus de se réduire comme peau de chagrin.
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La fin de l’ère Pierre Laurent
Il faut dire que depuis la fronde d’une partie des dirigeants communistes contre la direction fin février dernier, les esprits commençaient à s’échauffer et le parti à ressembler à un champ de bataille : les identitaires (comprendre ceux qui défendent un PCF droit dans ses bottes, pour la reconquête de son identité originelle) d’un côté, les unionistes (comprendre ceux qui veulent faire alliance avec à peu près tout ce qui bouge à gauche) de l’autre, les légitimistes (comprendre ceux qui défendent la direction sortante id est Pierre Laurent) au milieu, et le Printemps (comprendre ceux qui ont défendu la motion "Pour un printemps du communisme" qui aurait tendance à pousser la discussion avec les autres partenaires de gauche, La France insoumise en premier lieu) en embuscade.
N’était la propension quasi magique des communistes à trouver des terrains d’entente quand tout a l’air coincé pour de bon, la séquence amorcée avant l’été a failli tourner vinaigre. Deux enjeux concentraient toutes les inquiétudes : le secrétariat national (id est la fin du règne de Pierre Laurent) et la rédaction des textes programmatiques qui fondent et orientent l’action du parti. Mais, depuis mardi soir dernier, tout semble rentrer dans l’ordre : le député du Nord Fabien Roussel a pris la tête d’une liste de renouvellement et semble plus que bien parti pour prendre la tête du parti ce week-end, le tout ayant été voté à l’unanimité dans la commission idoine, dans le contentement général.
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Ils auront donc réussi à avoir la peau de Pierre Laurent, le secrétaire national qui pilotait le parti depuis plus de huit ans ! Mais qui donc exactement ? Parce que ceux qui pilotent ne sont pas forcément ceux qui finissent aux postes les plus importants, comme Igor Zamichei, le patron de la fédération de Paris ou André Chassaigne, le député du Puy-de-Dôme et président du groupe à l’Assemblée nationale… Même si leurs stratégies sont parfois divergentes, leur objectif est commun et on-ne-peut-plus clair : le PCF a perdu de sa superbe parce que les Français n’arrivent plus à l’identifier et alors que la société est prête pour l’avènement du communisme (sic).
Et c’est ce qui a été sanctionné lors du vote des motions : la tactique de se ranger derrière le candidat Mélenchon au moment des élections présidentielles de 2012 et de 2017 – stratégie portée à bouts de bras par Pierre Laurent – a été largement mise en minorité par les militants communistes. Et son orchestrateur, Pierre Laurent, logiquement mis au ban. Mais ils auront eu sa peau pour quoi faire ? Pour tout recommencer comme avant ? Un des torts les plus reprochés à l’ex-secrétaire national a été de ménager toutes les sensibilités du parti en les plaçant notamment au plus proche de lui : « consensus mou » pour les uns, « ouverture, dialogue et démocratie » pour les autres.
Que doit-on attendre de la future direction ?
S’apprêterait-on à voir arriver au PCF une direction épurée de ses apories ? C’est l’un des grands enjeux du congrès de ce week-end : les débats ont certes été fraternels mais houleux et il faudra scruter de près comment chacun va se positionner. Est-ce que Pierre Laurent va réussir à conserver un poste qui lui permettrait de peser ? Il se murmure dans les couloirs du Colonel Fabien que l’accord conclu pourrait faire de lui le président du conseil national. Contrairement à ce qui a été annoncé dans Libération, ce n’est pas la place d’un « numéro 2 du PCF », mais plutôt un titre relativement honorifique s’il en est mais que lui considérerait comme lui permettant de conserver une légitimité interne… En réalité, c’est plutôt une façon pour l’équipe gagnante d’acheter à peu de frais, l’unité du parti. Car on va sûrement préférer donner les postes-clefs à Pierre Lacaze, secrétaire départemental de la Haute-Garonne ou à Igor Zamichei, considérés comme plus proches des orientations du texte de la base commune.
Il commençait à y avoir péril en la demeure communiste, les voix dissidentes se faisaient de plus en plus critiques voire agressives, mais les intrigants ont réussi à mettre un couvercle à la cocotte-minute. L’ancienne direction a été mise en minorité, la nouvelle, quoiqu’elle en dise, n’a pas de véritable majorité mais le débat politique a été débranché. Ce week-end, il est donc fort à parier que tout le monde va finalement rentrer dans le rang au grand dam de la conflictualité, pourtant mère de la politique. Et tant pis pour les initiateurs des motions perdantes qui risquent de ne pouvoir statutairement déposer de liste alternative.
Ne nous y trompons pas : les couteaux ont été aiguisés et il n’est pas question de les ranger définitivement une fois le congrès passé. Même si l’hypothèse d’une liste dissidente pour proposer une alternative reste bien maigre comme le laisse entendre la députée européenne communiste Marie-Pierre Vieu dans #LaMidinale, dès que les postes-clefs auront été répartis, les querelles de chapelle reprendront. Et elles ne seront plus arbitrées par le magnanime Pierre Laurent.
C’est peut-être forcer ironiquement le trait que d’écrire que la thèse identitaire de ceux qui pilotent le rétro-changement est « que la société est prête pour l’avènement du communisme »... Mais même si la question du « besoin de communisme » comme « mouvement multiforme radicalement et réellement opposé » au capitalisme, qui révèle plus que jamais son caractère antisocial et même asocial, est plus que jamais posée..., l’arnaque logique consiste à prétendre que :
1/- DONC il y a besoin d’UN parti communiste (ce qui reste à démontrer, vu le sens actuel de parti, qui n’est plus le même que du temps de Marx... Car l’on n’assigne pas le communisme à résidence !...)
2/- Il y a besoin de CE parti communiste-là, qui n’a JAMAIS procédé à une autocritique proprement historique, globale et conséquente, et qui manie au final l’idée du communisme, comme s’il s’agissait d’un « contenu » théorique intangible ou, si l’on veut, d’une "valeur" d’origine contrôlée, qui lui permet d’avoir derechef « fondamentalement raison » en s’y référant, et de s’exonérer dogmatiquement de toutes les erreurs et fautes commises !... (Du moins d’être quitte après avoir évoqué les dernières en date !...).
Une institution qui se réclame du communisme n’a pas de sens en dehors d’une capacité autocritique au long cours, à la fois très théorique et très concrète, bien comprise !... (Ce qui va au-delà que la remise en cause d’une ou deux « périodes antérieures », dans la mesure où pour le sens commun, "le communisme" reste comptable du 20ème siècle, et signifie, comme on sait, au mieux utopisme, au pire stalinisme !...)
Le comble est d’invertir le matérialisme historique : la preuve de l’histoire « réellement longue » du PCF, étant « qu’elle se mange », congrès après congrès = c’est qu’elle s’oublie (dans le sens populaire de « manger la commission » des actes qui, en bien ou en mal, l’ont faite...).
Mais rien n’apparaît, au-delà d’un constat petit bras d’« effacement » du Parti..., aboutissant à l’innovation d’une contestation du dernier secrétaire national en date, sur les causes d’un déclin au long cours !...
De fait, la « révolution de palais » du PCF se traduit tragiquement par une bunkérisation terminale dans les murmures de ses fondamentaux.
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