L’année 2018 s’annonce décisive pour le PCF tant la situation est inédite : depuis plus de trente ans, son périmètre électoral se réduit comme peau de chagrin. Il n’a jamais réussi à trouver les voies d’un sursaut de plus en plus nécessaire à sa survie à court terme. Fragilisé, croit-il, par son absence de candidat aux deux dernières élections présidentielles – oubliant que son dernier candidat n’avait recueilli que 1,93% en 2007 – il a plafonné à 2% aux dernières législatives, et perdu des mairies, des départements et surtout des militants… Bref, l’ambiance est au branle-bas de combat permanent.
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Dans le camp de ceux qui espèrent encore, beaucoup voulaient voir dans le congrès de novembre la possibilité de relancer la machine. Seulement, depuis plus de six mois, les forces s’activent pour transformer l’événement en plébiscite contre l’actuel secrétaire, national Pierre Laurent, en poste depuis… huit ans. Et ça, c’est une première : le légitimisme était une valeur si profondément ancrée dans l’ADN des communistes que les successions à la tête du PCF se faisaient auparavant de la manière la moins démocratique qui soit, id est le sortant choisissait le suivant, dans le vase clos du Conseil national.
Quatre stratégies, quatre ambiances
Samedi prochain, ce sont ainsi quatre textes qui vont être départagés par le vote des adhérents communistes : la base commune et trois textes alternatifs. À la différence des congrès précédents, la base commune n’est soutenue que par une partie de la direction, restée regroupée autour de Pierre Laurent. Elle a été très mal votée dans la session de juin (49 voix sur 91, dans une instance qui compte en principe 170 membres). Elle a même été contrainte d’adopter un amendement, imposé par ses adversaires et évoquant la nécessité « de renouveler profondément la direction nationale, jusqu’au secrétaire national ». En gros, cette motion propose de prolonger la démarche suivie jusqu’alors et qui s’efforce d’équilibrer l’affirmation identitaire et le rassemblement de toute la gauche.
La motion « Se réinventer ou disparaître ! Pour un printemps du communisme » portée par la députée des Hauts-de-Seine Elsa Faucillon et par Frédéric Genevée, critique les hésitations du noyau dirigeant dans la phase de préparation de la présidentielle et veut conjurer absolument tout risque de repliement, promettant le PCF à la nécrose. Pour cette motion, il est impensable de ne pas tenir compte de la place occupée par la France insoumise, ce qui vaut à ses promoteurs l’accusation d’être des fourriers de Jean-Luc Mélenchon.
La motion « Pour un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle » - motion identifiée comme étant celle du député du Puy-de-Dôme, André Chassaigne, entend revaloriser de façon massive l’identité communiste. Elle ne renonce certes pas aux alliances avec les socialistes, notamment dans la perspective des municipales, mais elle fait de la présence communiste aux élections nationales une exigence fondamentale.
Enfin, la motion « Reconstruire le parti de classe, priorité au rassemblement dans les luttes », la plus minoritaire à ce stade, repose sur un recentrage de l’identité communiste. Comprendre que c’est du PCF seul, que la gauche se recomposera, et dominera.
L’unité, la survie ou la pureté ?
Il n’est pas toujours facile de décrypter les lignes de clivage entre certains de ces textes. Qu’est-ce qui sépare fondamentalement la base commune et la motion défendue par André Chassaigne ? Voilà qui n’a rien d’évident. Sauf peut-être le fait que la motion défendue par ce dernier cultive le malaise de nombreux militants et la remise en cause d’une gestion de sommet qui, depuis 2010, n’a pas remis – c’est le moins que l’on puisse dire – la machine communiste sur les rails.
Dans une note de blog sur le site de Mediapart, Jacques Rigaudiat – un haut fonctionnaire venu du Parti socialiste et du Parti de gauche – ne manque pas de souligner que les clivages doctrinaux sont bien absents et que les questions de stratégies politiques immédiates l’emportent sur les questions de fond, et notamment la question des classes populaires et de l’effacement du référent ouvrier. Légèreté doctrinale qui conforterait plutôt la remarque acerbe d’un ancien député communiste : « Plus le morceau de fromage est petit, plus il y a de rats et plus ils sont féroces. »
Le pari de Pierre Laurent est qu’il est le seul a apparaître comme une personnalité de synthèse, dans un parti désormais profondément clivé. Sa bonhomie et son affabilité – Pierre est un homme « gentil », disent volontiers ses défenseurs. Mais ce trait de caractère, dans une période troublée, nourrit aussi l’accusation de faiblesse et de manque d’esprit de décision. « Manque de clarté » donc, affirment en cœur ceux qui veulent aujourd’hui sa peau – et alors même que certains sont très bien placés dans la hiérarchie du Parti.
Référendum pro- ou anti-Laurent
Force est de constater qu’aujourd’hui, le vote de la fin de semaine a clairement les atours d’un référendum pro- versus anti-Pierre Laurent. La crainte de l’ultra-personnalisation autour du secrétaire national était donc fondée… « Pierre Laurent n’est plus audible », « son bilan est catastrophique », « il a perdu toute capacité à lancer les changements indispensables pour relancer le parti ». Le constat, peu importe la motion que les militants ont l’intention de signer, est souvent le même : à trop vouloir préserver les équilibres entre courants, on aboutit au contraire à la paralysie complète.
Le problème, note-t-on parmi ceux qui font bloc autour de Pierre Laurent, c’est que la motion dite Chassaigne, « c’est l’alliance traditionnelle de la carpe et du lapin, mais en pire que d’habitude. » Et on argumente : « Entre les nostalgiques qui ont été un frein historique à toutes les évolutions du Parti depuis 30 ans, la garde rapprochée du maintenant macroniste Robert Hue, la bande de l’ancien député-maire de Vénissieux André Gérin [très décrié en interne tant pour ses positionnements sur l’immigration que sur le mariage pour tous, NDLR] et les jeunes traîtres, on y comprend vraiment plus rien. »
Mais c’est pourtant cette contre-motion qui semble avoir le vent en poupe aujourd’hui : dans les réunions de section, chez les trentenaires et dans les Jeunesses communistes, c’est elle qui motive le plus, « qui redonne des perspectives ». L’objectif affiché, c’est que « le congrès soit réellement extraordinaire », c’est-à-dire « une sorte d’électrochoc » pour sortir de l’invisibilité.
L’avenir entre les mains des militants
Pierre Laurent avait bien pris le soin de donner à la jeune génération les postes-clefs de son organigramme, quitte même à ce qu’ils ne soient pas sur sa ligne. Pourtant, ce sont ceux-là mêmes qui mènent la fronde, comme nous le rappelle avec malignité une thuriféraire de la base commune. Et d’avancer : « On ne peut pas se plaindre que le Parti ne soit pas assez présent dans les entreprises, qu’il n’ait pas de projet, qu’il soit faible sur l’Europe et sur la communication quand, justement, ces critiques sont émises par ceux qui ont les postes et les noms de ceux et celles qui s’occupent des relations avec les entreprises, du projet politique, de l’Europe et de la communication. »
Sauf que… sauf que le PCF paie encore les pots cassés de sa séquence 2017, jugée par beaucoup comme catastrophique : fiasco du questionnaire en ligne Que demande le peuple, puis de la pétition unitaire, puis de la solution de la campagne autonome en soutien à Jean-Luc Mélenchon, l’échec des législatives… « Résultat, le parti est au bord du dépôt de bilan » affirme un cadre communiste.
En l’absence de sondages possibles sur le vote, les esprits s’échauffent et l’on donne alternativement gagnante la base commune de Pierre Laurent et la motion d’André Chassaigne. Les boucles d’emails se multiplient et se contredisent, les sms fusent et tout le monde s’attend à un bouleversement sans précédent. Au point que certains envisageraient déjà de quitter le Parti communiste français. La fin de la semaine s’annonce agitée dans les couloirs de Colonel Fabien…
Le PCF a cessé d’être communiste quand il est devenu keynésien. Il n’a pas su faire face au renversement de l’URSS, et a été trop hésitant à s’allier fermement avec la République Populaire de Chine.
Le parti politique le plus communiste aujourd’hui, c’est la France Insoumise et son programme de planification de l’économie selon des critères écologiques. Ce communisme agricole est un maoïsme : et il est le signe que la Chine joue aujourd’hui le rôle que tenait l’URSS hier.
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