Au-delà de la question du "pouvoir d’achat", les gilets jaunes ont fait émerger une proposition forte intéressante : le référendum d’initiative citoyenne, alias le RIC. Une lucidité impressionnante, comme nous l’écrivions ici même, car la crise économique et sociale ne trouvera pas d’issue sans que soit réglée la crise démocratique et institutionnelle.
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Les gilets jaunes veulent voter – et non pas désigner des représentants – afin de reprendre en main leur destin politique. Il n’en fallait pas plus pour que ceux-là même qui se pensent "représentants de la Nation" agitent leurs drapeaux d’indignation. Attention, les gueux sont dangereux !
« Je ne veux pas que demain on puisse se réveiller avec la peine de mort dans notre pays car on aura eu un référendum d’initiative citoyenne. »
Voilà le genre de déclarations – ci-dessus celle du délégué général de LREM Stanislas Guérini – que les gilets jaunes ne supportent plus. Parlez de démocratie et ils envisageront toujours le pire.
Alors il faut rabâcher : non, les gilets jaunes ne veulent pas voter pour ou contre la peine de mort, ils veulent la justice sociale. Non, le référendum révocatoire n’est pas un outil du chavisme, il est aussi en application dans plusieurs Etats des Etats-Unis. Non, la Suisse n’est pas en proie à la dictature du peuple. Etc., etc.
Et si jamais ils évoquent le Brexit pour appuyer leur argumentaire, parlez leur donc du référendum irlandais sur l’avortement, qui avait entraîné un raz de marée en faveur du "oui".
La droite truste les gilets jaunes
Le pic de malhonnêteté a été atteint le 5 janvier. Depuis le 15 décembre 2018, le Conseil économique social et environnemental (CESE) a mis en ligne une "consultation nationale" ouverte à tous, « avec ou sans gilet jaune », afin que les internautes puissent indiquer leurs doléances en vue de l’Historique Grand Débat.
Surprise ! La première revendication fut la suivante : abroger le mariage pour tous. Derrière tout ça, aucun doute que le collectif "Manif pour tous" rôde. Le CESE semble en être bien conscient, d’ailleurs Frigide Barjot elle-même le reconnaîtra auprès de nos confrères d’Arrêt sur Images. Bref, la cathosphère a encore démontré sa puissance virtuelle.
Vous pourrez tout de même lire ici ou là que l’abrogation de la loi Taubira est la première demande des gilets jaunes. #Déontologie
La gauche la plus bête du monde
Les gilets jaunes, eux, veulent le RIC et la droite (toujours bien épaulée par l’extrême droite) tente ostensiblement soit de décrédibiliser cette proposition, soit de la récupérer crassement. Au point parfois de réussir à faire passer ses propres revendications pour celles des gilets jaunes, nous l’avons vu.
Faites que la gauche ne tombe pas dans le piège, faites que la gauche… Et merde !
Ce mardi 8 janvier, le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, était l’invité de Jean-Jacques Bourdin. Voici leur échange :
Roussel : « Il doit être possible que nos concitoyens puissent demander un référendum sur un sujet. Mais pourquoi pas ? »
Bourdin : « Sur le Mariage pour tous, par exemple ? »
Roussel : « Mais pourquoi pas, sur tous les sujets, n’ayons pas peur ! »
Bourdin : « Sur tous les sujets ? La peine de mort ? »
Roussel : « Je sais bien que, quand le peuple n’est pas bien, on a envie de le changer. N’ayons pas peur de débattre. »
Bourdin : « Donc sur la peine de mort, vous seriez capable d’accepter un référendum ? »
Roussel : « Mais bien sûr, si les Français le veulent ! »
Mais bien sûr, quelle idée géniale ! Ce n’est pas comme si François Hollande avait fait durer ce débat une éternité en 2012 et 2013. Ce n’est pas comme si, pendant tout ce temps, les homosexuels avaient été insultés, jusque dans l’hémicycle, ou agressés dans les rues. Allons-y !
Visiblement, le patron des communistes a bien senti qu’il avait dit une bêtise, car quelques minutes plus tard, il tweete :
« Je précise. Le RIC doit permettre de gagner des droits nouveaux, pas de mettre en cause des droits fondamentaux. Les droits et libertés ne sont pas négociables. Nous saurons les défendre ! Qu’il s’agisse de l’abolition de la peine de mort, du mariage pour tous, des droits des femmes et de tous les acquis sociaux qui sont si souvent attaqués. »
Je précise. Le #RIC doit permettre de gagner des droits nouveaux, pas de mettre en cause des droits fondamentaux. #BourdinDirect 1/2
— Fabien Roussel (@Fabien_Rssl) 8 janvier 2019
Les droits et libertés ne sont pas négociables. Nous saurons les défendre ! Qu’il s’agisse de l’abolition de la peine de mort, du mariage pour tous, des droits des femmes et de tous les acquis sociaux qui sont si souvent attaqués. #BourdinDirect 2/2
— Fabien Roussel (@Fabien_Rssl) 8 janvier 2019
Ne dit-on pas que seul le prononcé fait foi ?
Du côté de La France insoumise ça n’est pas mieux. Le 18 décembre dernier, Alexis Corbière n’estimait-il pas sur LCP qu’il fallait « aborder toutes les questions […] sans les encadrer » ? Et le député LFI de développer, au sujet du mariage pour tous :
« On peut en discuter, pourquoi on n’en discuterait pas ? De toute manière, si on ne règle pas pacifiquement ces questions-là, toute une série de questions reviendront sous une forme beaucoup plus brutale et même en remettant potentiellement en cause la démocratie. […] Je suis assez confiant. Je pense que majoritairement dans le pays, le mariage pour tous est accepté aujourd’hui. Certains veulent à nouveau en débattre, on pourrait relégitimer ça dans un référendum qui, à mon avis, majoritairement dirait : "ça ne pose pas de problème". »
Référendum d'initiative citoyenne : @alexiscorbiere (LFI) estime que tous les sujets pourraient être visés, y compris "le mariage pour tous" puisque "certains veulent à nouveau en débattre". Selon lui cela pourrait "relégitimer" ce même mariage pour tous.#DirectAN #QAG pic.twitter.com/gScl9D9cGf
— LCP (@LCP) 18 décembre 2018
À l’époque, Alexis Corbière aussi était revenu sur ses propos, expliquant qu’il n’a « JAMAIS demandé que ce débat soit réouvert ».
### Interlude technique ###
Il serait assez intéressant d’observer les différentes réactions des insoumis et des communistes avant et après les "rectifications" de ces deux cadres de gauche. Mais c’est d’une tristesse de mauvaise foi telle que nous n’en n’avons pas la force ici.
### Fin de l’interlude technique ###
Tout ça pour dire qu’on ne peut pas à la fois d’indigner de la désertion des citoyens dans les urnes et rejeter en bloc, par la caricature, l’exigence citoyenne d’une participation accrue aux décisions qui les concernent.
Les gilets jaunes veulent le RIC et ils ont pris le soin de détailler pour quoi faire et dans quelles conditions. Merci de ne pas les prendre pour des demeurés qui voudraient simplement revenir sur la peine de mort, l’avortement ou le mariage pour tous. Que ce soit pour les attaquer ou les défendre.
Bonjour
On pourrait poser la question autrement, a l’envers,,,,,,on voterait sur quoi ?, par exemple , citez quelques exemples de vote possible. Je reste encore très circonspect , particulièrement sur les modalités du vote qui reste imprécis : quorum, taux de participation maximal exigé. Pour moi, le référendum n’a de valeur que si déja un grand nombre d’électeurs se déplacent, sinon on retombe dans les calculs électoralistes, ou une minorité décide pour les autres.
On a beau citer les USA, et la Suisse le référendum change t-il la vie des gens sur la crise, le chômage, l’évasion fiscal, les écarts de richesse, .....Sincèrement me faire voter sur le cannabis , très peu pour moi !.
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