Jour 3 – L’ENS occupée, l’ENS en lutte

Dans la cour centrale de l’Ecole normale supérieure, rue d’Ulm à Paris, ils étaient près d’un milliers regroupés pour un « colloque intempestif » intitulé « Mort à l’université, vie au savoir » en présence du philosophe italien Giorgio Agamben, de l’économiste Frédéric Lordon, de professeur-es comme Antonia Birnbaum ou Johanna Siméant-Germanos, de Gaël Quirante de SUD-PTT, de cheminot-es mais surtout d’une foultitude de normalien-nes vent debout contre la politique du gouvernement.
Si les prises de parole qui se succèdent rappellent tous les combats à mener : de la loi ORE (orientation et réussite des étudiants) à la mise en péril du service public du rail en passant par le projet de loi Asile et immigration, les sujets de mécontentement sont légions. Et les universitaires présents s’efforcent de « tisser des liens », d’inventer des façons de faire « se coaguler » les groupes d’actions et de réflexion.
Et une grande banderole, dans le dos des intervenant-es, où est dessinée un grande allumette allumée au dessus d’entre autres, d’un petit McDo, prévient : « ça ne fait que commencer… » Et d’ailleurs, aux alentours de 20h30, alors que des rumeurs d’arrivée de CRS commençaient à se répandre dans l’audience et que quelques gouttes de pluie se faisaient ressentir, il a été décidé de mettre en place une occupation des lieux.
Comme un seul homme (ou femme d’ailleurs), direction la cafétéria où se poursuivront les prises de parole. Les étudiant-es poussent les tables et les chaises et s’applaudissent, dans les sourires et l’assurance que l’ENS doit aussi être « un lieu d’expression de la révolte ». Jusqu’à quand ? A suivre…
Jour 3 : 2 mai - Préparer la convergence des joies

Le 4 avril dernier, près de 2 000 citoyens, syndicalistes, étudiant-es, cheminot-es, élu-es, intellectuel-les, s’étaient réuni-es à la Bourse du travail à Paris pour y lancer la proposition d’une manifestation nationale, le samedi 5 mai. "La fête à Macron", voilà comment ils appellent cette "marche". Regards y a aussi mis son grain de sable en publiant ces derniers jours une tribune de plus de cinquante artistes et intellectuel-les appelant à un rassemblement citoyen le 5 mai, à Paris, pour protester contre la "politique libérale et autoritaire" de notre cher Président.
Ce mercredi 2 mai, les quelques militants qui s’occupent d’organiser la Fête à Macron donnaient une conférence de presse dans le bar Le Côte d’Azur, dans le 10ème arrondissement de Paris. On est presque en face de la Bourse du travail, et des visages familiers de Nuit debout sont là, dont celui de Frédéric Lordon. François Ruffin est excusé et c’est tant mieux, cela donne l’occasion au mouvement de contestation de s’exprimer par d’autres voix, moins familières, moins médiatiques mais non moins engagées.
Johanna présente l’équipe. Peu sont encarté-es, quelques-un-es sont syndiqué-es, tous-tes ont le même objectif : « mettre à mal Macron et son monde », selon l’expression consacrée. Avec les 24 000 euros récoltés via un pot commun, ils espèrent organiser une belle marche, festive, joyeuse. Un « pot au feu » où chacun ramène sa colère, sa revendication, son espoir pour « faire monter la sauce », « faire sauter le verrou démocratique », disent-ils. « Le mouvement social a besoin d’une victoire », lance Emmanuel Vire, journaliste syndiqué au SNJ-CGT.
Au menu donc : une sorte de "carré VIP" en tête de cortège avec des représentant-es de chaque lutte, des cheminot-es aux étudiant-es en passant par les personnels hospitaliers. Suivront les citoyen-nes, les syndicats et les partis. Et puis il y aura des chars. Quatre, pour être précis, dont trois représentant Macron en Jupiter, en Napoléon et en Dracula, et puis un dernier dénommé Résistance, pour opposer au chef de l’Etat un autre monde.
Mais au-delà de la fête espérée, c’est bien la convergence des luttes, la fameuse, qui est en train de prendre forme. Cette convergence, le Président prie chaque jour pour qu’elle n’existe jamais. Pourtant, dans ce petit bar, tous ont à cœur de se montrer solidaire des luttes des autres. Et comme le dit Loïc, de la compagnie Jolie Môme : « Quand on manifestait le 22 mars, on s’est dit "on est ni cheminot, ni fonctionnaire, mais on subit la même attaque en tant que travailleurs du privé, précaires". Il faut trouver un espace commun . » Cet espace, c’est donc la Fête à Macron. Samedi, le rendez-vous est fixé à Opéra, dès 12h, pour une marche qui partira à 14h en direction de Bastille.
Jour 2 - 1er mai, mais...

Vous lirez sans doute partout, ou presque que les casseurs, les black blocs, les zadistes ou les vandales ont gâché le défilé du 1er mai à Paris. Comme si c’était la seule chose que l’on devait ou pouvait retenir. Comme si les grands médias et la préfecture de police étaient les seuls auteurs de l’histoire telle que nous sommes en train de la vivre. Sans jamais dire que ces événements – tragiques et condamnables – se sont déroulés en marge de la manifestation parisienne et n’ont donc rien à voir avec la traditionnelle manifestation du 1er mai. C’est un autre sujet et il importe de le traiter comme tel. D’abord parce que c’est un événement en soi – 1200 personnes cagoulées, déterminées à « casser », mais aussi parce que la mobilisation des syndicats a été une très belle réussite et qu’il convient que cette information soit sue, et entendue.
Ainsi Regards était présent dans le cortège, dès la place de la Bastille. On l’a arpenté de long en large, on est passé sous tous les ballons, on y a vu les sourires et les poings levés, lu les pancartes rigolotes et entendu les slogans puissants. Plus qu’une tradition annuelle presque centenaire, il y avait cet après-midi, entre Bastille et le pont d’Austerlitz, presqu’autant d’espoirs que de découragement parmi ceux qui défilaient. Parmi ceux qui étaient mobilisés.
Regards ne dispose pas du super logiciel de comptage – dont l’heureux propriétaire assume publiquement ses affinités avec Emmanuel Macron. Il a lui-même proposé ses services à la députée de la République En Marche Aurore Bergé dans un tweet. Alors, au lieu de prétendre qu’ils-elles étaient 55 000 pour les uns, 20 000 pour les autres, à Regards, nous avons estimé qu’ils-elles étaient des millions – et des poussières. Parce qu’à dire vrai, c’est sûrement ce que valent les espoirs agrégés de tous-tes les manifestant-es. Et au-delà. Parce qu’ils-elles sont nombreux ceux et celles qui, découragé-es par les divisions politiques et syndicales, ou inquiété-es par les prévisions de la préfecture en matière de violence, à n’être pas descendu-es ce 1er mai dans la rue.
Voilà des années (des siècles, des millénaires ?) qu’ils aimeraient pouvoir mener les luttes avec des coquelicots, des œillets et des muguets dans les mains plutôt que voir voler les pavés et les cocktails Molotov. Evidemment, on préfère toujours le rire et la pensée articulée aux coups de poing dans la gueule et à la batte de baseball. Mais que peuvent-ils ces militant-es et sympathisant-es, défenseur-seuses des droits des travailleur-euses, quand les assauts répétés de la classe dominante à l’égard des plus faibles, des plus pauvres et des plus dominé-es finissent par être perçus comme des agressions ? Certain-es en ont marre de tendre l’autre joue et la question n’est pas tant de savoir s’il faut immédiatement et le plus rapidement possible condamner leurs actes que de constater les dégâts de politiques qui fracturent depuis des années la société et poussent certain-es à imaginer dans la violence physique un exutoire nécessaire voire une solution.
Les faits de violences ayant été anticipés, la manifestation aurait du être davantage encadrée, protégée. Pourtant, Regards est rentré dans la manifestation sans fouille préalable. Léger pour un événement dont la préfecture elle-même avait annoncé les débordements. Lorsque les hommes et les femmes cagoulé-es ont usé de la violence, plusieurs manifestant-es ont été priés de rentrer chez eux. Dès 15 heures, certains accès étaient bloqués par les CRS. Et la police a largement dispersé les manifestant-es et à plusieurs reprises, le parcours lui-même a été dévié de sa trajectoire initiale.
A nous, les yeux piquaient et la gorge grattait à force de grenades lacrymogènes – auxquelles les forces de l’ordre ont abondamment eu recours. La main légère, comme d’habitude. Et puis on a tous vu, au bout du canal Saint-Martin, par-delà le port de l’Arsenal, de l’autre côté de la Seine, l’épaisse fumée noire qui obscurcissait de ses volutes inquiétantes, le cortège et l’horizon. Sourcils froncés, on pouvait lire le défaitisme circonstancié de certains militants, lisant les dépêches sur les actes de violences tomber en rafale sur leurs téléphones. Et de se demander : « pourri ce 1er mai ? » Des syndicats qui passent leur temps à se tirer la bourre et à se taper dessus par médias interposés, des politiques qui font, peu ou prou, la même chose et des types qui se disent qu’une révolution, ça se commence en foutant en l’air des cafés du commerce et en incendiant des Fiat Punto.
Et puis tout à coup, une petite fille en baskets orange redonne sens et détermination à ceux et celles qui croisent son regard. Elle porte une pancarte en carton sur laquelle il était écrit au feutre : « Macron, t’es méchant, tu enfermes des enfants et des adolescents. » Une grand-mère, venue manifester en famille, portant l’autocollant de la Ligue des Droits de l’Homme et de la CGT, lui glisse à l’oreille : « C’est pour toi qu’on est tous là. Et c’est pour toi qu’on y retournera. » Une détermination qui semblait faire l’unanimité en ce soir de 1er mai. À suivre…
Jour 1 : 30 avril - La gauche parapluie

« Rassemblement symbolique » pour les uns, « rassemblement de lutte(s) » pour les autres, rassemblement mouillé pour tous. Ce lundi 30 avril, à 18 heures, la veille du 1er mai et de ses cortèges syndicaux, la gauche politique a essayé de montrer qu’elle pouvait encore faire corps uni. A l’appel de huit formations politiques, du Parti communiste à Génération.s en passant par Nouvelle Donne, Europe-Ecologie-Les Verts et Ensemble, quelques centaines de parapluies se sont réunis sur la place de la République à Paris pour rappeler l’importance de « la convergence », de « l’alliance », de « l’union », de « la singularité » des luttes (en utilisant bien tous les mots sinon on pourrait en froisser quelques uns).
Avant qu’Oliver Besancenot du NPA, Guillaume Balas de Génération.s, Sandra Regol d’EELV et Pierre Laurent, secrétaire national du PCF ne prennent la parole, ce sont les salarié-es et les lutteurs (sic) qui l’ont eue : un cheminot en grève, un salarié de PSA et un autre d’Air France. La seule femme présente sur scène venait, elle, de chez Carrefour. Tous ont montré leur détermination face à leur direction, face aux orientations du gouvernement, face, finalement, au monde qu’on leur propose. Itou pour les politiques, bien dans leur rôle de support de la mobilisation sociale.
Mais après quoi ? Les partis de gauche sont derrière le mouvement social, on le sait. Tous ? Oui, bien sûr. Mais comme pour l’unité syndicale qui bat très sérieusement de l’aile, les querelles de chapelle ont l’air d’avoir la peau dure puisque l’on n’a pas vu de représentant.e de la France insoumise à la tribune. De là à tirer des conclusions... « Les forces de gauche présentes sont unies aux côtés de toutes les mobilisations sociales » comme le rappelait Pierre Laurent. Et demain est un autre jour. Parce que, comme le prédit Olivier Besancenot, « le printemps sera beau ».
« les querelles de chapelle ont l’air d’avoir la peau dure ... »
Ce type de pseudo analyse me rappel un éditorial paru dans Télérama , magasine de « gôôche » , à propos de la lutte contre la loi El Khomeri, ou le journaliste renvoyait M Valls et P Martinez dos à dos en parlant de combat de coqs .
« Querelle de chapelle « est du même niveau , psychologie café du commerce très pratique pour éviter d’aborder les questions de fonds , et permet de faire passer des vessies pour des lanternes.
L’union de la gauche, on déjà fait le coup aux Français et ils ont vu ce qui c’est passer en 83 , deux ans seulement après l’accès de cette fameuse gauche au pouvoir. Résultat l’électorat populaire d’élections en élections se réfugie pour l’essentiel dans l’abstention ou le vote FN .
Plus jamais ça ! Quel avenir peut avoir une « union « entre d’une part B Hamon, EELV et d’autre part O Besencenot et le NPA , ce n’est pas sérieux . Cette union la , en admettant qu’elle parvienne au pouvoir ne durerait pas deux ans . Cette union de façade , n’est là que pour la photo, pour le symbole, mais que vaut un symbole sans fondement et par conséquent sans force .
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