Accueil > Spécial Cahuzac | Éditorial par Catherine Tricot, Clémentine Autain | 11 avril 2013

Au-delà du Cahuzac

Edito signé Clémentine Autain, directrice de Regards, et Catherine Tricot, rédactrice en chef.

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Où s’arrêtera la crise
politique enclenchée
par les révélations sur
le compte offshore de
Jérôme Cahuzac ? Son
mensonge devant l’Assemblée nationale
est extrêmement choquant. Mais il
n’est pas la seule dimension du scandale.
Celui qui n’hésitait pas à exiger
une rigueur extrême pour les catégories
modestes s’autorisait grand train,
tricherie et dissimulation de revenus. Il
ne voulait pas payer la part qu’il exigeait
des autres. Conscient d’être membre à
part entière d’une aristocratie sûre de
sa différence, il n’hésite pas à imposer
une politique saignante. Cahuzac fait
partie d’une caste, celle qui sait pour
tous et vit dans un autre monde, celui
de l’opulence. Que tant d’éditorialistes,
de journalistes, d’hommes et femmes
politiques aient traîné dans la boue
Mediapart et défendu sans sourciller
Cahuzac signe une solidarité aveugle
entre puissants qui rappelle par bien
des aspects l’affaire DSK…

Les aveux de l’ancien ministre du Budget
sont une déflagration car il ne
s’agit pas d’une affaire personnelle. Un
homme politique, ministre du Budget,
semble avoir obtenu des subsides qu’il
a dissimulés au fisc en échange de son
influence au service des laboratoires
pharmaceutiques. Sur le compte qui
fait aujourd’hui scandale, la somme passée
de la Suisse à Singapour n’est pas
une petite affaire : 600 000 euros. Que
ces manipulations de comptes aient pu
être orchestrées par ses copains de jeunesse,
des militants d’extrême droite,
ajoute à l’écoeurement.

Il n’est pas dans notre propos de dénoncer
une confusion entre public et privé
devenue générale. Mais elle est devenue
possible car depuis trente ans, l’esprit
public s’affaisse. Les passages de la
sphère publique à la sphère privée sont
non seulement tolérés mais devenus des
gages d’excellence. Ce n’est plus le service
du collectif qui donne la valeur mais
la réussite dans la sphère des affaires.
Un récent film – L’exercice de l’État, de
Pierre Schoeller – le montrait : le service
de l’État est réservé « aux vieux cons ».
Les autres font des affaires, transforment
leur carnet d’adresses en billets d’entrée
dans la sphère économique. Celle des
entreprises où l’on paye des salaires
mirobolants, verse des dividendes,
des stock-options…

Cette porosité entre le public et le privé
se retrouve dans toutes les affaires en
cours : affaires Tapie/Lagarde, Woerth/
Bettencourt, Karachi/Sarkozy, etc.
Sarkozy ose énoncer la possibilité de
son retour à l’Elysée alors même qu’il
prépare son atterrissage dans un fonds
de pension qatari. La France n’a pas l’exclusivité
de ces pratiques. Que Gerhard
Schröder ait quitté le pouvoir allemand
pour se mettre au service de Gazprom
était bien un signe fort de l’affaissement
des idéaux socialistes… C’est à pleurer.
Des hommes sont en cause, dans leurs
pratiques, leurs choix. Mais c’est bien un
système qui les a rendu possibles. Une République nouvelle doit s’inventer (cf
Une République nouvelle de Roger Martelli).

Au moment où l’on demande au plus
grand nombre de payer la crise, les trahisons
du ministre du Budget donnent
la nausée. Hollande, imperturbable, met
sur la table trois nouveaux chantiers :
les retraites, les allocations familiales, le
contrat de travail. La crise politique qui
vient de brutalement s’aggraver peut bloquer
ces projets funestes. La défiance à
l’égard de ces solutions, l’illégitimité de
cette politique a fait un bond dans les
esprits. Mais il ne suffit plus de dénoncer
les désastres. L’issue politique est dramatiquement
ouverte. Cela ne tournera
pas nécessairement bien. Ni mal.

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