Les SCOP ont le vent en
poupe. Pour les salariés
confrontés aux menaces sur
leur emploi et sur le devenir
même de leur entreprise, elle
apparaît comme une solution ultime. Dans
des situations moins dramatiques, elle apparaît
aussi comme une réponse possible
pour les entreprises – très nombreuses –
qui cherchent un repreneur lors du départ
en retraite du dirigeant-propriétaire de la
société. Mais au-delà, sa forme juridique lui
confère un grand attrait en temps de mondialisation
et de délocalisation. La gauche
la réhabilite et les syndicats la redécouvrent.
On le comprend. Rappelons-le, une société
coopérative et participative – c’est
le nouveau nom de l’ancienne « société
coopérative ouvrière de production » – se
définit principalement par la composition
de son capital, la répartition du pouvoir et
des bénéfices. Au minimum la moitié du
capital appartient aux salariés-coopérateurs
et chaque coopérateur compte pour
un, quelle que soit la part du capital qu’il
détient. Dans une SCOP, un homme = une
voix. Et ce, même quand l’homme est une
femme ! Cette structuration du capital met
les entreprises à l’abri des prédateurs qui
demandent des taux de rentabilité toujours
plus élevés et à deux chiffres. Elle
préserve ces sociétés d’une gestion purement
financière et des délocalisations. Les
réserves impartageables et la gestion par
les salariés s’accordent avec une gestion
sur le temps long, à l’opposé de la frénésie
de la rentabilité à court terme. La SCOP
serait-elle la panacée pour contrer les
tendances délétères de la mondialisation
libérale ? Assurément, elle a des atouts.
Une SCOP est localement située et sauf
cas exceptionnel (par exemple en cas de
guerre) elle ne bouge pas : les salariés
veulent la maintenir sur place.
Mais l’examen de la réalité du mouvement
coopératif révèle que derrière cette première
vision, demeurent bien des difficultés.
Les SCOP sont en général de petites – et
parfois de moyennes entreprises. Ce sont
rarement de grandes sociétés. Certes, Chèque Déjeuner emploie des milliers de
salariés, en France et à travers le monde ;
Acome est leader européen de la fabrication
des fibres optiques avec plus de mille
salariés, majoritairement des ouvriers. Au
sein du mouvement coopératif, on cite
volontiers ces deux exemples pour montrer
que rien n’empêche d’être une grande
entreprise, voire une grande industrie
en SCOP, de se développer et même de
conquérir une place de premier plan. Ces
fleurons du mouvement coopératif démontrent
que les salariés peuvent diriger et
conduire très valablement un grand projet
sans la tutelle des lois d’airain du marché
libéral. Mais ces exemples restent des exceptions.
Chèque Déjeuner est une société
de service aux entreprises ; ses besoins en
capitaux sont en rapport avec ce secteur
d’activité. Acome est devenue une grande
industrie au fil du temps : son ancienneté
est grande, sa croissance progressive.
Pourquoi est-ce si rare de rencontrer de
grandes entreprises sous la forme de SCOP ?
En premier lieu parce que les SCOP sont
rarement des sociétés à forte croissance
interne. Les salariés-coopérateurs n’ont
pas forcément la fibre conquérante. Assurer
le devenir de leur entreprise, leurs
emplois, de bonnes conditions de travail
et de rémunération constitue le coeur de
leurs objectifs. Les coopérateurs ne sont
pas des héros. Ils ne sont pas devenus
des « capitaines d’industrie » en devenant
coopérateurs. La forme plus démocratique
du fonctionnement de l’entreprise coopérative
préserve souvent de grosses erreurs
et d’aventures hasardeuses… Mais ne pousse pas toujours à innover et prendre
des risques. Le mouvement coopératif
s’interroge sur la manière de dynamiser les
coopératives, faute de quoi, il restera un
acteur important en terme d’emploi (2 000
SCOP et 47 000 emplois dont la moitié
sont des coopérateurs associés) mais un
acteur modeste en terme économique
et industriel.
L’autre grande difficulté du développement
des SCOP est externe. Dès que la taille de
la société devient importante, la transformation
d’une société classique en SCOP
se heurte à la constitution du capital. On
retrouve cette difficulté principalement
dans le cas de la reprise par les salariés
d’une société en dépôt de bilan ou dans
le cas du départ à la retraire du patron et
que s’ouvre la perspective d’une vente aux
salariés. Il est toujours très difficile de rassembler
les fonds nécessaires à d’importants
projets économiques a fortiori industriels…
Mais quand ces fonds doivent être
détenus majoritairement par les salariés,
cela devient un obstacle parfois insurmontable.
La difficulté se pose à des échelles
même relativement modestes quand se
mêle besoin en machines et patrimoine
immobilier. Les imprimeries, consommatrices
d’espace, utilisent des machines
de plusieurs centaines de milliers d’euros
pour quelques dizaines d’emplois : les
opérateurs n’ont pas les salaires qui leur
permettent de rassembler de tels capitaux.
Les ouvrières du textile, de Lejaby ou
d’ailleurs, pas davantage.
La nouvelle forme de coopératives, les
SCIC, société coopérative dans laquelle interviennent des collectivités locales sont
un élément de réponse. Ce fut une solution
pour l’emblématique dossier Lejaby.
Mais, les SCIC, qui ont un bel avenir, ne
sont pas une réponse universelle : les collectivités
locales n’ont pas les reins pour
abonder tous les projets économiques qui
en auraient besoin.
Le mouvement coopératif se dote d’outil
financier pour contribuer à résoudre ces
besoins. Mais il ne détient pas seul la clé.