Regards est un titre mythique de la presse française. Il fut d’abord un journal hebdomadaire, intitulé Nos Regards et fondé par le Secours ouvrier international en 1928. La parution s’est rapidement arrêté pour des raisons imprécises – sans doute un problème de financement. En 1932, paraît Regards sur le monde du travail, qui deviendra Regards tout court en 1933. De sensibilité communiste, c’est un des premiers magazines à avoir donné une place prédominante aux reportages photographiques. Bien avant Life (1936) ou Paris-Match (1949), Regards lance le photojournalisme dans les années d’avant-guerre. Léon Moussinac, critique et théoricien du cinéma, ami de Louis Delluc, dirige le magazine. Robert Capa et Henri Cartier-Bresson en sont les photographes attitrés. Edouard Pignon, artiste-peintre, s’occupe de la mise en page. Willy Ronis y publie ses premières images. Pour des raisons économiques, la parution de Regards s’arrête en 1962.
Trente-trois ans plus tard, en 1995, Regards réapparaît sous l’impulsion du PCF, avec le communiste Henri Malberg comme directeur. En avril 95, dans son premier édito intitulé « Un journal est né », il écrit :
« Un nouveau journal dans le paysage politique de notre pays. Vous lui donnez vie en le tenant entre vos mains, en parcourant les pages, "accrochés" par un titre, une illustration… […] Regards veut être un des lieux qui comptent dans le débat d’idées de ce pays. […] Notre vocation, c’est de prendre de front et avec honnêteté intellectuelle toutes les questions qui se posent. D’accueillir la diversité des points de vues et l’objection sérieuse comme un moyen d’approfondir et de faire avancer la réflexion de tous. D’accueillir l’apport de tous ceux qui cherchent à comprendre la société et le monde, tels qu’ils sont aujourd’hui. Regards s’efforcera de prendre avec l’actualité le recul qui favorise justement l’analyse réfléchie. […] Ce journal naît sans les moyens financiers dont bénéficie d’ordinaire le lancement d’une nouvelle publication. Peut-être, sans le temps qu’il y faudrait. En tout cas, il faut justifier la confiance, faire ses preuves, répondre aux attentes. L’équipe du journal a le désir sincère d’y parvenir. Mais il faut le soutien, la contribution, les idées des lecteurs eux-mêmes. […] Ce journal qui naît est donc un chantier qui s’ouvre. Avec vous. »
En 2000, une refonte de la formule est élaborée par la nouvelle direction du journal : l’historien Roger Martelli, directeur de la rédaction, et l’architecte Catherine Tricot, rédactrice en chef. La formule de 2000 renoue avec le concept originel : investigation du monde au travers du photojournalisme, enquêtes et contributions d’intellectuels. « Regards continue et change », écrit alors Roger Martelli en septembre 2000 :
« Journal politique, mais d’une politique moins attentive aux question de pouvoirs qu’aux questions de sens, de valeurs, de choix. Journal d’engagement, de prise de parti mais sans parti pris, sinon celui de la clarté des débats. Journal d’analyse, mais sans élitisme de forme, sans prétention à instruire. […] Nous sommes convaincus que le plaisir et l’intelligence ont partie liée. Que la forme et le fond sont inséparables. Que l’image, l’enquête, le reportage photo , l’étude sont d’égale dignité. Si ce journal, à vos yeux, est à la fois bel et bon, nous aurons atteint notre but. »
En octobre 2003, après le dépôt de bilan de la Société des Editions du Journal Regards, onze salariés du mensuel s’engagent financièrement individuellement et s’associent collectivement pour créer une Scop (Société coopérative de production). Formule rare dans un paysage médiatique désormais propriété quasi exclusive des grands groupes financiers, Regards appartient donc aujourd’hui à sa rédaction. Les salariés sont membres fondateurs, ils possèdent 51% du capital et 65% des voix. Les coopérateurs élisent Catherine Tricot à la tête de la Scop dont elle assure la gérance. Roger Martelli et Clémentine Autain assurent la direction de la rédaction, et Emmanuelle Cosse en est la rédactrice en chef.
Au printemps 2010, dans un contexte de crise des modèles économiques de la presse, la Scop est liquidée. Malgré tout Regards passe l’épreuve et reste dans les mains de ses salariés. La pétition et l’appel à soutien lancés auprès des lecteurs pour tenter de sauver le journal, reçoivent un accueil favorable. Une nouvelle Scop est créée, "Les éditions Regards", dans laquelle quatorze salariés (réguliers et pigistes) s’engagent de nouveau financièrement. Gérante de cette Scop, Clémentine Autain est également la directrice de publication du nouveau Regards dont le rédacteur en chef est Rémi Douat. Nouveau format, nouvelle maquette, nouvelles rubriques, le mensuel, dont le premier numéro sort en juillet 2010, reçoit de bons échos dans la presse au moment de sa relance. A cette occasion, Clémentine Autain écrit :
« Cette nouvelle formule de Regards est toujours plus politique, encore plus branchée sur les idées et la création. Parce qu’un autre monde doit naître. Postcapitaliste. »
Dans le même temps, la rédaction signe cet édito de présentation :
« Ce nouveau journal nous ressemble : il s’inscrit dans une continuité et il change. Nous restons inquiets des violences du monde, désireux de le voir changer. Nous trouvons toujours nos espoirs dans l’inventivité des luttes, dans le travail intellectuel critique et dans la créativité artistique. Notre horizon : le post-capitalisme. Mais nous prenons acte de la grave panne d’idées et de projets à gauche. »
Au premier trimestre 2011, Regards assoit sa présence sur Internet en refondant son site regards.fr.
En 2012, Regards fait sa mue, avec un site plus dynamique, un e-mensuel et un trimestriel dont Catherine Tricot prend la rédaction en chef. Jérôme Latta devient le responsable éditorial de regards.fr.
A l’hiver 2013, le trimestriel sort sous sa nouvelle forme, celle que vous connaissez aujourd’hui. Dans son édito « Regarder pour inventer », Catherine Tricot écrit alors :
« Si nous avons décidé de créer ce trimestriel, c’est parce que nous pensions que la lenteur est nécessaire à l’enquête, au reportage, au décryptage. Ce nouveau rendez-vous entend interroger vivement l’espace politique dans lequel nous nous situons : la gauche de gauche. Nous aimons son ambition, celle de n’accepter ni l’ordre ni l’ordre des choses ; nous ne nous cachons pas pour autant sa difficulté à penser le monde contemporain. […] Un trimestriel qui ne veut rien moins que contribuer à dynamiter la gauche qui ne peut plus grand-chose. Et dynamiser celle qui veut encore changer le monde et chacun de nous. »
En 2017, Pierre Jacquemain devient rédacteur en chef de la revue et Pablo Pillaud-Viven responsable éditorial de regards.fr.
À l’été 2019, le trimestriel devient semestriel : un numéro en janvier et un numéro en juin. Regards est désormais diffusé en librairie et la maison d’éditions Au diable vauvert devient son éditeur.
Abonnez-vous pour 5 euros par mois.
Bravo à Clémentine Autin pour sa prestation à l’émission de France 2 hier soir. Je lui attribue sans la moindre hésitation la palme de l’intelligence et de la pertinence dans ses réponses et dans ses développements – qu’elle voudra bien partager avec un autre invité de l’émission, le philosophe André Comte-Sponville. Je ne connaissais pas "Regards", pas plus l’actuel que l’ancien, ou l’ancêtre plus exactement. Cherchant sur internet, je suis d’abord tombé sur un historique, semblant exhaustif, de la revue illustrée de photographies et de photomontages "Regards sur le monde du Travail", conçue à l’époque par le PCF comme outil d’éducation des masses selon des modèles pré-existants en Russie soviétique et en Allemagne, et comme arme contre la presse bourgeoise (cf. etudesphotographiques.revue.org). Passionnant ! La question que je me suis immédiatement posée fut celle, bien sûr, de savoir s’il y avait un quelconque rapport, un fil, entre les deux revues sous le même titre. Eh oui, il y en avait un et c’est en allant sur votre site internet que je l’ai découvert.
Il est évidemment toujours réjouissant et rassurant d’entendre des gens défendre, sur les grands médias, les choses d’un point de vue rationnel, humaniste et républicain tel que nous l’entendons ici, en France. Il est non moins réjouissant d’entendre exposés par principe les problèmes de toute nature du point de vue des masses exploitées et de la classe ouvrière luttant pour ses intérêts. Malheureusement, pour important que cela soit, cela reste au mieux simples discours de principe, au pire déclarations, peut-être justes, mais hyper-confidentielles. Il ne suffit pas de proférer des vérités, il faut leur faire un lit et une demeure au sein des masses, et ce dans un but authentiquement révolutionnaire : c’était l’enjeu en 1932 sans doute encore où chaque militant savait que la Révolution était un acte violent consistant à exproprier le Capital en imposant la volonté collective de la classe ouvrière à la bourgeoisie et à son état, sa police et son armée. On en est aujourd’hui à des années lumières, évidemment. Et ce n’est pas le Front dit de Gauche qui y change quoi que ce soit, ce ramassis d’organisations petites-bourgeoises qui ont presque peur de leur ombre, PCF compris, évidemment. Le stalinisme est passé par là, entres autres – mais pas seulement, bien sûr ! : Berlin 53, Budapest-Pest 56, Prague 68, etc. – par le pacte Hitler-Staline, lequel a fait plus de mal au prolétariat mondial jusqu’à aujourd’hui, que toutes les armées blanches et contre-révolutionnaires du monde réunies et même d’au delà ! Pour ma part, je re-militerai ou re-paierai une cotisation à une organisation se réclamant de l’émancipation du prolétariat et de l’humanité quand celle-ci 1° : proclamera à nouveau qu’elle lutte ouvertement pour l’expropriation sans indemnités et donc d’autorité du Grand Capital et 2° : qu’elle voit son but ultime dans le combat pour socialisation des moyens de production et d’échanges et qu’elle reconnaîtra la nécessité, dans cette optique, de la dictature du prolétariat via des organisations du types Conseils ouvriers, responsables et révocables.
Vive la Commune, vive 1917, vive le Communisme vivant !
Bien amicalement à vous en vous souhaitant tout de même bon succès. J.-Ph. CH.
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