Ce qui compte, c’est le mot d’ordre. A cet égard, "Macron démission !" me semble tout à fait éloquent. Ce n’est pas, on le suppose aisément, pour sa trop grande bienveillance en faveur des migrants que les gilets Jaunes demandent le départ du président. Ce qui caractérise Macron, c’est sa politique antisociale. Par voie de conséquence, "Macron démission !" est une revendication sociale. A partir de là, peu importe qui ils sont, leur cause est juste.
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par Clémentine Autain
Ceux qui se découvrent soudain un amour de l’impôt pour ranger dans la catégorie poujadiste le rejet de la taxe diesel me font rire : comme si tous les impôts se valaient. Comme si la TVA et l’impôt sur le revenu par exemple, c’était la même chose. Les Gilets Jaunes ont d’ailleurs parfaitement répondu à cette accusation : pourquoi la taxe diesel et pas l’ISF ? Pourquoi nous et pas eux ? Pensée verticale : le haut et le bas. On ne saurait raisonner davantage en antagonisme de classe.
Les amoureux des taxes sont toutefois battus en hypocrisie par les délicats qui trouvent le mouvement vraiment trop mal fréquenté. « Sans moi », disent-ils. C’est qu’il ne faudrait pas se mélanger avec n’importe qui. Je crois que pour ceux-là, le temps des révélations est venu.
Un mouvement social n’est pas une boîte de nuit : on ne filtre pas à l’entrée. Ce n’est pas une entreprise : on ne vérifie pas les CV. Ni un dîner de gala : on risque de casser un peu de vaisselle. On connait la formule de Mao, mais voici ce qu’il ajoutait, pour être tout à fait clair : « La révolution, c’est un soulèvement, un acte de violence par lequel une classe en renverse une autre ». Ceux qui pensent qu’après trente-cinq ans de matraquage néolibéral inouï, un changement de paradigme pourrait se faire dans le calme, sont soit des naïfs soit des complices.
En matière de violence, comme nous le rappellent tous ces gens qui témoignent sur leurs condition de vie, ce n’est pas eux qui ont commencé.
J’ignore si le mouvement va prendre ou, comme ceux qui l’ont précédé, s’éteindre tranquillement après que le gouvernement aura réussi à tenir jusqu’à la phase de pourrissement et la prochaine élection. Mais je sais une chose, tout de même : en matière de violence, comme nous le rappellent tous ces gens qui témoignent sur leurs condition de vie, ce n’est pas eux qui ont commencé.
Alors, oui, c’est entendu, la question écologique est devenue la mère de toutes les urgences. Mais combien de CO2 rejette le moindre vol transatlantique ? Si nous voulons sauver la planète, commençons par nationaliser Total, fermons des aéroports, arrêtons de remplacer le train par le bus et multiplions les petites lignes au lieu de les supprimer, mais ne demandons pas aux pauvres de régler le problème. Pourquoi le feraient-ils ? Pourquoi quelqu’un qui ne sait pas comment tenir jusqu’à la fin du mois devrait-il se préoccuper des décennies à venir ?
Par quoi on voit bien que l’urgence dans l’urgence, c’est encore la question sociale, et les barricades sur les Champs sont là pour nous le rappeler, parce que, sans doute, nous avons trop facilement, tous autant que nous sommes, tendance à l’oublier.
Laurent Binet,
écrivain
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Mao a aussi dit : "Si tu passes la main entre tes jambes et que tu sens une deuxième paire de couilles, c’est que l’ennemi est derrière toi."
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