Accueil | Par Marie-Christine Vergiat | 17 mai 2018

Réfugiés : l’eurodéputée Vergiat interpelle Macron

Marie-Christine Vergiat, députée européenne membre de la Gauche unie européenne, revient sur la situation des réfugiés en Europe et rétablit quelques éléments de vérité dans une tribune que Regards publie en exclusivité.

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A deux reprises ces dernières semaines, Emmanuel Macron a appelé à la solidarité intra-européenne en matière migratoire : la première, le 17 avril à Strasbourg devant le Parlement européen et la seconde, le 10 mai à Aix-la-Chapelle à l’occasion de la remise du prix Charlemagne. Et ce, en pleine discussion du projet de loi asile/immigration contesté par l’ensemble des organismes internationaux et des associations qui travaillent sur ces sujets qui le considèrent inutile, voire dangereux.

En tant que Président de la République française, il fallait oser, surtout la seconde fois, devant Angela Merkel ! En effet, la France est un des rares pays à ne pas avoir été vraiment concerné par les mouvements de réfugiés qui se sont déroulés de mai 2015 à mai 2016 entre la Turquie et la Grèce et sur une période plus longue vers l’Italie.

Entre 2015 et 2017, la France n’a enregistré que 240 000 demandes d’asile, soit moins de 8 % du total des 3,15 millions de demandes enregistrées dans l’Union sur cette période, six fois moins qu’en Suède et cinq fois moins qu’en Allemagne qui a reçu plus de 40 % de ces demandes d’asile en chiffres absolus et 60 % des demandes syriennes.

La réalité des chiffres

Et surtout, la France n’a accordé la protection internationale qu’à 81 950 de ces demandeurs, soit un taux d’acceptation de moins de 40% en moyenne alors que ce taux est de 61 % en moyenne dans l’UE et de 69 % en Allemagne. Ce taux varie selon les pays en pourcentage mais aussi en fonction de la nationalité. En France, il est dix fois inférieur à celui de la Suède , huit fois à celui de l’Allemagne et trois fois à celui du Danemark et de la Belgique.

Au prorata de la population, le cynisme du Président de la République est encore plus flagrant puisque notre pays se situe en 14ème position dans l’UE. Le nombre de réfugiés accueillis est de 0.12 % de la population française, plus ou moins au même niveau que la Bulgarie, loin derrière l’Allemagne (1 % de la population) et plus encore de la Suède (1.25 %).

Pire encore, les autorités françaises refoulent systématiquement tous ceux et toutes celles qui tentent de franchir la frontière franco-italienne (30 000 refoulements annuels) au mépris du droit international et du droit européen notamment pour les mineurs et les demandeurs d’asile dont la situation n’est même pas examinée. Elles contrôlent au faciès, particulièrement à bord des trains et des véhicules automobiles, toutes celles et tous ceux qui semblent subsahariens.

Refaire de l’Europe une terre d’accueil

Elles poursuivent celles et ceux qui tentent, envers et contre tout, par humanité, de venir en aide à ces hommes, ces femmes et ces enfants qui, ayant fui misère et persécutions, tentent de trouver une terre d’accueil en Europe et ne font le plus souvent que traverser la France pour aller vers des terres plus hospitalières. Et ce, alors que la France n’a pas tenu ses engagements européens pour accueillir des demandeurs d’asile arrivés en Grèce ou en Italie dans le cadre du mécanisme de solidarité qu’a tenté, en vain, de mettre en œuvre la Commission européenne. Qui doit faire preuve de solidarité intra-européenne sinon la France !

Au regard de ces constats, il faut plus qu’une dose de mauvaise foi pour dire, comme notre ministre de l’Intérieur, qu’en France, il y aurait des "régions submergées" par les migrants et les réfugiés.

Non la France, pas plus que l’Europe, n’est envahie par les réfugiés et les migrants, la majorité d’entre eux sont accueillis dans les pays limitrophes des zones de crise. C’est notamment vrai pour les Syriens dont l’immense majorité a été accueillie en Turquie, en Jordanie et au Liban. Le Liban accueille 178 réfugiés pour 1 000 habitants ce qui rapporté à la France donnerait plus de 12 millions de réfugiés.

Se battre pour un droit à la migration digne

On prétend vouloir faire le tri entre les "bons" réfugiés et les "mauvais" migrants dits économiques alors que les causes de migration sont de plus en plus complexes et intrinsèquement liées. On oublie que le continent d’où sont issus le plus de migrants au prorata de sa population est le continent européen et que la majorité d’entre eux l’ont fait et le font encore aujourd’hui pour des motifs économiques comme si certains étaient plus nobles que d’autres : les "bons expatriés" du Nord et les "mauvais migrants économiques" du Sud.

En réalité, la majorité des migrations dans le monde se fait de façon régulière et 85 % des migrations d’entre elles entre pays proches, entre pays de même niveau de développement et donc beaucoup entre pays pauvres. Et chaque année, près de 3 millions de migrants arrivent régulièrement sur le sol de l’UE y compris pour des raisons économiques.

Il serait temps pour les hommes et femmes politiques qui dirigent ce pays de regarder la réalité des chiffres et de rappeler tout ce que les migrants qui sont arrivés en France lui ont apporté comme richesse artistique, littéraire, scientifique et bien d’autres. Notre pays est une vieille terre d’immigration, cela devrait être un atout dans ce monde de plus en plus "mobile". Plutôt que d’agiter les peurs et les fantasmes, regardons l’avenir avec réalisme et sachons voir que chaque fois que l’on en a appelé à la solidarité, nos concitoyens ont répondu présents comme au moment du démantèlement de Calais et qu’ils ont refusé que l’on attise les haines.

Emmanuel Macron à Aix-la-Chapelle a dit que les utopistes étaient des pragmatiques et des réalistes. Les migrations sont une réalité, un des défis du XXIème siècle. Alors chiche monsieur Macron, soyons utopistes et battons-nous pour un droit à la migration digne de l’article 1er la Déclaration des droits de l’Homme dont nous fêterons cette année le 70ème anniversaire.

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