Accueil | Par Hamid Enayat | 8 décembre 2021

TRIBUNE. Noury est jugé en Suède : pourquoi est-il le seul ?

En 88, en Iran, l’ayatollah Khomeini considérait le mouvement OMPI comme une menace. Il a émis une fatwa, conduisant au massacre de 30.000 personnes. Trente ans plus tard, un seul homme est jugé : Noury.

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Au cours de l’été 1988, un événement horrible s’est produit en Iran qui a coûté la vie à environ de 30.000 prisonniers politiques dont 90% appartenait de l’Organisation des moudjahiddines du peuple iranien (OMPI/MEK). Destiné à chasser toute opposition, ce massacre a été orchestré par le régime iranien. Khomeini a émis une fatwa contre l’OMPI/MEK, dans le but d’éradiquer ce groupe qui défendait la liberté et la séparation de la religion et de l’État. Noury a participé à ce massacre, en servant à la prison de Gohardasht, où il a conduit des personnes à la Commission de la mort, puis au Hall de la mort où elles ont été exécutées par pendaison. Le nombre exact de personnes exécutées, torturées ou disparues n’a pas été établi et personne n’a été tenu pour responsable.

 

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En novembre 2019, Noury a été arrêté à l’aéroport d’Arlanda après être arrivé en Suède. Bien qu’il n’ait pas agi seul, comme l’ont attesté les nombreux témoins de son procès, Noury est seul à être jugé. Le président iranien Raïssi était membre de la Commission de la mort, pourtant, au lieu d’être tenu responsable de ses actes, Raïssi est utilisé comme un rappel au peuple iranien de ce qui peut arriver s’il soutient l’opposition de quelque manière que ce soit.

« Des crimes très graves ont été commis, mais leurs auteurs jouissent toujours de l’impunité. Il est très important que les responsables de ces crimes rendent des comptes afin que les survivants et leurs familles puissent obtenir une certaine forme de réparation », a déclaré John Stauffer, directeur juridique de Civil Rights Defenders.

En raison de l’exode qui s’est produit au cours des 40 années de pouvoir du régime, 80.000 Iraniens nés en Iran vivent en Suède. Beaucoup d’entre eux se souviennent d’avoir été détenus ou ont des amis ou des membres de leur famille qui ont été torturés ou exécutés par le régime. En 1988, les prisonniers n’ont plus pu recevoir la visite de membres de leur famille et les cas de torture n’ont fait qu’augmenter. Puis les exécutions ont commencé, qui visaient différents groupes mais principalement ceux qui soutenaient l’OMPI/MEK.

Il faut également noter que des témoins ont parlé de prisonniers transférés à Gohardasht, pour être parmi les premiers exécutés.

Malgré les efforts du régime, tant en 1988 qu’après, le mouvement MEK est bien vivant. Avec la pauvreté croissante et les ravages économiques causés par le régime en Iran, le peuple réclame sa liberté et la réponse du régime est d’accroître l’oppression.

J’entendais la voix de Hamid Noury, qui disait : « Battez ces Monafeghs [le terme utilisé par le régime pour désigner les membres et les partisans du MEK, ndlr] pour qu’ils ne fassent pas de telles choses », a déclaré Hassan Ashrafian, ancien prisonnier politique et témoin du procès de Noury.

D’autres ont vu des prisonniers brisés mentalement avant leur exécution. Les familles ne savaient pas si leurs proches avaient survécu pendant des mois, et certaines familles n’ont jamais reçu le corps de leurs proches exécutés. C’était une expérience horrible et un véritable crime contre l’humanité.

« La Suède a l’opportunité et la responsabilité de poursuivre la justice pour ce type de crimes graves. Il est donc très important que la Suède contribue aux efforts contre l’impunité qui prévaut pour de tels crimes en Iran et dans d’autres pays », a déclaré M. Stauffer, directeur juridique de Civil Rights Defenders.

Des enquêtes pénales ont été menées par d’autres pays européens pour des crimes internationaux, et ce dernier procès montre que, même si la justice prend du temps, il est possible que les responsables aient à rendre des comptes.

Pourquoi cette condamnation est-elle si nécessaire ?

Tout simplement parce qu’elle permettra au peuple iranien de faire un pas de plus vers la justice qu’il mérite. L’ayatollah Khomeini estimait que le mouvement MEK devenait trop puissant et le considérait comme une menace pour son leadership. Il a donc émis une fatwa visant à éradiquer ce groupe, ce qui a conduit au massacre de 1988. Bon nombre des personnes qui ont participé au massacre n’ont fait que s’élever au sein du régime et aucune n’a été tenue de rendre des comptes.

Pourtant, le procès de Noury rompt cette tendance et montre qu’il est possible de demander justice. Malgré les efforts du régime, tant en 1988 qu’après, le mouvement MEK est bien vivant. Il s’est renforcé, notamment parce que les jeunes réalisent qu’il n’y a pas d’avenir en Iran sous le régime et veulent se battre pour quelque chose de mieux.

Avec la pauvreté croissante et les ravages économiques causés par le régime en Iran, le peuple réclame sa liberté et la réponse du régime est d’accroître l’oppression. En demandant au régime de rendre des comptes pour ce massacre et ses autres violations des droits de l’homme, la communauté internationale peut montrer qu’elle est aux côtés du peuple iranien.

 

Hamid Enayat

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