Une manif’ pour commémorer l’autre 8 mai 1945

Plusieurs collectifs et organisations ont manifesté hier à Paris pour rappeler que le 8 mai 1945 est aussi la date anniversaire de massacres perpétrés par l’armée française en Algérie. Dans le cortège, on défendait la nécessité pour les quartiers populaires de se réapproprier la politique de façon autonome.

« Jour de libération pour les uns, jour de massacre pour les autres. »Tandis que l’ancien et le nouveau Président de la République célébraient hier de concert la date anniversaire de la capitulation allemande Place de l’Étoile à Paris, un autre cortège arpentait les rues de la capitale, commémorant un autre 8 mai 1945 : celui des massacres de Sétif, de Guelma et de Kherrata en Algérie. « Nous sommes là pour commémorer, mais aussi pour faire en sorte que cette date entre dans l’histoire de France. Cette date est importante, pas seulement pour la commémoration des morts, mais aussi pour montrer toutes les contradictions de la société française qui se prétend universelle, égalitaire. Or nous, nous savons qu’il n’en est rien. Aujourd’hui encore, on nous considère comme une menace pour l’identité française, et nous continuons d’être traités comme des indigènes. », déclarait hier, Houria Bouteldja, porte-parole du Parti des indigènes de la république (P.I.R). Organisée par plusieurs collectifs, dont le P.I.R, La Brigade anti-négrophobie, ou encore Génération Palestine, la manifestation a rassemblé plusieurs centaines de personnes entre Barbès et Châtelet, et parmi elles, Mehdi Ben Barka, Sitting Bull, Aimé Césaire, Gandhi, Sankara, Malcom X, Toussaint Louverture… Autant de figures de l’anti-colonialisme, portées à bout de bras sur des pancartes, solidaires des revendications scandées par la foule : « Ni pitié ni repentance, dignité et résistance », «  Intégration, non. Égalité, oui », « L’Algérie a vaincu, Palestine vaincra », « L’impérialisme, y’en a marre, négrophobie, y’en a marre, islamophobie, y’en a marre » « Nous sommes tous des femmes voilées », « De gauche, de droite, le racisme, on n’en veut pas ».

En tête de cortège, une large banderole interpelle le nouveau Président socialiste : « Hollande, on ne compte pas sur toi, tu ne pourras pas faire sans nous. » Parce qu’au-delà de la commémoration des massacres perpétrés par la France en Algérie au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’enjeu de la manifestation est de « marquer un premier pas vers un front politique de résistance pour et par les quartiers populaires ». « Nous voulons montrer que nous ne nous comportons plus comme des colonisés, déclare Franco, porte-parole de la Brigade anti-négrophobie. L’éviction de Sarkozy du pouvoir politique, c’ est symboliquement fort. Quant à savoir qui le remplace, ce n’est pas notre problème. Que ce soit la gauche ou la droite, nous avons toujours été discriminés, et la politique coloniale a toujours persisté. À partir de maintenant, nous allons combattre par nous même le racisme d’État. Nous avons voulu nommer le racisme que nous subissons, à savoir la négrophobie, pour pouvoir mieux le combattre, parce jusqu’ici l’antiracisme de façade employait un terme vague : “l’antiracisme”, un peu comme si on disait “lutte contre la maladie ”. Nous avons nommé notre mal, et décidé de le combattre. » 

Cette manifestation du 8 mai fait suite à une initiative portée par les quartiers de plusieurs villes de France, pendant la campagne électorale, intitulée le Printemps des quartiers. « Nous voulions exister pendant la campagne électorale afin que nos problématiques, à savoir l’islamophobie, la négrophobie,l’anti-impérialisme, la Palestine, la justice sociale, les quartiers populaires, soient enfin abordées. On a fait plusieurs débats dans toute la France, Lyon, Marseille, Toulouse, Grenoble etc. La suite logique était de terminer par une manif ‘nationale », déclare Youssef Brakni, du groupe des associations de Bagnolet. Et de poursuivre sur l’arrivée de la gauche au pouvoir. « Hollande a fait un tour dans les quartiers, mais c’est de la com’. Sarkozy, on n’attendait rien de lui, c’est l’homme de la racaille, mais souvent les gens attendent davantage de la gauche. Or depuis 30 ans, le PS ne s’occupe pas de nos problématiques. Toutes les politiques, Ni putes ni soumises, la marche pour l’égalité avec la création de SOS racisme, ou encore la politique des grands frères, sont faites pour empêcher que la politique émerge dans les quartiers. C’est pour cette raison que nous voulons exister de manière autonome, sans aller vers ces organisations politiques de gauche, comme le PC, vers qui nous allions habituellement. Notre maître mot, c’est l’autonomie. »

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