La vente de café enfin autorisée en prison

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Faut-il mettre les alcooliques en prison pour protéger la société? Faut-il interdire le café aux détenus? Quelle place pour les transsexuels dans les établissements pénitentiaires? À quoi servent les prisons? Drôles de questions. Tristes réponses.

Depuis janvier 2013, les détenus des prisons françaises peuvent enfin s’offrir un petit café ! Rien d’extraordinaire, et pourtant si : le nectar était interdit de vente en cantine depuis 1986, « la caféine était en effet considérée comme susceptible de troubler l’ordre interne en raison de son effet excitant ». Une info parmi d’autres glanée dans les colonnes de Dedans Dehors, le bimestriel de l’Observatoire international des prisons (OIP), dont la lecture est édifiante. On y apprend que le café n’est pas le seul produit frappé d’interdit, la farine et le scotch étant toujours prohibés dans certains établissements pénitentiaires, l’un pouvant servir de matière première pour fabriquer de la colle, l’autre à tisser la corde pour se pendre.

Ne pas s’énerver. Tenir bon. Ne pas s’évader, de quelque manière que se soit. Et pourtant.

On le sait, les conditions de vie en prison sont épouvantables.
La France est régulièrement mise en cause par la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH), elle vient d’ailleurs à nouveau d’être condamnée le 25 avril dernier pour « conditions de détentions dégradantes ».
Le taux de suicide des détenus dans les prisons françaises est deux fois supérieur à la moyenne constatée dans les 47 pays de l’Union européenne.
La France fait aussi partie des 20 pays de l’UE qui connaissent une surpopulation carcérale.

Alors on fait quoi ? On ferme la taule ? Non, on en construit de nouvelles. Modernes, high tech, sécurisées. À l’image de celle inaugurée par la ministre de la Justice, Christiane Taubira, le 30 avril dernier, à Condé-sur-Sarthe, dans l’Orne. «  La prison la plus sécurisée et la plus sûre de France. » Coût : 67 millions d’euros.
On se donne les moyens pour assurer la sécurité des gens du dehors. Dedans, il semblerait que l’inhumanité de ces nouveaux établissements modèles, archi-sécuritaires et entièrement automatisés, avec « plus de portes, plus de grilles, plus d’alertes » (Politis du 16 avril 2013), où les contacts entre gardiens et détenus sont quasi inexistants, engendre davantage de suicides. Aussi parce qu’il est plus facile de mettre fin à ses jours dans une cellule individuelle que lorsqu’on partage sa turne avec d’autres. La surpopulation carcérale ne serait pas seule en cause. L’isolement ne serait pas la solution. Il faut chercher ailleurs les raisons d’en finir. Dans les pages de Dedans Dehors.

Page 14, on s’interroge : «  L’état de détention justifie-t-il de priver les détenus de contrats de travail et de tous les droits afférents? » Oui, si l’on se réfère à l’article 717-3 du Code de procédure pénale (CCP). Mais, petite lueur d’espoir, le Conseil constitutionnel a été saisi et devrait plancher prochainement sur la question. Cela dit, la loi n’est pas tout, encore faut-il qu’elle soit appliquée. Pour exemple, depuis 2009, le taux horaire de travail en prison est indexé sur le SMIC, mais « l’administration continue d’appliquer un tarif journalier et en production, un tarif à la pièce ».

Page 18, Nathalie, alcoolique, se cogne un méchant sevrage au fond de sa cellule – sans assistance médicale. Condamnée pour conduite en état d’ivresse à deux mois d’emprisonnement avec sursis et mise à l’épreuve, elle a finalement atterri en prison pour n’avoir pas respecté l’obligation de soins (elle n’aurait pas justifié de suffisamment de rendez-vous, sauf que la procédure ne tient pas compte du manque de structures de soins et des délais d’attente qui en découlent). À juste titre, l’auteure de l’article pointe les écarts entre le discours et les actes : « Alors qu’est annoncée une politique pénale n’utilisant l’emprisonnement qu’en ultime recours, l’incarcération des malades suit son cour… »

Page 20, un jeune schizophrène, incarcéré avec deux codétenus, dormant sur un matelas à même le sol, a attendu 13 mois avant d’obtenir une prise en charge psychiatrique « en hospitalisation d’office, après qu’il eu cesser de s’alimenter ». L’État est condamné à lui verser 12 000 euros.

Page 22, Nathalie, transsexuelle de 41 ans, s’est pendue dans sa cellule. Elle, Martial pour l’état civil, avait appris le jour même le refus de la Chambre des affaires familiales d’officialiser son prénom féminin, sous prétexte qu’elle n’était pas opérée. Transsexuelle en prison, un impensé carcéral qui assigne une femme au quartier des hommes. Un maquillage léger, pourtant autorisé, lui vaudra d’être renvoyée de force dans sa cellule et lui coûtera une journée de travail. Devant la commission de discipline, elle devra répondre de la possession d’un fer à friser. Pour avoir déchiré son étiquette de porte où était inscrit son prénom masculin, elle sera sanctionnée d’un avertissement. Enfin, le 2 mai 2012, « en raison de la gestion de [sa] féminité, afin d’assurer sa sécurité (…) Nathalie sera soumise à un régime différencié proche de l’isolement, le “régime contrôlé contraint”, qui limite ses relations en détention, réduit son accès au travail et la prive de toute activité socioculturelle ».

Rien que sur la page 22, on compte quatre morts. Quatre hommes dont une femme. Tous victimes d’incarcération, qui, comme le dénonce Vincent Spronk, directeur de la maison d’arrêt de Forest, à Bruxelles, page 54, est « une peine violente, [elle est] là pour faire mal ».

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