Il s’est dit déçu. Déçu de voir son parti ressembler de plus en plus à ce qu’il prétend combattre : la caste. Juan Carlos Monedero, secrétaire au programme de Podemos et véritable idéologue du mouvement, s’est fait, au fil du temps, de plus en plus critique envers les positions politiques des dirigeants de l’organisation. Et pourtant, c’est la non-prise de position sur l’échiquier gauche / droite qui a décidé Monedero.
Monedero récupère sa voix
Trop de discours anti-caste, trop de communication et pas assez d’idées politiques de gauche assumées, pas assez d’importance donnée aux cercles. Voilà les reproches de Monedero. On le savait sur le point de partir, sa mission (élaborer le programme du parti) étant remplie, mais personne n’imaginait que cela se produirait avant les élections régionales et municipales du 24 mai.
Peu de temps après sa démission, Monedero publiait sur son blog un message à l’adresse de Pablo Iglesias, "Pour mon ami Pablo", une déclaration d’amitié et de fidélité à son compagnon de toujours. Il dit avoir quitté le parti pour « pousser avec beaucoup plus de force ce projet », sans les contraintes d’organisation ni les « urgences électorales ». Le cerveau politique récupère sa liberté de parole, sa « voix ». Une décision qu’Iglesias prend avec une certaine admiration, lorsqu’il qualifie Monedero d’« intellectuel qui doit voler », rappelant combien Podemos a besoin de sa « capacité critique ». Pourtant, il faut bien que quelque chose se soit rompu dans cette amitié, pour qu’elle prenne ce tournant.
Les deux Podemos
Les divergences internes à Podemos ne datent pas d’hier. Depuis toujours (soit un peu plus d’un an), deux groupes de partisans tirent les draps de leur côté du lit, « deux âmes », pour citer Monedero. D’un côté les pro-Iglesias, pour lesquels seul un parti bien groupé derrière son leader peut espérer obtenir quelque résultat dans les urnes. Pour ce faire, Iglesias fédère autour de la lutte "peuple contre caste", sans jamais faire référence à son riche héritage communiste. De l’autre côté, c’est-à-dire du côté gauche, ceux qui marchent derrière plusieurs leaders (Monedero, Pablo Echenique, Teresa Rodriguez, Lola Sanchez, Miguel Urban, pour ne citer que les plus connus), et qui se veulent plus fidèles aux valeurs du mouvement des Indignés (15M) et au pouvoir plus horizontal.
Dirigé par Iglesias et son pragmatisme électoral, mais composé d’un bon nombre de nostalgiques du 15M, le parti connaît inévitablement des tiraillements. Alors, quand la tête se détourne de sa gauche fondatrice, les jambes vacillent – même si le chef de file tente de rassurer ses troupes : « Je crois que [sa] démission ne va pas nous affecter. Cela ne vas pas nous enlever des votes. Humblement, nous allons continuer à travailler pour pouvoir gagner les élections, et puis nous verrons ce qu’il se passe dans les urnes. »
Trop rouge pour Podemos ?
Monedero souffre d’une réputation de personnage orgueilleux, doublé d’un chavisme assumé. Proche de plusieurs gouvernements sud-américains, il prodiguait même ses conseils politiques aux dirigeants du Venezuela, de l’Équateur, de la Bolivie et du Nicaragua. Au point qu’en janvier, il se trouvait accusé d’avoir caché au fisc espagnol 425.000 euros en provenance d’Amérique latine. En février, Monedero se voyait contraint de verser 200.000 euros pour apaiser le fisc, et de publier des extraits de ses comptes bancaires pour rassurer les podemistas.
Monedero est un rouge, un vrai. Il revendique sans cesse son héritage : « Je tiens plus d’Eduardo Galeano que de Game of Thrones », en référence à la série favorite de Pablo Iglesias. Et il prône un discours beaucoup plus agressif vis-à-vis de ses adversaires. Pour Monedero, Podemos devrait « donner beaucoup de fil à retordre au PP et à ceux qui ont fait de l’Espagne un pays sous-développé. L’irrévérence est très importante et nous ne devons pas la perdre. »
Une radicalité sans sans fard qui faisait de lui un élément un peu trop perturbateur. La stratégie d’Iglesias est claire : il ne faut pas effrayer les gens avec des gros mots communistes. Et ça, Monedero ne le supportait plus. Ses détracteurs non plus d’ailleurs. Pour l’éditorialiste Ruth Toledano, aucun doute, Monedero s’est fait évincer afin que Podemos achève son inflexion social-démocrate. Un pari extrêmement risqué, tant l’horizon centriste est saturé en Espagne. Elle s’éloigne,la « fraicheur du 15M » de Monedero.
"Il dit avoir quitté le parti"
Sérieux, vous avez lu ça vous ? Monedero ne quitte pas le parti, il démissionne de ses fonctions exécutives pour redevenir un militant de base de Podemos.
En espagnol, ça donne "Hoy he dejado los cargos de dirección de Podemos con una sola intención : empujar con mucha más fuerza este proyecto." Ou encore en français : "Aujourd’hui, j’ai quitté les charges de direction de Podemos avec une seule intention : pousser avec encore plus de force ce projet".
Conclusion, il quitte la direction pour travailler encore plus fort à faire émerger le projet Podemos.
Comment pouvez vous dire qu’il quitte le mouvement ?
De grâce, corrigez au plus vite cette malheureuse phrase pour éviter de désinformer vos lecteurs.
D’avance merci !
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