Une semaine déjà que les électeurs américains n’ont pas voté majoritairement pour Donald Trump mais qu’ils l’ont, selon toute vraisemblance, porté à la présidence (la phrase est un peu complexe mais on se comprend, n’est-ce pas ?). Une semaine seulement et déjà se sont déversés les flots tumultueux des exégèses et des recommandations dont les pertinences toutes relatives n’ont d’égales que leur retentissement dans l’opinion publique. Autrement dit, on raconte tout et son contraire, certaines analyses, et pas forcément les plus intelligentes, étant plus largement partagées que d’autres.
Ainsi, on voit fleurir de magnifiques tableaux du vote dont les paramètres rivalisent d’inventivité, Emmanuel Todd nous explique que toute catastrophique qu’elle soit, cette élection démontre en fait la vitalité de la démocratie américaine, et on nous fait même la proposition raisonnée selon laquelle la coiffure de Donald Trump aurait joué un rôle déterminant dans sa victoire. Bref, en matières de commentaires et de recherches d’explications, on est servi.
Proposer quelque chose
Mais hélas et franchement, le sujet, à mon sens, n’est pas là. Car en essayant, avec force raisonnements et autres outils sociostatistiques, de sans arrêt s’appesantir sur les causes de cette débâcle de ceux qui, habituellement, gouvernent, on ne fait finalement que creuser un peu plus le fossé qui sépare ce qu’il est de bon ton d’appeler "les deux Amériques". Parce que c’est cool de faire comme Hillary Clinton et de caser dans le même discours les noms d’à peu près toutes les communautés raciales et socioprofessionnelles et de les saupoudrer d’un peu de « moins d’impôts » et de « plus d’intégration économique et sociale », mais plus personne n’est dupe : c’est comme si, à un questionnaire pour la sécurité sociale, vous cochiez systématiquement toutes les cases.
Et à trop jouer à ce jeu, on en oublie l’essence du politique en démocratie : proposer un modèle de société dont disposera, lors des élections, le peuple. Mais pour cela, précisément, il faut proposer quelque chose ; et pas uniquement un compromis malade de bête pérennisation d’un système dont on a atteint, tant d’un point de vue social qu’environnemental, les limites.
Bon alors, après cette élection qui a fait très mal à leurs valeurs, ils vont enfin y aller carrément, les Démocrates – et plus largement, tous ceux qui sont en profond désaccord avec les propositions de Trump ? Nous montrer qu’ils ne sont pas que des suppôts passifs d’un capitalisme outrancier qui les a complètement asphyxiés et privés de leur capacité à élaborer des projets alternatifs ? Les quelques manifestations anti-Trump (mais aussi antidémocratiques) qui ont éclaté ça et là, ou le mea culpa de certains journalistes quant à leur déconnexion d’une réalité qui a produit ce qui était, selon leurs prédictions, impossible, on ne peut pas vraiment dire que ce soit suffisant…
Ne pas avoir peur de l’utopie
Quant au premier discours post-défaite de Clinton, prononcé devant la Fondation de défense des enfants, il est carrément lénifiant : toute la presse s’est émue parce qu’elle a dit qu’elle était sorry, mais ce n’est pas ça qui va changer quoi que ce soit.
Non, ce qu’il faudrait, c’est que l’on nous propose un vrai projet de société qui nous fasse envie, un truc dément que l’on imagine un peu impossible mais pour lequel cela vaudrait le coup de se battre. En fait, un programme de gauche, vraiment de gauche, c’est-à-dire d’une gauche qui n’ait pas peur de l’utopie où elle va. Et ce ne sont pas forcément de vains mots : certains, à l’instar de Bernie Sanders, portent de tels projets ambitieux. Et peu importe que ces batailles ne soient pas couronnées de succès. Les non-projets et les non-idées de la gauche et de la droite de gouvernement, ils sont peu à ne pas en avoir marre.
Alors autant se battre pour quelque chose dont on rêve, plus que pour un pis-aller qui, de toutes les façons, ne rapporte plus. D’autant que s’il y a bien une leçon que je retiens de cette campagne américaine, c’est que Trump ne cherchait pas coûte que coûte à gagner et qu’il avait assez peu à foutre des conseils avisés de modération de l’establishment républicain. Et qu’il a battu Clinton. Alors ce serait cool si on pouvait y aller à fond pour une fois – let’s struggle.
Je partage votre "coup de gueule", j’approuve votre proposition"la prochaine fois y aller à fond".
Ici comme aux USA, beaucoup ont la trouille ou font la fine bouche...Hé bien je leur dit moi aussi : c’est bien des politiques à la Clinton/Hollande et Trump/ Lepen qu’il faut avoir peur et pas du rêve, et ceux qui font la moue (ou la fine bouche), qu’ils se retrousse les manches...
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