Le ministère du Travail a dévoilé vendredi dernier les résultats électoraux nationaux des syndicats dans le secteur privé, sur lesquels est désormais basée leur représentativité en vertu de la loi du 20 août 2008. Il s’agit du premier scrutin établi sur cette base et la seule comparaison possible serait les élections prud’homales de 2008 :

Notons d’abord une participation de 42 % à ce scrutin tirée vers le bas par celle des TPE [1] qui est inférieure à 10 %. Avec cette réserve, le principal enseignement de ce scrutin semble être un transfert de voix important de la CGT vers la CFDT. Si la CGT était clairement le premier syndicat (34 % contre 21,81 % pour la CFDT en 2008), l’avance est désormais ténue (26,77 % contre 26%).
Comment expliquer ce glissement alors que la CFDT est le syndicat qui a rendu possible l’Accord National Interprofessionnel du 11 janvier ? Celui-ci prévoyait, au nom de la préservation de l’emploi, de permettre aux employeurs, avec accord des organisations syndicales, d’imposer à tout salarié et pour une durée maximum de deux ans la réduction de son salaire ou l’augmentation de son temps de travail. Autre mesure défavorable aux salariés, la possibilité d’une mobilité forcée à l’intérieur de l’entreprise qui, en cas de refus, ouvre la voie à un licenciement. Cet accord est en cours de transcription dans la loi. Dans la situation actuelle de récession économique, il est possible que cet accord soit perçu par une majorité de salariés comme un moyen concret de préserver les emplois : en se soumettant aux desiderata du patronat, on s’assure ses bonnes grâces et on espère qu’il continuera d’investir dans notre pays. Face à cet accord, se parer d’une posture purement défensive, telle que la non remise en cause du CDI, quoique justifiée, est peut-être perçue comme inefficace. De quoi donner à réfléchir sur la nécessité de dépasser la frontière entre le champ syndical et le politique, de positionner le syndicalisme comme un acteur de la transformation sociale. En d’autres termes, le refus de la remise en cause du CDI pourrait se prolonger de propositions politiques de transformation des entreprises et de gestion collective de l’investissement afin de préserver les emplois.
Autre inconnue de ce scrutin : le maintien de la CFTC comme syndicat « représentatif » pouvant mener des négociations paritaires au niveau national. Pari gagné pour cette centrale qui, avec une forte mobilisation, est parvenue à franchir largement la barre des 8 %. Il y a donc toujours cinq syndicats représentatifs au niveau national : la CGT, la CFDT, FO, la CFE-CGC et la CFTC. En éliminant les voix des autres organisations syndicales, le partage de la représentativité sera la suivante :

Les règles de la négociation paritaire stipulent qu’un accord est valable dès lors qu’il recueille 30 % des suffrages sans une opposition de 50 %. Désormais, CGT et FO n’auront plus la possibilité de bloquer un accord qui ne recueille que 30 %. La CGT est la seule organisation capable de signer seule avec le patronat un accord, avantage pour le moins théorique tant cette configuration est peu probable.