Le Conseil d’orientation des retraites (COR) vient de finaliser ses projections, qui englobent les 35 régimes obligatoires, qu’ils soient de base ou complémentaires, qu’ils concernent les salariés du privé, les indépendants ou les fonctionnaires. Ces chiffrages seront examinés demain par les 39 membres du COR. Ils serviront de base à la réforme promise par François Hollande pour l’année prochaine.
D’emblée, le ton est donné. Un déficit de 14 milliards d’euros en 2011 qui a été créé par une conjoncture défavorable : de faibles hausses du PIB qui ne correspondent pas aux projections antérieures. Un déficit qui culminera en 2030 à 26 milliards d’euros. Un système de retraites qui ne retrouvera son équilibre qu’en 2060...
En clair, les « réformes » successives qui ont été mises en œuvre pendant près de vingt ans n’ont pas réussi à équilibrer les régimes de retraites et il va falloir que le gouvernement de gauche y mette aussi la main. Equilibrer un système de retraites ? L’équation est simple et repose sur trois leviers : augmenter les ressources (donc les cotisations), allonger la durée de cotisations et/ou baisser les pensions. Jusqu’à présent, seuls les deux leviers ont été activés et jamais une hausse des cotisations sociales patronales n’a été envisagée [1] : seuls les salariés ont été mis à contribution.
Dans le cadre des régimes complémentaires du secteur privé Agirc-Arrco gérés par les « partenaires » sociaux et non l’Etat (qui gère la retraite de base), le patronat vient d’afficher la couleur : le Medef préconise de geler le montant des pensions pendant trois ans. Déjà quatre syndicats (FO, CFDT, CFTC et CFE-CGC) sont d’accord sur le principe d’une revalorisation inférieure à l’inflation en contrepartie d’une hypothétique augmentation des cotisations que le patronat refuse. Dans un tel cas, quelles cotisations augmenteront : salariales ou patronales ?
Un autre chantier avait été préalablement envisagé par le COR : le basculement du régime de base par annuités en régime à points. Dans le premier, on obtient une retraite dont le montant est garanti en fonction des revenus passés. Un tel régime est dit « à prestations définies ». Dans le second, la valeur de la retraite sera déterminée par la valeur du point qui fluctuera dans le temps comme le montrent les négociations autour de l’Agirc-Arrco. Ce régime est « à cotisations définies ». La CFDT s’y été jusqu’à présent montrée favorable. Est-ce que le gouvernement suivra cette direction dans sa future réforme ? Dans un tel cas, c’est une garantie de moins pour les actuels et futurs retraités.
Enfin, après vingt ans de « réformes » officiellement destinées à sauver les régimes de retraites par répartition, en réalité à les amoindrir pour laisser place aux retraites par capitalisation, ne serait-il pas temps d’inverser la tendance, de trouver de nouvelles ressources en mettant le patronat à contribution par le biais d’une augmentation des cotisations sociales ? Face au blocage du patronat dans la négociation sur les retraites complémentaires Agirc-Arrco, le gouvernement ne pourrait-il pas augmenter les retraites de base pour compenser la perte de pouvoir d’achat sur les retraites complémentaires ? Nous serions en droit d’attendre plus de la part d’un gouvernement de gauche mais, avec le tournant de la compétitivité visant à réduire le « coût » du travail, nous n’en prenons hélas pas le chemin.